AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,85

sur 37 notes
5
8 avis
4
7 avis
3
6 avis
2
2 avis
1
0 avis
La photo d'une rue de Maribor (actuelle Slovénie) qui sert de fil conducteur à l'auteur m'a fait penser à la construction du livre d'Italo Calvino « Si par une nuit d'hiver un voyageur » qui a raconté l'histoire de l'histoire en écrivant ce qui lui traversait l'esprit. Drago Jancar anime deux des personnages de cette photo : une jeune femme qui devient Sonja et un officier nazi, Ludek devenu Ludwig.

Le présent roman démarre fin 1944. Sonja, reconnaît l'officier SS, un compatriote passé à l'envahisseur, et intervient auprès de lui pour faire libérer son fiancé, Valentin, soupçonné d'être un partisan. Une fois les trois personnages campés, le rythme s'accélère et la tension monte.

La Styrie, ancien land autrichien, est sous la botte nazie depuis 1941. Certains jeunes gens ont rallié les rangs allemands, d'autres ont choisi la résistance. Comme dans tous les pays occupés, la population se méfie peu à peu de ses voisins, connaît la peur, les dénonciations et les trahisons. Les contrôles et les arrestations sont monnaie courante, les tortures et les mises à mort quotidiennes. le pouvoir soudain de l'uniforme et de la fonction est parfois pervers.

La guerre est atroce partout, les faits de guerre se ressemblent mais ce qui distingue ce roman c'est qu'il se passe en Europe centrale et qu'une grande partie du livre se déroule dans le maquis et raconte le quotidien des résistants qui se déplacent sans arrêt, qui souffrent de faim, de froid, du manque de vêtements et de chaussures mais qui sont prêts à donner leur vie pour leur pays. L'âpreté des paysages – magnifiques en temps de paix -répond à celle des hommes, à la folie meurtrière de certains, à l'amitié à la vie à la mort d'autres, à la peur qui noue les tripes, qui force le courage ou révèle la lâcheté. Beaucoup de ces partisans suivront les communistes de Tito.

Des questionnements poignants mais nécessaires sur la réalité de la guerre, sur les réactions qui rendent insensibles pour ne pas perdre son intégrité ou tomber dans le désespoir, sur les retombées de la violence après la fin des combats, sur l'attitude à avoir avec les prisonniers allemands et les collabos. « Et personne n'est ce qu'il était ou ce qu'il aurait voulu être »

Les trois protagonistes principaux vivent leur destin qui, pour aucun, après la guerre ne sera une étape joyeuse. Ce n'est qu'à la fin du livre que l'on connaît la dimension dramatique du sacrifice de Sonja pour sauver son amoureux. Libérée de Ravensbrück et cassée à jamais. le livre doit son titre à un poème de Lord Byron :

Car l'épée use le fourreau
Et l'âme épuise le coeur,
Et le coeur doit faire halte pour souffler
Et l'amour aussi a besoin de repos.

Ecriture sensible et réaliste, l'auteur ne s'appesantit pas sur la violence de la race humaine mais il ne l'élude pas non plus et le présent roman est à la fois haletant dans son histoire parfaitement construite et cruelle mais aussi pleine d'amour et de mélancolie. le contraste est parfois saisissant.

Drago Jancar est né à Maribor (Yougoslavie à l'époque) en 1948 et a probablement été fort marqué par les souvenirs d'internement de son père qui luttait contre les nazis. Lui a été rédacteur d'un journal étudiant et ses prises de position contre la dictature de Tito lui ont valu des mois de prison. Il lutte pour la démocratisation de la Slovénie et, de manière plus générale, s'interroge sur la participation des intellectuels dans les conflits nationaux. Les prix littéraires de tous ordres pleuvent sur lui.

