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sur 453 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le 29 mai 2013, Pauline Hillier fait partie du groupe féministe Femen qui manifeste seins-nus devant le palais de justice de Tunis en soutien à Amina Sbouï. En revendiquant la libération de la militante tunisienne, la jeune bordelaise terminera à la Manouba, privée de sa propre liberté dans la plus grande prison de femmes de Tunisie. Pavillon D, une cellule nauséabonde à partager avec vingt-huit co-détenues, accompagnée d'un livre qu'elle a miraculeusement pu garder, « Les contemplations » de Victor Hugo, qui sera à l'origine du titre de cet ouvrage et dans lequel elle prendra les notes qui serviront de base à ce témoignage.

« Les Contemplées » est donc tout d'abord un récit carcéral qui immerge le lecteur dans un environnement insalubre, grouillant de cafards et de rats, où les prisonnières doivent survivre dans des conditions d'hygiène totalement rudimentaires et profondément dégradantes. Un huis clos où l'on souffre de malnutrition, d'humiliations en tout genre, de promiscuité, de fouilles à nu outrageuses et de violences régulières de la part des gardiennes.

« Les Contemplées » aurait donc pu se limiter à un témoignage autobiographique visant à dénoncer les conditions d'emprisonnement au coeur d'une société patriarcale bafouant les droits fondamentaux des femmes, mais Pauline Hillier a cependant choisi d'occulter la présence de ses deux consoeurs Femen, pourtant incarcérées avec elle, pour nous parler des femmes tunisiennes qui ont partagé son quotidien.

Ayant quelques notions de chiromancie, la narratrice va progressivement se faire une petite place parmi ses co-détenues en leur lisant les lignes de la main. Une main ouverte et tendue vers le partage du peu de biens qu'elles détiennes, mais surtout des histoires qu'elles ont en commun. La plupart ont beau être innocentes (comme c'est souvent le cas en prison, surtout celles-là), elles sont néanmoins toutes coupables du même crime : être née femme dans un monde dirigée par les hommes !

Grâce à la plume Pauline Hillier, Boutheina, Fuite, Hafida, Warda, Fazia, Samira, la Cabrane et les autres prisonnières se transforment en héroïnes de roman, illuminant cet environnement inhumain de leur humanité, traversant notre ligne de vie pour se graver à jamais dans notre esprit. Là, dans ce pénitencier où les femmes rebelles doivent être oubliées, voire même effacées de la société, des portraits foncièrement attachants sont brossés, tout en dénonçant la condition féminine en Tunisie et en rendant hommage à la merveilleuse sororité qui naît parmi ces femmes victimes du pire…

Finalement, « Les Contemplées » est un récit de transmission, d'histoires de femmes qu'il ne faut pas oublier…
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Femen mémorial
Un témoignage sensible, intense et poignant. le ton est juste, sincère, sans complaisance, la fin chargée d'émotion.
Le récit autobiographique vibrant d'humanité de Pauline Hillier militante de Femen, relate son incarcération dans une geôle tunisienne suite à une manifestation féministe à Tunis.
Elle raconte comment elle se retrouve jetée sans ménagement ni possibilité de s'exprimer dans l'enfer carcéral du pavillon d'de la Manouba traitée comme une criminelle au milieu d'une trentaine de codétenues.
D'abord terrifiée par les autres prisonnières : des délinquantes qu'on lui dépeint comme dangereuses, son regard sur elles change peu à peu. L'autrice ne possède pour seul refuge que « Les Contemplations» de Victor Hugo qu'elle utilise aussi comme journal emplissant de ses notes tous les espaces blancs. Sachant lire les lignes de la main elle offre aux détenues ses talents de chiromancienne. En tailleur sur sa couchette, paume dans la main, elle se transforme en diseuse de bonne aventure. le contact tactile permet de la rapprocher de toutes ces femmes que la machine carcérale a brisées et qui se mettent à lui confier des récits bouleversants.
Au sein de sa cellule crade aux odeurs pestilentielles, dans des conditions de détentions lamentables, l'écrivaine rencontre une bienveillance et une solidarité auxquelles elle ne s'attendait pas. «D'une bande de tueuses, de voleuses et de petites délinquantes j'ai reçu la plus magistrale des leçons d'humanité. » Cette sororité « immense et pure » l'aide à survivre.
Hafifa, Warda, Fuite, la Cabrane, Chafia, La Cristal, la vieille Boutheina…, autant de noms, surnoms et trajectoires de femmes lumineuses et attachantes qui résonnent encore en elle (et en nous).
Condamnées à de lourdes peines souvent disproportionnées, leurs actes délictueux sont couramment la conséquence de la violence patriarcale. Hantée par ses soeurs d'infortune depuis sa libération, elle écrit pour éterniser leur mémoire.
Ce livre est le mémorial de toutes ces « moins que rien » qui par leur chaleur humaine ont permis à Pauline Hillier de garder foi en l'humanité.
Une leçon magistrale, pour le lecteur aussi.
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Arrêtée à Tunis parce qu'elle manifestait comme « femen », Pauline Hillier est arrêtée et conduite à la Manouba, la prison pour femmes.
Pendant plusieurs semaines, elle va subir le sort des détenues tunisiennes, partager les 30 m2 de la cellule avec 27 autres femmes, supporter la saleté, les odeurs, la mauvaise nourriture, les humiliations...

