MAURICE DENIS avait à peine vingt ans lors de ses débuts presque simultanés de peintre et d'écrivain, et c'est une maxime formulée en ce temps-là qui peut servir d'épigraphe à toute son oeuvre : « L'art est la sanctification de la nature ! ». Les coryphées de l'impressionnisme exerçaient alors une irrésistible attraction sur les jeunes gens dont les aspirations encore confuses ne pouvaient se satisfaire aux routines d'école. Maurice Denis, si jeune, joua un rôle que l'histoire de l'art ne peut oublier.
Pour se mettre en garde contre les excès et les périls du symbolisme, esthétisme hermétique et raffinements de cénacle, Maurice Denis avait en lui une force qui, bien mieux que l'antique Héraclès, tue les monstres, chasse les fantômes et dissipe les sophismes : sa foi. Il ne s'est jamais contenté, de ce mysticisme nébuleux que certains esthètes, à la fin du xixe siècle, trouvèrent le moyen de concilier avec la négation de tout credo. Le sien est ardent et ferme : la foi, pour lui, est la vérité totale, le foyer dont les rayons illuminent l'immensité du monde comme les retraites des consciences, le guide sans cesse présent, le moteur des actes et de pensées.
Plus que personne, par la parole et, ce qui vaut encore mieux, par l'exemple, il montra les voies où l'art, sans renoncer à ce qu'il y avait de précieux et de durable dans les conquêtes de l'impressionnisme, devait s'engager pour réagir contre les excès de l'analyse et les dangereux prestiges nés de la superstition des phénomènes atmosphériques. Il contribua plus que personne à restaurer l'idée de l'ordre et à refaire la part nécessaire des valeurs sentimentales.
Maurice Denis, un des premiers, s'efforça de faire passer dans la peinture des aspirations confuses qui étaient déjà parvenues à une expression originale dans la poésie de Verlaine et de Moréas, dans le théâtre de Maeterlinck et dans la musique de Debussy. Écrivain-né, en même temps que peintre, il a raconté avec beaucoup de bonne grâce l'histoire de ses propres débuts au milieu des jeunes échappés de collège qui, sous les auspices de leur aîné.