Konrad se demandait parfois s'il finirait sa vie en maison de retraite et cette perspective ne l'enchantait guère. Il avait remarqué que Steinar partageait sa chambre avec un autre pensionnaire et n'imaginait pas finir ses jours ainsi. Même les prisonniers de Lida- Hraun avaient droit à des cellules individuelles.
Les jours raccourcissaient de plus en plus vite, l'hiver approchait. Bientôt, ils ne dureraient plus que quatre petites heures qui feraient de leur mieux pour illuminer un ciel rempli de ténèbres.
Le temps était radieux. Assise depuis un moment avec le reste du groupe pour se reposer après leur longue marche, elle avait sorti un casse-croûte de son sac à dos et admirait la vue sur le glacier. Son regard s’arrêta tout à coup sur le visage qui affleurait à la surface.
Comprenant avec un temps de retard la nature exacte de ce qu’elle avait sous les yeux, elle se leva d’un bond avec un hurlement qui troubla la quiétude des lieux.
Assis en petits groupes sur la glace, les touristes allemands sursautèrent. Ils ne voyaient pas ce qui avait pu bouleverser à ce point leur guide islandaise, cette femme d’âge mûr qui gardait son calme en toutes circonstances.
La lune était décrite ainsi dans un poème : elle était la boucle de la nuit. L'antique amie des amants.
La seule manière de vaincre la mort est de l'accepter.
L'été islandais avait toujours été imprévisible, désormais on pouvait presque compter sur du beau temps plusieurs jours de suite, voire plusieurs semaines. Les hivers étaient également devenus plus doux même si la longue nuit boréale persistait. Le changement le plus visible concernait les glaciers qui reculaient à toute vitesse. Par exemple ,celui de Snaelfellsjökull n'était plus que l'ombre de lui-même.
Ces histoires avaient piqué la curiosité de Konrad qui s'était documenté sur les différentes théories concernant la vie après la mort, entre autres sur celle du monde de l'éther, tout aussi réel que notre monde terrestre pour les adeptes du spiritisme. A leurs yeux, au moment de la mort, l'âme y emportait tout le bagage qu'elle avait accumulé au cours de son passage sur terre, sa personnalité et sa mémoire, et elle accédait à un autre degré d'existence appelé corps éthéré. La seule trace subsistant dans le monde terrestre était le corps inerte du défunt, enveloppe désormais inutile de l'âme libérée. Le père d'Eyglo adhérait à cette théorie et considérait qu'il était équipé d'une sorte d'antenne permettant de percevoir les âmes présentes dans cet au-delà.
Il remercia Johanna et médita sur toutes les femmes qu’il avait croisées et qui avaient menti pour leurs maris ou leurs compagnons, ces femmes aidantes, conciliantes, innocentes.
(Métailié, p. 254)
Le temps était radieux. Assise depuis un moment avec le reste du groupe pour se reposer après leur longue marche, elle avait sorti un casse-croûte de son sac à dos et admirait la vue sur le glacier. Son regard s'arrêta tout à coup sur le visage qui affleurait à la surface.
Comprenant avec un temps de retard la nature exacte de ce qu'elle avait sous les yeux, elle se leva d'un bond avec un hurlement qui troubla la quiétude des lieux.
Sans doute avait-elle également appris en tant que mère à faire passer les besoins des autres avant les siens.