L'expérience l'anéantit tout d'abord, malgré son courage et sa volonté, et elle se recroqueville sur son lit superposé avec vue sur les toilettes.
Mais peu à peu les autres détenues lui parlent, lui apprennent les mots arabes du quotidien et l'initient aux règles de la prison.
Et surtout, quand elle propose de leur lire les lignes de la main (elle avait appris, il y a longtemps...), la glace se rompt et les confidences commencent...
L'une est là car elle a tué son mari qui se montrait violent envers elle et ses enfants depuis des années, l'autre, enceinte, a dépensé l'argent du ménage, une autre a été accusée à tort d'un meurtre.

Pauline, militante féministe, découvre le quotidien de ces tunisiennes, malmenées par la loi, par leur mari et par leur famille, et qui paient de leur liberté, parfois de leur vie, leur situation de femme.

Sa vie en sera profondément marquée et ce n'est que plusieurs années après qu'elle pourra écrire sur cette incarcération (qu'elle qualifiera de roman car elle a aussi puisé dans les souvenirs d'autres Femen emprisonnées)
Le style, oppressant, presque sans respiration, restitue la violence de cette expérience, il témoigne de l'urgence de se battre contre l'oppression des femmes dans les pays arables et pour une justice digne de ce nom.

Merci à la sélection du Prix Cezam 2024 qui m'a permis de découvrir ce texte.
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Derrière les murs de la Manouba

Pauline Hillier a fait partie des Femen. C'est lors d'une action de protestation en 2013 qu'elle a été arrêtée et incarcérée dans la prison de femmes de Tunis, la Manouba. Une expérience qu'elle relate dans ce premier roman bouleversant.

