La justice peut-elle refuser une mort digne à ceux que la vie a abandonnés?
Oui, je persiste: je veux mourir parce que cette vie de merde qu'on me fait vivre depuis mon accident, je n'en peux plus, je n'en veux plus, ce n'est pas une vie.
Ma mère m'a donné la vie, je lui demande à présent de me donner la mort.
Tu sais maman, la mort, ce n'est pas moche. C'est beau la mort c'est si simple.
Les animaux c'est comme les hommes,on n'a pas le droit de les laisser souffrir.
Et puis, si j'ai refusé de me montrer, c'est aussi par respect pour ma mère. Je sais qu'au quotidien elle fait tout pour que je sois présentable. C'est elle qui chaque soir prépare mes habits pour le lendemain. Elle préfère le faire elle-même car si ce sont les infirmières du matin qui le font, je suis habillé n'importe comment. Elles n'ont aucun goût ! Il est vrai qu'elles ont peut-être d'autres préoccupations. Mais pour moi, c'est très important, encore aujourd'hui, d'avoir de belles fringues, d'être bien coiffé, que mon bouc soit bien taillé. Question de dignité. Question, non pas de bien-être, mais de mieux paraître, de mieux me présenter à mes proches, à ceux qui viennent régulièrement me rendre visite et qui sont habitués à me voir délabré mais digne.
Ma vie, c'est ma chambre Lever 6 heures, les premiers médicaments, la toilette, des soins toutes les deux ou trois heures, quelques visites, beaucoup de douleurs physiques et morales et puis c'est tout.
Tous les parents, lorsqu'ils se retrouvent ici et qu'ils discutent entre eux de leur malheur, doivent forcément au bout d'un moment devenir égoIstes dans leur tête en regardant les enfants des autres et se dire que si le leur a résisté jusque-là c'est bon, il marchera de nouveau, parlera comme avant, revivra comme avant.
On ne peut pas se lever un matin, déjeuner, se brosser les dents, partir bosser et finir le soir dans une coquille de survie du SAMU, sans plus rien, sans visage, mort dans un monde de vivants.
Tu sais maman, la mort, ce n'est pas moche. C'est beau la mort c'est si simple