Citations sur Dans la tanière du tigre (86)
Considéré par les botanistes comme l'une des plus vieilles essences du monde, le ginkgo est un fossile vivant. Il parle la langue de l'ère primaire. En Chine, certains ginkgos auraient plus de trois mille ans et on en dénombre une centaine qui auraient atteint les mille ans.
Lorsqu'il y a un incendie de forêt, les arbres rongés par les flammes envoient des signaux de détresse de l'autre côté de la forêt. Les arbres épargnés souffrent en silence pour ceux qui brûlent.
Nous côtoyons les arbres mais nous ignorons tout de la complexité de leur conversation, de leurs relations entre eux, de leur langage et de leurs sentiments. Les grands arbres gardent toujours un interstice de respect entre eux. Delhi est une forêt où chaque habitant est connecté à l'autre.
A ceux qui savent en sentir la présence, les arbres consolent des plus grands chagrins. Raison pour laquelle on en plante dans les cimetières.
En temps normal, chaque quartier résidentiel de South Delhi - la partie de la ville édifiée par les Britanniques - est clos. Le matin et le soir, des gardes ferment les portes pour en barrer l'accès. Partout dans le monde se multiplie ce modèle de gated community. La liberté de mouvement devient une donnée de plus en plus fragile. A la première alerte, les grilles se referment. La population est contrôlée. Quelle naïveté d'avoir cru que les frontières avaient disparu, que le libre échange des marchandises créerait la liberté des hommes. Au contraire, jamais les frontières ne se sont autant renforcées, multipliées, allongées. En Inde, le principe de gated community a été étendu à l'échelle de quartiers entiers. Je vis dans l'une d'elles.
A l'opposé de Pékin où l'emplacement de chaque arbre a été savamment pensé, Delhi est une ville sauvage où les constructions humaines sont partout concurrencées par la force de la nature. Les pierres, les fleurs, les insectes, les animaux bien sûr. Les arbres sont partout, blessés, forts, naissants, mourants. Dans leurs branches, courent des singes, s'envolent des essaims de perroquets, dorment d'énormes chauves-souris. Ces premières semaines ressemblent à une longue marche en forêt. Je caresse les troncs d'arbres, frôle les feuillages, regarde des familles de singes allant de l'un à l'autre, admire les oiseaux qui y trouvent refuge quand la nuit tombe.
"La signification la plus importante de la parole vraie dans le discours public ne réside pas dans la résistance à la réalité extérieure du système, mais dans le fait qu'elle touche à l'âme individuelle, qu'elle permet de rétablir une nature humaine détruite par le système du mensonge et de purifier dans une certaine mesure le cœur des individus."
Liu Xiaobo, condamné à onze ans de prison pour incitation à la subversion de l'Etat, était poète, essayiste, critique littéraire. Il est mort en 2017, à l'hôpital de Shenyang, à l'âge de soixante et un ans.
Vivre seule, libre et heureuse. Être une femme sans en porter ni la peine, ni la gloire. Ni condamnée, ni sanctifiée.
Ici, des milliers de chiens vivent la vie sauvage. Ils côtoient les singes, les rats et les reptiles. Les hôpitaux sont pleins de victimes de morsure, mais l'innocence me protège. L'innocence, et cette fièvre subite.
Nous sommes à Bhalswa, un des trois sites de décharge municipale. La montagne haute de plus de cinquante mètres exhale une fumée noirâtre, sûrement du méthane hautement inflammable, et pourtant j'aperçois des enfants accrochés â ses flancs, creusant â coups de bâton à la recherche d'objets qu'ils pourraient revendre ailleurs. Je demande à Prem d'arrêter la voiture. Je veux m'approcher. "Vous ne pouvez pas faire ça. C'est beaucoup trop dangereux. La semaine dernière, un pan de la montagne s'est écroulé et a enseveli des dizaines de personnes."