Quand on se retrouve isolée du monde, dans une cellule surpeuplée et proche de l'insalubrité, alors la moindre petite attention est bonne à prendre. Pour la narratrice, brutalement jetée dans cet univers carcéral, la possibilité de conserver un livre est une bénédiction. Cet exemplaire des Contemplations de Victor Hugo va très vite devenir un viatique lui permettant de ne pas sombrer. Mieux, c'est dans les marges et dans les espaces encore vierges qu'elle pourra prendre des notes, raconter son vécu et rassembler la matière de ce qui deviendra Les Contemplées en hommage à l'auteur des Misérables.
Si ce n'est qu'en toute fin de volume que Pauline Hillier expliquera ce qui l'a conduite dans cette cellule en 2013, on sent bien qu'elle n'a rien oublié de son séjour, des premières minutes à celles de sa libération. Il faut dire que cette expérience ne peut que marquer fortement ceux qui la subissent. La violence y est omniprésente, d'abord assénée par ceux qui sont censés faire respecter la loi, les gardiens et le personnel administratif jusqu'à la directrice qui n'a pas trouvée meilleur moyen pour se hisser au rang de ses collègues masculins que d'être encore plus sévère et plus tyrannique qu'eux. Elle fait de sa «machine carcérale» un concentré d'inhumanité et encourage les gardiennes à la sévérité, pour ne pas dire la brutalité. On comprend alors la détresse de la Française jetée dans une cellule qui répond à ses propres règles, avec des détenues plus ou moins dangereuses et dont elle ne comprend pas la langue. Les policiers l'avaient du reste prévenue, c'est bien l'enfer qui l'attend.
Mais la peur n'est pas la meilleure conseillère. Pour pouvoir tenir, elle se rend bien compte qu'elle doit faire profil bas et essayer de se fondre dans la masse, voire à se trouver des alliées.
Mais c'est presque par hasard qu'elle va trouver le moyen de gagner sa place et même de jouir d'un statut particulier. En prenant la main d'une codétenue et en lui expliquant ses lignes de vie, elle va s'improviser chiromancienne. Ce faisant, elle fait rentrer de l'humanité – voire de la sensualité – dans ce monde où le libre-arbitre et la force font loi. Prendre la main d'une prisonnière n'est alors plus un geste anodin, mais le début d'une histoire. de confidence en confidence, on va voir se déployer les histoires individuelles, découvrir Hafida, Samira, Fazia, Boutheina et les autres. Alors, il n'est plus question de crimes et délits, mais de solidarité et de sororité. Alors on soutient une femme enceinte, on compatit à la tragique histoire de cette femme violée que son père tout comme la police préfère ne pas croire et qui va finir incarcérée, accusée du meurtre de son agresseur. Ou encore de cette autre détenue, coupable de ne pas avoir été en mesure de donner un héritier mâle à son mari. Miroir inversé d'une société qui a érigé le patriarcat en système absolu que le dévoiement de la religion accentue encore, La Manouba devient alors le creuset d'un combat souterrain, d'une humanité qui défie la violence. Alors un carré de chocolat, un bout de savon, un pas de danse, quelques secondes passées sous la douche ou encore quelques pas en plein air deviennent les symboles de la résilience, du refus de l'obscurantisme.
Si le récit de Pauline Hillier est aussi bouleversant, c'est parce qu'il donne à cette tranche d'autobiographie une valeur universelle. En entrant avec elle dans cette prison et en partageant son quotidien, c'est bien contre l'injustice et l'absolu d'un pouvoir dévoyé que l'on s'élève. Avec la force d'un Midnight express féminin, la militante Femen trouve dans l'écriture le moyen de poursuivre un combat qui, s'il est loin d'être gagné, fera bouger les lignes ou, au moins soutenir ces femmes détenues qui retrouvent ici un visage. Car, comme l'écrivait justement Victor Hugo dans les Contemplations,
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ;
Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.


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Livre qui se dévore et qui ne laisse pas indifférent. Il parle essentiellement des femmes, ce qui n'est pas surprenant de la part d'une ancienne FEMEN.
C'est à ce titre, suite à une action dont nous connaissons tous plus ou moins la teneur, qu'elle est mise en prison quelques semaines à Tunis, avant les évènements révolutionnaires que les médias ont appelé le "printemps arabe".
Heureusement, ce n'est pas le sujet de sont livre, écrit bien après. Elle rend hommage, en différé et de manière romancée, aux femmes qu'elle a rencontrées à la "Manouba", la prison pour femmes de Tunis.
C'est un récit à double vocation : introspectif en ce qui la concerne, et anti-société patriarcale pour les femmes en général.
Bien écrit, au rythme très enlevé malgré le presque huis clos, elle réussit à faire ressentir à distance sociétale et temporelle l'arbitraire qui étouffe la vie des simples femmes rencontrées.
J'ai trouvé un peu exagéré l'explication monocausale de toutes les injustices subies. Les hommes qu'elle décrit sont certes assez minables dans l'ensemble mais je ne suis pas certain qu'ils portent la responsabilité de tous les maux de la terre, ce que ses tirades laissent parfois entendre...
Mais l'intérêt réside surtout dans les portraits brossés de ces femmes victimes de la société tunisienne, de leurs histoires transmises.
Un joli livre qui m'a fait penser un peu, dans un contexte différent, au "Quai de Ouistreham" de la journaliste Florence Aubenas.
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La Tunisie et moi, c'est une grande histoire, où amour et haine se confondent et chaque fois qu'un livre évoque la Tunisie avec des thématiques fortes, je ne résiste pas à sa lecture.

