Dire que je ne sais même pas où je vais mourir...
- Il y a quatre principes dans la vie qu'un homme ne doit jamais oublier : ne pas dire de bêtises, ne pas se tromper de lit, ne pas se tromper de porte et ne pas mettre la main dans la poche d'autrui.
Plus tard, nous nous retrouvâmes de nouveau assis à l'ombre des arbres. Je lui demandai de continuer son récit. Emu, il me regarda comme si je lui faisait le plus beau des cadeaux. Que sa vie soit prise en considération par quelqu'un d'autre lui remplissait le coeur de joie.
C’est moi qui ai enterré tous les membres de ma famille. Quand ma mort viendra, je n’aurai plus à me faire de souci pour qui que ces soit. Je ne suis pas obsédé par l’idée de la mort car j’aurai l’esprit tranquille à ce moment-là. Je n’aurai même pas à me préoccuper de savoir qui m’enterrera. Je sus sûr qu’il se trouvera quelqu’un pour s’en occuper. Si on me laissait pourrir, l’odeur incommoderait tout le monde.
Lorsque Youqin eut six mois, Jiazhen rentra à la maison. Elle n'avait pas pris le palanquin. Elle avait marché une dizaine de lis, son fils ficelé comme un paquet sur son dos. Youqin, les yeux fermés, balançait sa petite tête sur l'épaule de sa mère.
Jiazhen était très belle ce jour-là avec sa robe chinoise couleur cerise et son balluchon, à fleurs blanches sur fond bleu, au bras. Dans les champs, le long de la route, le colza doré était en fleur et les abeilles bourdonnaient dans un va-et-vient incessant. En arrivant devant la maison, Jiazhen resta un instant à la porte et sourit à ma mère.
Les mères ont toujours le coeur plus sensible.
- Je vais bientôt mourir, me dit-elle. Je suis satisfaite de ma vie, car tu m'as beaucoup aimée. D'ailleurs, je t'en ai rendu grâce en te donnant deux enfants. J'espère que nous nous retrouverons dans notre vie future.
Sa dernière phrase me tira des larmes, qui tombèrent de mes yeux sur son visage. Elle sourit.
- Puisque mes enfants sont morts avant moi, je pars en paix, poursuivit-elle. Je n'ai plus à me soucier d'eux. Quoi qu'il en soit, ils m'ont respectée de leur vivant. Qu'est-ce qu'une mère peut souhaiter de plus ?
- Il y a quatre principes dans la vie qu'un homme ne doit jamais oublier : ne pas dire de bêtises, se tromper de lit, ne pas se tromper de porte et ne pas mettre la main dans la poche d'autrui.
La Révolution culturelle faisait rage en ville. Les murs étaient couverts de dazibaos. Ceux qui les placardaient étaient des paresseux. Ils ne se donnaient même pas la peine d'arracher les vieux pour coller les nouveaux. Ainsi superposés, les dazibaos finissaient par ressembler à des poches, tellement ils étaient gonflés. Erxi et Fengxia avaient leur porte entièrement couverte de slogans. Et on imprimait des citations du président Mao sur les objets d'usage courant. C'est ainsi que l'on pouvait lire sur un oreiller qu'"Il ne faut jamais oublier la lutte des classes", et sur un drap de lit qu'il faut "Naviguer dans les grandes tempêtes révolutionnaires". Erxi et Fengxia couchaient donc sur les citations du président Mao.
- J'ai peur qu'il apprenne qu'il est seul à labourer, alors je crie plusieurs noms pour le tromper. Quand il entend qu'il y a d'autres buffles qui travaillent comme lui, il ne peut plus se permettre d'être mécontent et il tire la charrue avec plus d'ardeur.