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Critique de Michel69004


Ce livre est complètement étonnant. Je voulais le lire avant la Grande Rentrée et ne savais pas trop à quoi m'attendre: le prix FEMINA, un chien à sa table. Bon, pourquoi pas.

Claudie Hunzinger est un sacré personnage, je l'ai compris en fouillant sur le web.
Et son livre est à son image : faussement simple dans la forme et le fond.

Tout d'abord l'autrice brouille les cartes : s'agit-il d'une autobiographie ( c'est quand même à peu prés évident, seuls les noms changent…) ?
L'histoire: il n'y en a pas vraiment, nous déambulons dans les pensées et surtout les ressentis de Sophie/Claudie, la narratrice. Installée depuis 4 ans au fin fond des Vosges, elle vit frugalement au Bois-Bannis, petite enclave huguenote à 800 mètre d'altitude. A 82 ans, elle commence à peiner, mais pas tant que cela, elle a encore bien la forme, la vioque. Oui, la vioque, comme elle aime à s'appeler, ça l'a fait rire, ça sonne bien. Elle passe son temps à l'extérieur de la maison, entre bois,vallons et moraines. Elle vit avec Grieg (grigou) son compagnon de toujours, qui ne sort quasiment jamais et vit dans sa chambre devenue une grotte de livre. C'est clairement une sorte de Diogène littéraire: il ne fait que lire. Il a le même âge que Sophie mais il n'a pas sa santé, son énergie.
Arrive une jeune chienne qu'ils baptisent Yes et qui, manifestement a été victime de sévices sexuelles.
Voilà pour l'intrigue…

Claudie nous entraine dans une réflexion d'une profondeur insondable, avec joie, humour et détermination, sur l'anthropocène, la vieillesse et le rôle fondamental de la poésie, de la loufoquerie et du pas de côté.
Depuis les années 70, le couple s'éloigne physiquement du monde. Grieg/Francis a d'ailleurs fait des études à …la Bergerie nationale de Rambouillet.
Elle élabore une sorte de volonté inter-spéciste , en marge de toutes les théories (elle ne s'intéresse pas aux théories), ou l'homme et le chien (en l'occurence) sont sur un pied d'égalité absolue.
Le couple est anarchiste (même s'il réfuterait surement l'appellation), artiste, contemplatif.
J'ai beaucoup aimé les deux premiers tiers du livre, vraiment drôles et surprenants.
Claudie n'écrit pas de poésie : elle la pratique comme un art de vivre. Elle s'animalise, se végétalise (« On ressemble à des lichens »), se minéralise selon la saison, le moment de la journée, l'opportunité aussi. Elle trouve en ce lieu « une faille rétive à tout idéalisme. A tout système. A toute mystique. A tout pouvoir. A tout universalisme, même écologique. »
Il y a une scène vraiment bidonnante sur la construction d'un lit « King Size » avec de vieux exemplaires du Monde .
Les dialogues du couple sont savoureux, on pense à Beckett, Ionesco
C'est aussi très érudit, bourré de références en tout genre.
Le dernier tiers du livre m'a un peu fait flipper. Plus obscur, plus angoissant, plus confusionnant. Un peu répétitif aussi. La mort et les hommes commencent à roder…
Je crois que l'autrice a eu du mal à conclure ce qui pourrait être son dernier livre. Mais qui sait ?
Et Yes dans tout cela? Yes est le merveilleux support d'un triolisme passionné mais platonique : « Nous nous embrassions, emmêlés tous les trois »
Yes est un coup de foudre et de tendresse. Un coup de tendresse, oui .
Et ce livre, peut-être parce qu'il préfigure la fin des temps, est un de ceux qui (me) parle le mieux d'amour.
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