J'avais peur des maisons. Une fois franchi le seuil, n'allaient-elles pas se refermer définitivement sur moi ?
J'avais peur des maisons et des objets trop bien rangés. J'aimais les chambres d'hôtel, lieux entre parenthèses, tapis volants jetés par intervalle dans une vie. On pouvait y pleurer et jouir et tout oublier, sitôt l'escalier redescendu, la clé rendue à l'hôtelier.
Quand on m'offrait un bibelot, un meuble, une boîte, je m'empressais de les donner : il fallait toujours songer au départ. Rien ne devait m'alourdir.
Nous nous rencontrâmes à mi-chemin, devant la glace.
Elle nous servit d'intermédiaire. Nous nous connaissions si peu, à peine osais-je te regarder ; ce furent nos ombres, dans l'imprécise clarté des rideaux entrouverts, puis nos reflets dans la glace, qui se connurent d'abord.
Tu défaisais mon corsage ou soulevais ma jupe, ou je m'agenouillais devant toi et je tournais parfois la tête pour découvrir cette autre femme que tu fabriquais avec moi.
Tous les chemins sont en fuite - ils se croisent et se rejoignent sans qu'il soit désormais possible de les distinguer. Une main glisse sur l'autre, puis dessous et la sienne sur la sienne - encore et plus vite - et dessous, et dessus, l'une sur l'autre. Et l'autre encore à nouveau. Elles se touchent à peine, se fuient peut-être. Les poissons glissent aussi sans se rencontrer, l'eau partage leur ombre.
Ce sont des histoires racontées en murmures. Dans les marges de l'avant-sommeil, quelquefois, elles se frôlent mais jamais ne se mêlent. Telles les paroles jamais dites et celles que l'on écoute pour les taire ou les défaire.
Mais il y a l'insolence du coquelicot:il ne se laisse pas emporter.Dès qu'on le touche, au plus léger balancement qu'on inflige à sa tige,le calice se défait, les pétales tombent.