Citations sur La Serpe (104)
Je pense, avec un plaisir honteux, à une technique policière aussi vile que drôle (et frôlant le génie) dont m’a parlé mon pote flic, Pupuce – promu récemment commandant, à la grande fierté des bistrots du quartier. (Le problème c’est qu’il ne veut plus que je l’appelle Pupuce dans les livres, mais « monsieur le divisionnaire ».) Il y a quelques années encore (aujourd’hui, tout est devenu si strict dans la police que ce n’est plus possible), quand un gardé à vue particulièrement revêche refusait de parler, le commissariat avait mis au point une technique remarquable, dite du « bonhomme vert ». Les enquêteurs qui interrogeaient le suspect entrouvraient la fenêtre l’air de rien puis quittaient la pièce, le laissant seul, menotté à la chaise. Un membre de l’équipe enfilait une combinaison verte d’éboueur, des gants et une cagoule assortie, passait par le bureau voisin, au troisième étage, où une issue de secours extérieure permettait d’accéder facilement et sans risque à la salle d’interrogatoire, entrait par la fenêtre, lui balançait deux ou trois bonnes baffes, lui disait simplement qu’il reviendrait dans un quart d’heure, plus énervé, et repartait par où il était arrivé. Si le pauvre gars se plaignait ensuite à un avocat ou à un juge, m’a raconté monsieur le divisionnaire, quand on lui demandait dans quelles circonstances il avait été maltraité, il ne pouvait que répondre, s’il était honnête : « C’est un bonhomme vert qui est entré par la fenêtre, il m’a frappé et il est ressorti, par la fenêtre aussi. Au troisième étage, oui, je crois. Tout vert. » Qui pouvait le croire ? Urgences psychiatriques, hop. C’est très mal, je sais. (p. 208-209)
Ce qui pose réellement problème, c'est qu'elle porte encore son soutien-gorge. Avant de partir, je l'ai déjà dit,j'ai demandé à plusieurs filles et femmes du bistrot Lafayette s'il leur était arrivé de porter un soutien-gorge la nuit, ou si elles avaient une amie dans ce cas. Je crois que je l'ai déjà dit aussi, elles m'ont ri au nez, toutes: "On dirait que tu ne connais pas bien les femmes, Philippe..." (Moi? J'en ai basculé des centaines...)
Le succès est immédiat, l'argent afflue, des critiques plus lucides que les autres l'encensent, comme Jean Cau (qui par contre écrira les pires saloperies nauséabondes sur Pauline Dubuisson, mais de belles pages sur Bruno Sulak- - la vie est trop compliquée parfois , j'en ai marre)
Quand Maurice Garçon lui demande comment il est possible qu'il ait oublié de noter un élément aussi primordial pour l’accusation, il donne l'une des plus extraordinaires explications qu'on ait entendues dans un tribunal (je m'avance peut-être) : il a pensé que le juge d'instruction en avait parlé dans son propre rapport.....
.... les araignées, par tradition, on les laisse à m'sieur le juge ?
(pages 502/503)
Henri est la quatrième victime. Il a perdu le père qu’il aimait, il a passé dix-neuf mois dans une prison ignoble accusé d’un crime ignoble et toute sa vie en a été altérée.
Les énormités de l'enquête déboussolent mais il ne faut pas que je parte dans tous les sens (j'ai mal à la tête.), ou le tunnel va devenir labyrinthe et on n'en sortira jamais. Creusons droit. (Le mois dernier, ma mère m'a envoyé une carte postale avec un proverbe chinois : "Qui veut gravir une montagne commence par le bas." Et qui veut creuser un tunnel dedans commence par l'entrée. Le milieu, c'est plus compliqué.) Avec les jours qui passent dans la salle de lecture, je prends du recul, je vois mieux. Je dois avancer dans l'ordre, en ligne, comme à l'école (ABC ou autre).
C’est nul : la littérature, c’est peuplé d’abrutis et ça ne rapporte rien. (Les éditeurs, ce n’est pas mieux que les curés ou les militaires : « il y a plus de poésie dans les livres de comptes d’un patron de salle de jeux que dans ceux de vos poètes apprivoisés, de vos romanciers, peintres tatillons de la médiocrité. »)
Je sais bien que c'est moins intéressant qu'un triple crime bestial, niveau enquête. Mais à mon avis, ne me blâmons pas : il faut que je m'y attarde, je trouve injuste de laisser Henri avec cette saleté dans le cercueil, même si ce n'est potentiellement qu'une petite arnaque de jeunesse. Ensuite, foi d'ami de la lecture agréable, je mets les pieds dans le sang et j'essaie de résoudre l'énigme du château, on va bien s'amuser.
Un jour, l’un de mes amis me dit « Tu devrais faire un livre sur mon grand-père, Georges Arnaud, il a été millionnaire, clochard, militant FLN, c’est lui qui a écrit Le Salaire de la peur, adapté au cinéma avec Montant et Vanel ». Je n’étais pas très chaud. Et puis, il ajoute : » Ah oui, il a aussi été accusé d’avoir tué une partie de sa famille, dont son père, à coups de serpe, en 1941… ». Là ca changeait tout, je me suis dit que je tenais un personnage de méchant comme j’en cherche toujours. Même si, en enquêtant, j’ai fini par gratter les couches de noir dont on l’avait recouvert…
On marche au bord d'une route à Bordeaux ou à Châteauneuf-du-Pape. On s'arrête à côté d'un vignoble. On regarde, on ne voit qu'un champ d'arbustes plantés n'importe comment, un vaste fouillis vert. On fait seulement trois ou cinq pas de plus, on se décale un peu, on découvre un alignement parfait de pieds de vigne.