Un tout grand merci à la Masse Critique de Babélio et aux éditions Phébus de m'avoir permis de découvrir cet auteur bourré de talent. A suivre assurément.
Commenter  J’apprécie          966
Un cliché de photo en noir et blanc, qui s'anime. Deux personnages centrales, deux filles, une de dos, et dans le coin droit en bas, un homme en uniforme qui marche et tourne le dos au photographe....c'est ainsi que déambulent dans l'histoire de Drago Jancar, deux des trois protagonistes du roman, Ludwig dit Ludek et Sonja. Nous sommes en 1944, en Slovénie , ex-Yougoslavie à l'époque, à Maribor, “ ville libérée, rattachée à la patrie allemande”. Ludwig est allemand et officier SS, et Sonja, slovène. Ils sont tous les deux de Maribor et se sont rencontrés dix ans auparavant dans d'autres circonstances. A la rencontre de ces deux personnages entre en scène le troisième protagoniste, Valentin, petit ami de Sonja, arrêté par les Allemands. Jancar, caméra à l'épaule, suit ces personnages échappés de la photo et de son imagination, un regard extérieur qui ne juge pas .....Il va nous déployer un scénario assez classique avec sa propre vision des choses, le sel de cette histoire émouvante et éprouvante. Un ton très slave, sobre mais pourtant riche en nuances et détails subtils et sensuels, où l'auteur joue entre l'intimité profonde des personnages, leurs ambivalences et leurs apparences publiques. Comme dans le cas d'Hans et de Ludwig son supérieur qui ne rechignent pas à torturer et tuer des hommes, parlant d'un plat de rognons, dont le premier en raffole dit à l'autre, comme une plaisanterie ,”–Je ne pourrais pas regarder abattre les bêtes,....Et ensuite, retirer les rognons. Et toi ?”....de l'humour morbide qui se plante comme un clou dans l'histoire, comme celle « des clous » de Ludwig !

Je dois avouer que ces histoires de la deuxième guerre mondiale, avec ses allemands inhumains et arrogants et leur classique d'horreurs de guerre me lassent et j'évite d'en lire, mais la plume de Jancar qui m'avait séduite avec « L'élève de Joyce », et le billet d'Arabella ont été trop tentants. D'emblée, il décortique le mal avec le personnage odieux de Ludwig (« ce lézard, ce reptile, ce prédateur, »), suivi de ses subalternes, encore plus violents et plus dégoûtants. Une fois encore je suis sidérée face à l'effort, le temps, l'argent que l'homme dépense pour faire du mal, et à quel fin ? Bien qu'il soit ici question du passé, ça perdure toujours au présent, en s'amplifiant, avec des méthodes plus sophistiquées, et toujours à la base les instincts de l'homme primitif. Son récit pointe aussi le nationalisme, actuellement en forte montée en Europe et de l'autre côté de l'Atlantique et la situation de Valentin, me fait penser à un film coréen, vu récemment , “Entre deux rives”, de Kim Ki-duk: il n'y a pas les bons et les méchants , il y a ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas, et selon que celui-ci change de main, les bons deviennent très vite des méchants. le seul faible rayon de soleil du récit c'est l'Amour. Un amour soumis au repos, lourdement mis à l'épreuve par la guerre.......

“....qu'est-ce que Dieu a à voir avec ce qu'on a fait, ce qu'on fait ? Dieu n'est ni dans le vacarme ni dans le grondement, mais dans le murmure, le frémissement des feuilles de peupliers là-bas, loin dans la plaine.”



Commenter  J’apprécie          710
Nous sommes en Slovénie pendant la seconde guerre mondiale. La ville de Maribor, située en Basse-Styrie, est annexée par l'Allemagne nazie depuis 1941 comme toute la région et subit l'aryanisation. Plus un panneau indicateur en slovène, plus un nom de rue en slovène, plus un mot en slovène, tout est germanisé, pire, le but nazi est d'éradiquer les slovènes et les slaves de la région. Alors la résistance voit le jour.

Drago Jancar tient-il une photographie dans ses mains ? L'a t-il observée un jour dans un cadre ou bien est-ce une carte postale trouvée dans une brocante ? ce qui est évident c'est que cette photographie l'inspire.

Il nous la décrit et s'animent alors sous nos yeux deux belles jeunes filles. La première en jupe légère à carreaux et chaussettes sombres, la seconde, dans un élégant manteau noir et avec deux belles tresses qui lui tombent dans le dos. Dans le coin en bas à droite, un homme en uniforme marche, tourne le dos et ne voit pas les jeunes filles : bottes noires, veste militaire grise, pistolet à la ceinture, en un mot, il porte l'uniforme des unités Schutzstaffel. L'image idyllique de deux jeunes filles discutant s'estompe pour laisser la place à l'année 1944.

La jeune fille avec la jupe à carreaux se prénomme Sonja. Elle regarde cet officier. Elle pense reconnaître un ancien patient de son père, médecin, avec qui, avant la guerre, ils seraient tous partis ensemble aux sports d'hiver. Malgré l'horreur que lui inspire cet uniforme, elle hésite, elle voudrait bien lui parler pour lui demander humblement d'intervenir pour libérer son petit ami Valentin Gorjan qui s'est fait arrêter. Alors, l'amour, l'espoir, la poussent à accoster l'homme en uniforme. Il s'appelle Ludwig Mischkolnig, mais avant la guerre se prénommait Ludek. Aujourd'hui, il est tellement investi et convaincu dans son rôle d'Obersturmbannführer, qu'il a germanisé son prénom. Mais « le talon d'Achille » de Sonja, c'est qu'elle est jolie et très inquiète pour Valentin.