Les femmes en détention sont un sujet rarement abordé et j'étais curieuse de lire ce que Pauline Hillier allait proposer. En étant confrontée à l'emprisonnement dans un pays où les droits des femmes et des hommes sont souvent à la limite de la légalité, je savais que le sujet allait me plaire, j'avais juste peur que l'on tombe dans la facilité et dans l'apitoiement. Et en toute sincérité, je me suis dit, qu'en se rendant dans un pays musulman, Pauline Hillier savait les risques qu'elle encourait. L'attentat à la pudeur en Tunisie étant passible de six mois de prison ferme. Et même si je peux comprendre, le message à transmettre, je ne suis pas certaine que montrer ses seins soit la meilleure façon de se faire entendre, encore moins dans un pays musulman, même si celui-ci se targue d'être le pays arabe où la femme a le plus de droit. Enfin ça, c'était avant le « Printemps Arabe »…

Partant de la volonté d'aider une Femen tunisienne, Pauline Hillier et deux autres femmes, se rendent en Tunisie et décident d'attirer l'attention sur le sort d'Amina, première Femen tunisienne, qui avait reçu des menaces d'islamistes pour avoir publié des photos d'elle la poitrine dénudée sur Internet. Elles décident donc de manifester leur soutien, seins nus devant le palais de justice à Tunis, la veille du procès de cette dernière.

Je ne vais pas ici faire un article à charge ou à décharge sur le Femen, ce n'est pas le propos, même si je ne partage pas spécialement leurs idées, ni la manière dont elles les manifestent.

Je vais surtout m'attacher à vous parler du récit de Pauline Hillier, sur son emprisonnement et l'impact qu'il a eu sur elle. Car au-delà des idées politiques, vivre un emprisonnement n'est pas simple, surtout lorsqu'il a lieu dans un pays étranger, loin de toute famille.

La lecture prend aux tripes, dès le début, on est dans le vif du sujet, avec Pauline Hillier dans la voiture de flic qui l'emmène vers sa prison pour quelques mois… La Manouba !

Avant d'être une prison, c'est d'abord une ville qui se trouve à quelques kilomètres de Tunis, connue pour avoir été la ville des résidences d'été des beys de Tunis, dont l'architecture vaut le détour. Cette partie historique est quasiment occultée par les Tunisiens eux-mêmes, puisque la prison porte le nom de la ville !

Pauline Hillier dresse un portrait de sa vie en prison, ainsi que des femmes qu'elle va côtoyer pendant quelques mois et j'ai été touchée par ses mots et ses descriptions. Ce qu'elle décrit sur la prison, les fouilles, est d'une réalité saisissante, car c'est vrai ! Ce n'est pas un livre qui joue sur les sentiments, c'est un livre dans lequel Pauline Hillier expose, avec beaucoup d'émotions, le fait d'être une femme, en prison, en Tunisie. De celle qui a fait des chèques en bois, à celle qui a tué, en passant par celle qui a été amoureuse et trompée, ou de celle qui a eu des relations hors mariage, tout est détaillé sans jamais tomber dans la facilité. C'est d'une grande pudeur, tout en étant très explicite. C'est plein d'amour, de tendresse et de respect.

À titre d'exemple, une femme ou un homme, en instance de divorce, ne peuvent avoir de relations sexuelles, sous peine de condamnation pour adultère. Si sur le papier, les deux sont condamnables, si des preuves sont apportées. Dans les faits, c'est souvent la femme qui est la victime et pour prouver son innocence, l'examen vaginal est une procédure courante dans les affaires d'adultère. Utilisé comme une forme de preuve, le test vaginal a été créé par la jurisprudence.

Les femmes sont et restent les premières victimes d'un système patriarcal, et c'est ce que dénonce Pauline Hillier. 

Un livre émouvant, une plume poétique, j'ai été très touchée par ces femmes, auxquelles elle dédie ce livre à travers son histoire. J'ai retrouvé ce que je connais de la Tunisie et de son système judiciaire, tout y est… Un livre qui décrit avec pudeur, le quotidien de prisonnières courageuses, en but à l'horreur, d'une grande résilience, d'une beauté foudroyante dans une Tunisie où les femmes sont de plus en plus les victimes collatérales d'un système politique défaillant.

