— L'assassin le plus difficile à attraper, c'est celui qui tue sans mobile. Le meurtrier intelligent, qualifié, sans le moindre soupçon de raison de vouloir du mal à sa victime. [...] Un assassin de ce genre pourrait nous rire au nez… pour toujours. (p.111)
Mourir, ce n’était rien d’autre qu’une fin agréable à l’ennui. Mourir vous donnait par ailleurs une réputation enjolivée, puisque le langage des nécrologies était l’éloge, pas la vérité. Si vous mouriez jeune, la vie n’avait pas eu le temps de vous rendre vieux et laid, gras ou rachitique. Celui qui ne vieillissait pas laissait derrière lui le souvenir d’une tragédie; un récit embelli, réconciliateur, où le mélancolique devenait palpitant et le laid, beau.
Vegard Krogh tenait un blog, l'un de ces trucs incompréhensibles, nombrilistes, où il ne fait pas un pli que la personne qui gère ça se pense immensément intéressante aux yeux du monde.
Derrière une énorme table de travail et entre les caisses de lettres encore fermée, une morte était assise.
- La politique, intervint Inger Johanne, est tout sauf un milieu d’enfants de choeur, tout le monde le sait. Si des discussions un peu animées dans les coulisses de la politique devaient fonder des soupçons de meurtre, vous en auriez les mains pleines. - Malgré tout…
Huit jours avaient passé, et la police n’avait apparemment pas avancé d’un pouce. Ce qui ne la surprenait pas. Les pages Internet des quotidiens sont minables, songea la femme devant son PC portable. […] Elle ne décolérait pas devant l’immobilité de la police. D’un autre côté c’était une affaire exigeante. La police norvégienne n’avait jamais été mirobolante; des eunuques provinciaux et désarmés. Elle en revanche était une experte.
La sculpture était placée au bord du quai, à quelques pas de la petite chapelle que Cocteau lui-même avait décorée. Il fallait payer pour entrer. […] Elle avait fait machine arrière. Payer pour rencontrer un Dieu en lequel elle n’avait jamais cru, malgré tout, c’était pire. Elle avait eu envie de remémorer, à la bonne femme grassouillette, derrière la porte de la chapelle de Cocteau, le combat de Jésus contre les marchands du Temple. Cette bonne femme aigrie occupait un siège derrière une table couverte de souvenirs tout simples vendus à des prix à vous faire dresser les cheveux sur la tête, et réclamait deux euros de droit d’entrée. Il était assez râlant que ses connaissances en français soient limitées à quelques jurons grommelés.