"Petit frère, ne me traite pas comme si j'étais déjà mort ou agonisant. Si c'est ainsi que tu me vois, j'aime mieux être mort pour de bon. Tu voles le maintenant de ma vie quand tu crains que je disparaisse demain. Ta peur a des griffes glacées qui m'enserrent et me dépouillent du plaisir que je tire de la chaleur du jour."
Je sus alors quelle tâche j'avais acceptée, et je compris que je me tenais au bord de l'abîme.
Je m'y laissai tomber. "Oui, ma Reine."
Malgré mon chagrin, je ne ressentais pas les regrets qu'engendre la fin d'une aventure ; j'avais plutôt la prémonition du commencement d'une autre. Un frisson me parcourut, comme si le fou en personne se trouvait près de moi et me chuchotait à l'oreille : "Tu ne perçois rien ? Une rupture, un tourbillon ? D'ici, tous les chemins se modifient."
Je me tournai mais ne vis personne. J'observai le ciel : des nuages noirs arrivaient rapidement du sud et déjà la cime des arbres s'agitait sous les premières rafales de la bourrasque en préparation. Astérie allait entamer son trajet sous une pluie battante. Je fis mon possible pour me persuader que je ne m'en réjouissais pas, puis j'allai chercher Heur.