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Sitôt arrêtée, une Française est jetée dans la prison pour femmes de la Manouba. Salie, insultée, traînée et traitée comme une criminelle (passages d'une grande intensité pages 28 et 64), elle peine à retrouver ses esprits. Plutôt que de se recroqueviller au fond du pavillon d'et d'y pourrir comme un Gollum, elle décide de prendre la vie carcérale à bras-le-corps.
Adepte de la chiromancie, elle attise la curiosité de ses codétenues qui la pressent de leur prédire l'avenir puisque le présent a tout d'un enfer. Elle accueille leurs paroles. Toutes ces femmes ont en commun d'avoir été victimes du patriarcat en vigueur (« D'un pouce dans l'arène, ces petits césars scellent le destin des femmes qu'ils possèdent »). Leur infortune révolte. de quoi sont-elles coupables ? D'avoir été violées trop jeunes ? D'avoir répondu à un mari violent ? D'avoir défié le système ? de ne pas accepter que la religion les instrumentalise ?
De toutes ces femmes, le personnage de « La Cabrane » est le plus mémorable.
La Cabrane, « Tueuse en série en puissance et féministe à sa dangereuse façon, qui n'a jamais été aussi libre que derrière ces barreaux ». La Cabrane condamnée à la tristesse perpétuelle : « Il faut croire qu'Allah lui avait réservé cette vie de mord-la-poussière. Pour elle le programme c'était la main de Fatma dans la gueule, dès le départ ».
La Française en perd ses repères. Les notions du bien et du mal s'entrechoquent. « L'humanité s'est présentée à moi nue, dans ce qu'elle a de plus brut et de plus sincère, sans rien dissimuler de ses contradictions et de ses zones grises (…). »
J'ai toujours dit que le roman autobiographique ne me dérangeait pas, à condition que la vie de l'auteure mérite le détour et force le respect. « Les contemplées » en est l'éclatante démonstration.
Bilan : 🌹🌹
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Pauline Hillier a été détenue en Tunisie il y a quelques années. C'est de cette expérience qu'elle s'est nourrie pour écrire ce roman.
Elle nous entraîne dans une cellule d'une vingtaine de femmes où la vie s'est organisée : les rituels du quotidien, l'organisation hiérarchique entre les détenues, le désespoir pour toutes.
Elle-même doit trouver sa place et va bénéficier de la solidarité de ces femmes qui ont toutes une histoire à raconter. Peu à peu, elles se livreront.
Pauline Hillier fait l'expérience de la sororité dans un lieu où chacune est privée de ses droits, où toutes sont malmenées dans la faim, la crasse et la maladie.
Avec beaucoup de tendresse et d'humilité, elle nous raconte l'histoire de ces femmes, la promiscuité, la peur.
Une belle leçon de vie.
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♫ Les portes du pénitencier, sur elle, se sont refermées ♪ Et c'est là que certaines finiront leur vie ♪ Comme d'autres femmes l'ont finies… ♫

De la ville de Tunis, personne n'a envie d'aller faire un tour à La Manouba, la prison pour femmes, où il ne fait pas bon y être emprisonnée.

Dans les prisons, il y a des règles à respecter, propres à l'établissement et lorsqu'on est bleue, on ne les connait absolument pas, ce qui peut entraîner bien des problèmes. Heureusement, notre jeune Française, emprisonnée pour avoir manifesté, aura la chance de se faire enfermer dans le pavillon D.

Oui, de la chance ! Non pas que ce soit le Club Med, mais comparé à d'autres pavillons, celui-ci est un peu plus humain que d'autres, moins violents et notre jeune femme fera des rencontres décisives, qui lui ouvriront les yeux.

Oui, elle a eu de la chance de tomber sur des femmes pas trop méchantes, qui l'ont prises sous leurs ailes, qui lui ont expliqué les règles, qui l'ont aidées à s'en sortir, à survivre dans un univers carcéral qui n'est pas fait pour nous…

Là-bas, une jeune fille a été condamnée à plusieurs années de prison pour tricherie au bac et on en croisera une autre, qui, en plus d'avoir été violée, aura droit à l'ignominie rajoutée à l'ignominie : ou comment tripler la peine d'une victime, tout en blanchissant l'homme coupable de l'acte (et tous les autres). Terrifiant !

