Citations sur Dans la tanière du tigre (86)
Elle fait beaucoup de sport, salle de sport et longues marches dans la ville et la campagne. Son corps est élastique, avec des arrondis de muscle et une chair tendue.
Arhundati revient souvent sur la distinction entre la charité et la solidarité. L'Inde est le lieu de la charité : il y a de la charité partout. La charité est une manière de se racheter, en regardant vers le bas. La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit. La solidarité obéit à une autre géométrie. La solidarité est horizontale, durable, égale et réciproque.
Chaque livre a son architecture. Certains livres sont des grottes, des tanières où se réfugier quand la pluie se met à tomber. D'autres sont des plateformes en hauteur, d'où le lecteur se poste pour observer le monde, en bas. D'autres sont des châteaux, des maisons, des chapelles. Certains (mon Dieu) sont des bureaux d'entreprise, avec une organisation méthodique, une hiérarchie visible dans l'ordre des mots. D'autres (les pauvres) sont des écoles où tout le monde est prié de se taire pendant que miss Mitten nous fait la leçon.
Et il y a les livres cathédrales. Non pas tant par leur dimension religieuse que pour leur immensité, une immensité qui les rapproche des grands éléments de la nature, traversée par l'Histoire, le temps, les vents violents. Exemple de livre cathédrale : Le Dieu des Petits Riens.
Elle est déjà libre, mais ne sait pas quelle forme donner à cette liberté. Elle se livre à des expériences de langage. Quelque chose est en train de grandir, monte en elle avec lenteur et force, loin des caméras, loin du filmable : son Dieu des Petits Riens, le premier gospel indien. Parution : 1997. Autrice inconnue. Obtention du prix littéraire le plus connu au monde après le Nobel, le Booker Prize. Traduit en quarante langues. Plus de six millions d'exemplaires vendus.
A l'université, après les cours, avec ses amis - majoritairement des garçons - tout devient sujet de discussion. Ce qu'on leur enseigne, elle le remet en question. Elle n'accepte rien. Elle questionne tout. Parfois juste pour le plaisir, et parfois pour de vrai.
Les villages deviennent des villes, et les villes, avec leurs quartiers de plus en plus nombreux, redeviennent des villages. Arundhati retrouva cette nature organique en arrivant dans la capitale de l'Inde, avec ses petits quartiers construits autour de la place du marché, ses ruines immémoriales, ses animaux sauvages qui partagent la vie des hommes.
Dès l'origine, l'écriture se mêle à la colère. Il y a en elle une violence, une révolte. La colère peut être un avantage : elle est le véhicule du refus. Elle doit être bien dirigée. Elle doit trouver sa cible.
Avec l'amour, l'enfance est le grand sujet de la littérature. Estha et Rahel - les jumeaux- dans Le Dieu des Petits Riens, Zainab - l'enfant adopté- du Ministère du Bonheur Suprême. L'enfance d'Arundhati elle-même.
Tandis que le taxi accélère le long du Sea Link, cinq kilomètres de pont suspendu au-dessus de la baie de Bombay, et qu'accélère au même rythme la danse des gratte-ciel illuminés devant la longue plage sur laquelle se promène une foule bigarrée, je comprends que la vie n'est jamais définitive. Ni dans le bonheur, ni dans le malheur. Un enfant était la plus belle chose que ce pays pouvait m'offrir. Il y a toujours une lumière qui pointe, même dans la nuit la plus noire.
Je la rejoins au Taj Mahal Palace, dans l'aile historique de l'hôtel, avec vue sur la baie de Bombay et l'arc de triomphe en basalte jaune de la Gateway of India, "porte de l'Inde" érigée pour commémorer la visite du roi George V et de la reine Mary en 1911 que visitent chaque jour des centaines de touristes et d'écoliers en uniforme. C'est par cette porte monumentale, ouverte sur la mer, qu'est passé le dernier détachement britannique, en 1947 - épisode digne de ces opérettes costumées du cinéma Bollywood qui marqua la fin officielle de la colonisation.