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Citations sur Et l'amour aussi a besoin de repos (28)

Elle regardait toujours le plafond.
Elle ne savait pas quand elle s'était habillée et quand elle était partie. Elle se souvenait de cette chambre de garçon, de la raquette de tennis sur le mur, de la canne à pêche derrière l'armoire, de la serviette pliée qui l'attendait dans la salle de bains, elle se souvenait de la manière dont elle avait grimpé l'escalier, dont elle avait lu les noms sur les plaques de laiton, de l'odeur de l'escalier fraîchement repeint, des barques aux Trois Pêcheurs qui se cognaient les unes contre les autres dans une douce ondulation, des frondaisons lourdes et humides qui se penchaient sur elle quand elle marchait dans le parc avant d'entrer, elle se souvenait du manteau de cuir suspendu dans le couloir, en partant, elle avait pris congé sans un mot, elle avait attendu dans l'entrée qu'il ouvrît la porte. Et elle avait entendu quelque chose bouger derrière une porte de l'autre côté de l'appartement, ensuite elle avait distinctement perçu une voix de femme qui disait derrière la porte fermée, dans l'allemand de Maribor : ta visite est déjà partie ? Elle avait eu l'impression que l'homme dans l'entrée avait rougi, mais pourquoi se cache-t'il de se mère, s'était-elle dit, si tant est qu'elle avait pu se dire quelque chose, pourquoi avait-il enlevé toutes ses affaires de la salle de bains, oui, la visite était partie, elle errait dans l'escalier sombre, elle était presque tombée, elle avait marché au hasard dans le parc et les rues humides jusque chez elle, la visite s'était faufilée dans l'appartement de ses parents, elle s'était jetée sur son lit. Elle s'était couvert la tête et c'est seulement à ce moment-là qu'elle s'était mise à hoqueter violemment, mais sans pleurs, sans larme, elle avait violemment hoqueté et gémi dans la couverture qui étouffait ce qui voulait devenir un cri.
Jamais plus, avait-elle murmuré, avec ce lézard, ce reptile, ce prédateur, jamais plus.
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Elle part à Gratz, lui à Ljubljana, il reviendra, il reviendra, les roues du train crissent sur le pont, moi aussi je reviendrai, l'amour triomphe de la distance, l'amour triomphe de tout.
Sauf de la guerre. La guerre triomphe de tout, même de ceux qui se battent. Et de ceux qui attendent que ça passe.
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Et comme c’était un jour long et beau qu’il devait passer dans la chaleur de cette maison et près de cette soupe odorante qui clapotait sur le poêle et après le déjeuner peut-être retourner dans le lit, comme le village, en bas, était baigné par le soleil et que des toits ruisselait l’eau de la neige qui fondait, comme le blé de mars, dans la prairie au pied de la maison, sortait de terre et pointait vers le soleil, comme la nuit où il devait retourner dans le Pohorje était encore loin, il se reversa un autre verre.
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Mais même si c’était la guerre et si les informations toujours plus mauvaises, parfois même terrifiantes se bousculaient, les gens vivaient leur vie de tous les jours. Dès que les sirènes s’arrêtaient de hurler et les bombes de tomber, ils allaient au théâtre et au cinéma où avant chaque film on passait une revue hebdomadaire, Wochenschau, où des militaires en tanks déboulaient toujours plus superbement dans les plaines polonaises et défendaient la frontière occidentale de l’invasion des barbares, d’autres allaient aux expositions à Paris et mangeaient des croissants dans les cafés en compagnie de femmes,.....
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Et quand dans la librairie à moitié vide où on attend encore quelques visiteurs pour commencer, elle prendra sur une étagère un recueil de poèmes de Byron, traduits en slovène, et le feuillettera, ses yeux s'arrêteront sur deux vers :

Ainsi nous n'irons plus vagabonder
Si tard la nuit ...

Elle s'assiéra à une petite table du club et lira le poème. Pour la première fois peut-être après toutes ces années de prostration, les larmes jailliront de ses yeux. Pour la première fois peut-être elle pensera qu'elle pourrait lui envoyer à Ljubljana, comme elle le faisait autrefois de Graz, ce qu'elle venait de lire :

Car l'épée use le fourreau
Et l'âme épuise le coeur,
Et le coeur doit faire halte pour souffler
Et l'amour aussi a besoin de repos (1).

1. Lord Byron, d'après la traduction de J.P. Richard et P. Bensimon.
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Dans la prison de Maribor.

