Citations sur L'Odyssée - Des lieux et des hommes (11)
Car le divin Ulysse en cette terre n'est pas mort
il est encore vivant, mais captif de la vaste mer,
dans une île des eaux, des brutes l'ont entre leurs mains,
des sauvages contre son gré qui le retiennent.
Écoute donc la prédiction qu'on inspirée
à mon âme les dieux, et qui, je crois, s'avèrera,
bien que je ne sois point prophète ou devin des oiseaux :
Ulysse ne restera plus longtemps loin du domaine
de ses pères, fût-il lié par des chaînes de fer :
habile comme il est, il saura bien nous revenir.
Et la mer à la ronde roule son bruit de crânes sur les grèves...
Saint-John Perse
P.455 Des lieux et des hommes, par François Hartog
Lorsque parut la fille du matin, l'aube aux doigts roses
Le Roi des hommes et des dieux prit alors la parole
(il pensait, dans son âme, au noble Egisthe
que tua le fameux Oreste, fils d'Agamemnon) ;
tout à ce souvenir, il dit ces paroles ailées :
"Hélas ! voyez comment les mortels vont juger les dieux !
C'est de nous que viendraient tous les malheurs,
alors qu'eux-mêmes
par leur propre fureur outrant le sort se les attirent,
ainsi qu'on vit Egisthe outrant le sort prendre à l'Atride
se femme légitime, et le tuer à son retour,
sachant la mort qui l'attendait, puisque nous l'avons prévenu
par l'entremise du Veilleur éblouissant, Hermès,
de ne pas le tuer, de ne pas rechercher sa femme !
Car Oreste viendrait lui en faire payer le prix
dès qu'il aurait grandi et désirerait sa patrie...
Ainsi parla Hermès, bienveillant, sans persuader
les entrailles d'Egisthe : et maintenant, quel prix il a payé !"
(Chant I)
Car peu d'enfants se montrent dignes de leur père ;
pires presque toujours, et bien rarement meilleurs qu'eux.
(Chant II)
Et tel aura été le rêve, utopique, de cette traduction, défectueuse comme toute traduction : que le texte vienne à son lecteur ou, mieux peut-être, à son auditeur un peu comme viennent à la rencontre du voyageur ces statues ou ces colonnes lumineuses dans l'air cristallin de la Grèce, surtout quand elles le surprennent sans qu'il y soit préparé ; mais, même quand il s'y attend, elles le surprennent, tant elles viennent de loin, parlent de loin, encore qu'on les touche du doigt. Elles demeurent distantes, mais la distance d'elles à nous est aussi un lien radieux.
***
Il y aura eu d'abord pour nous comme une fraîcheur d'eau au creux de la main. Après quoi on est libre de commenter à l'infini, si l'on veut.
Philippe Jaccottet
Novembre 1981
P.7
[...] Ah! si Ulysse revenait, retrouvait sa patrie,
bientôt, avec son fils, il ferait payer ses abus !"
Sur ces mots, Télémaque éternua très fort*, tout le
palais en retentit ; Pénélope se mit à rire
et aussitôt dit au porcher ces paroles ailées ;
"Va, je te prie, et fais venir ici cet étranger !
N'entends-tu pas mon fils éternuer à mes souhaits ? [...]
*Vers 541. L'éternuement, après un vœu, passait pour un présage favorable.
P.316
Malheureuse ! pourquoi me poursuis-tu de ta rancœur ?
C'est sans doute que je suis sale et mal vêtu,
que je mendie par le pays : mais la nécessité m'y force.
C'est là le sort commun des mendiants et des vagabonds.
Car moi aussi j'ai habité heureux parmi les hommes
une riche maison, et je donnais souvent ainsi
aux vagabonds, sans demander leur nom ni leurs besoin ;
j'avais des serviteurs per milliers, et toutes ces choses
par quoi les hommes vivent bien et sont appelés riches.
Il n'est pas pour un vivant plus haute gloire
que celle qu'il retire de ses bras et de ses jambes
L'imprudent qui s'approche et prête l'oreille à la voix
de ces Sirènes, son épouse et ses enfants
ne pourront l'entourer ni fêter son retour chez lui.
Car les Sirènes l'ensorcellent d'un chant clair,
assises dans un pré, et l'on voit s'entasser près d'elles
les os des corps décomposés dont les chairs se réduisent.