Sans jamais sombrer dans le pathos, l'autrice nous raconte ce qu'elle a vécu dans cette prison tunisienne, les multiples humiliations, l'enfer des transports et les règles bien souvent idiotes et illogiques : pour te doucher, tu gardes ta culotte, parce que la techa d'une femme, c'est sale (les gardiennes sont pourtant des femmes), mais ces mêmes gardiennes ne se priveront pas de vous fouiller l'anus et le vagin… Juste pour le plaisir de vous humilier.

Une fois de plus, voilà un récit qui m'a pété à la gueule et qui m'a tordu doucement les tripes, car comme l'autrice, j'ai, moi aussi, pris une leçon d'humanité. Qui aurait cru cela possible, avec des femmes incarcérées pour meurtres ou pour d'autres motifs ?

Bien qu'entre nous, j'accorderais bien une médaille à celle qui tua son mari (et son père et ses frères), vu ce qu'elle avait endurée.

Dans ce roman coup de poing, dans cette autobiographie, il n'y a pas que l'autrice, qui est l'héroïne, mais aussi toutes ces femmes enfermées avec elles, ces parias, ces femmes qui ne sentiront plus le soleil réchauffer leur peau, qui continueront de subir leur incarcération, sachant qu'une fois sortie, rien de bon ne les attendra dehors.

Sans jamais les juger (bien qu'au départ, elle le fasse), l'autrice apprendra à les connaître, à les écouter se confier, parlant de leurs fautes, de leurs crimes, de leurs erreurs, le tout avec beaucoup d'humanité aussi, balançant aux orties ses préjugés moraux.

Être une femme, dans certains pays, c'est plus qu'une épreuve, plus que marcher sur une corde raide, plus qu'une punition, plus qu'un risque de tous les jours, de toutes les heures. Dans certains pays, les hommes ont TOUS les droits, les femmes n'en ont aucun.

Dans ces sociétés patriarcales, hautement religieuses, les êtres humains font rarement preuve de mansuétude, de pardon, de gentillesse et les femmes trinquent deux fois : victimes de la violence des hommes (ou de la société) et ensuite, victimes de la violence des autres femmes (gardiennes, belle-mère, mère,….).

Un magnifique roman qui met en avant la sororité, l'humanité, la solidarité, dans un lieu où il est si facile de la perdre.

Un roman magistral et un coup de coeur !

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Tunisie, 2013. A l'issue d'une manifestation, Pauline, jeune Française membre des Femen, est incarcérée à La Manouba, la prison pour femmes de Tunis. Au sein du Pavillon D, elle partage sa cellule avec 28 détenues. Dans les marges du seul livre qu'elle a pu garder, "Les contemplations", elle glose leurs histoires, celles de tueuses, d'arnaqueuses ou de victimes d'erreurs judiciaires.

Pauline Hillier, allias Bolona, nous donne à lire les conditions déplorables de détention. Cafards, rats, insalubrité, nourriture avariée, surpopulation, mauvais traitements et humiliation... Dans le pavillon D, les femmes font face en s'entraidant et en bricolant un peu pour améliorer leur quotidien.

c'est un grand changement pour Pauline, Parisienne middle class. Si elle arrive avec ses préjugés et ses craintes, elle découvre vite une relative bonne entente entre les prisonnières. Elle s'adapte et trouve sa place dans le monde hiérarchisé de la Manouba.

Ce court séjour en prison la marquera à vie. Elle comprend une chose, ou plutôt deux. Tout d'abord, la limite entre victime et coupable, bien et mal, blanc et noir, est floue. Enfin, ces femmes ne sont la plupart du temps "coupables" que d'une seule chose : être femme dans une société patriarcale et religieuse.

J'ai aimé suivre les récits rocambolesques de ces femmes : la joyeuse Hafida, Chafia la noctambule ou la terrible Cabrane. le seul petit bémol pour moi, c'est que ces personnages nous sont racontées en quelques pages, une prisonnière, un chapitre. J'aurais préféré découvrir leur psychologie et leur vie à travers des scènes parlantes ou des dialogues.

Bien que terrible et dur, ce récit romancé dresse le portrait d'un groupe de femmes solidaires qui, malgré l'enfermement, préserve la joie, une part d'espoir et une belle pulsion de vie.

Je salue le courage de l'autrice qui, plusieurs années après, a décidé de se plonger dans ses notes et de nous écrire ce texte tout en lumière et en humanité.

Sélection Prix Cezam 2024.
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