Johann était un charpentier et il avait des bras costauds. Il s’attaquait à son travail sanglant avec une sorte de zèle joyeux. Mais le nerf de bœuf n’était qu’une entrée en matière pour les plus obstinés, il y avait encore d’autres méthodes, plus complexes mais aussi plus efficaces. Pour l’arrachement des ongles, Ludwig regardait habituellement par la fenêtre, dans la cour.

p. 73
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il y eut du tapage dans le couloir, quelqu'un ouvrit le judas de sa cellule. Valentin bondit du châlit et se tint au garde-à-vous. La lumière l'aveugla, on avait éclairé de l'extérieur, l'ampoule située haut sous le plafond avait été allumée par un interrupteur situé dans le couloir. Il vit des yeux qui l'observaient. Il se mit à trembler de tout son corps. Maintenant ils vont le faire monter et l'interrogatoire va recommencer. ils lui montreront des photos d'hommes et de femmes inconnus. Tu connais celle-là? Tu connais celui-là? Il secouera la tête, il ne connaît personne. Il en avait reconnu un, Polde, sur la photo il était plus jeune, rasé, en costume cravate. Là-haut dans le Pohorje, il avait une moustache, il était en uniforme de l'armée yougoslave, il l'avait reconnu mais il avait nié sans sourciller. Il avait secoué la tête en attendant les coups. Johann allait venir, manches retroussées et nerf de boeuf à la main. Avec ses bras musclés, aux tendons marqués, des bras puissants. Il regarda le sol et attendit que la porte s'ouvrît. Il sentit ses genoux trembler, ses jambes fléchir, combien de temps tiendrait-il encore? Mais le judas se referma, la lumière s'éteignit et il entendit les pas qui s'éloignaient dans le couloir. Ce n'était pas Johann. Peut-être le gardien? Ce n'était pas non plus le gardien, depuis que Valentin était en cellule, son ouïe, l'ouïe des animaux terrorisés, connaissait tous les pas qui s'approchaient.
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Ca claqua, une balle atterrit sur la vitre avant, ma balle, se dit Valentin, j'ai fait mouche, le chauffeur s'affaissa sur son siège, les balles clappèrent sur la bâche et la déchirèrent, ça claqua de tous les côtés, la mitrailleuse crépita, le camion entra dans le buisson de framboisiers où le lapin avait disparu un peu plus tôt, il se pencha et versa presque, une roue tournait dans le vide, quelques hommes sautèrent du camion, immédiatement criblés de balles, ils se relevèrent sous les arbres et, sous les tirs, descendirent vers la route, ils allaient abattre les derniers qui s'échappaient du camion, ils abattraient aussi les blessés, ils avaient tué le chauffeur qui se traînait hors de sa cabine, son sang avait giclé de sa carotide sur la paroi latérale du camion, on appelle ça une action réussie, une victoire.
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Si son père avait entendu qu'elle avait honte de dormir la bouche ouverte et que selon elle c'était terrible que sa salive ait coulé, il se serait fâché. Il était médecin, il avait vu beaucoup de corps nus, morts et vivants. On porte en nous tout ça, le sang, la salive, la merde, l'urine, notre corps c'est ça, disait-il. Quoi qu'il arrive au corps, maladie, blessure, il n'y a rien dont l'homme doive avoir honte, pour moi chaque malade, même dans les moments les plus laids à sa dignité. Et quand il était particulièrement de bonne humeur, disons le soir devant un verre de vin, il disait que nos corps sont les seuls lieux de nos âmes. avec nos corps et en eux, les âmes voyagent à travers le temps de notre vie, je crois en ça, disait-il, ce qu'il y a ensuite, je ne sais pas. Peut-être qu'elles nagent vraiment dans l'espace, peut-être qu'elles flottent près des fenêtres des vivants. Et nos âmes nous disent qu'on peut parfois avoir honte de nos actions, jamais de nos corps.
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La peur fracasse la carapace du monde, la voûte céleste de la sécurité, tous les anges se débandent, la peur déferle dans la pièce, elle avance au milieu du corps, elle s’assoit au sommet de l’estomac, elle s’incruste dans le cœur. Et lorsqu’ils appelaient un nom, la peur creusait un trou dans le cœur et la tête.
Je suis arrivé d’une cellule, se dit-il, j’en suis revenu et sorti et je suis ici comme un galérien en fuite. D’ici aussi je sortirai.
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