A partir de cet instant, Drago Jancar nous propulse à Maribor. Sa plume ne nous laisse aucun répit. Les mots sont précis, le style est vif, passionné, c'est celui d'un homme expérimenté. Il nous happe tant le rythme est soutenu ; rien ne peut arrêter la destinée et rien ne peut stopper la lecture. Drago Jancar nous entraîne dans une succession d'évènements tous plus émouvants les uns que les autres, tous plus fatals les uns que les autres.

C'est la guerre, un peuple est agressé. Personne ne peut échapper à la peur, à la violence, à l'inhumanité, à l'implacable mécanique du pouvoir sur l'agressé, à cette irrésistible pulsion de mort, plus rien n'a de sens sauf détruire, posséder, violenter, vaincre et nous, lecteurs nous sentons terriblement impliqués.

Drago Jancar nous fait réfléchir sur la condition humaine, son tragique. Ayant lui-même connu la prison, s'étant opposé au régime communiste de son pays, c'est de sa vision de l'être humain qu'il nous parle et elle n'est pas séduisante, elle est même très pessimiste. Il n'y a pas de rédemption pour le salut de l'Homme ni ici bas, ni ailleurs. Lorsqu'un peuple a été sauvagement agressé, nié dans son identité, persécuté, sa revanche peut alors devenir terrible. Les vainqueurs se comportent comme leurs anciens bourreaux.

Toutes les réflexions philosophiques sont tenues intérieurement par Valentin dont j'ai vraiment partagé le sort avec le Front de Libération tant l'écriture de Drago Jancar est précise et détaillée avec une grande connaissance des comportements humains. Quant à Sonja, détruite pas la barbarie, pourra-t-elle un jour revoir la Lumière ?

Les trois acteurs de ce drame ne bénéficieront pas d'un happy end. Ils sortiront brisés de cette épreuve.

La question qui reste en suspend « comment peut-on vivre après » : le concept de résilience n'apparaît pas si évident.

Je voudrais remercier vivement les Editions Phébus et Babélio qui m'ont permis de découvrir Drago Jancar ce qui m'autorise à estimer qu'il a largement mérité les prix qui lui ont été décernés.



Commenter  J’apprécie          476
" C'était la fin d'un soir de mai,
le premier mai, le temps d'aimer
le tendre appel des tourterelles
montait dans la senteur des pins..."

Douceur sensuelle des vers de Macha... Tristesse lancinante de ce roman slovène. Un pays où je devais me rendre l'année du confinement, où je souhaiterais encore plus aller, après avoir lu cette histoire nostalgique et prenante, se déroulant à Maribor ,au bord de la Drave, et sur le massif du Pohorje.

La ville germanophone était sous l'emprise S.S, durant la seconde guerre mondiale. Un front de libération slovène s'est organisé, se cachant dans les montagnes.

le livre prend comme point de départ une photographie, celle de la première de couverture. J'ai beaucoup aimé cette façon qu'a eue l'auteur de l'animer, comme une séquence de cinéma, en présentant d'abord la jeune fille blonde, l'un des trois personnages principaux, Sonja. Elle se précipite vers un homme, de dos, s'éloignant sur la photo, qu'elle a connu lorsqu'elle était enfant, , Ludek, mais , travaillant maintenant pour la police allemande, il veut qu'on l'appelle Ludwig.

Elle voudrait qu'il intercède pour celui qu'elle aime, Valentin, emprisonné comme suspect. Il fait partie des résistants, ce que les S.S ne sauront pas. On se doute que Ludwig va demander une contre-partie....

On suit le destin tourmenté de ces trois êtres à la dérive, brisés. Au terme des séparations et des visions atroces de la guerre, Sonja et Valentin n'oseront plus raviver les souvenirs de ce temps heureux , ce mai plein de promessses amoureuses. Et Ludwig s'engluera dans ses délires aryens.

C'est vraiment un pan complexe de l'histoire slovène qui nous est raconté ici: trahisons, cruauté , écartèlement entre les habitants d'origine allemande et de souche slovène . Et c'est une émouvante histoire d'amour, au rythme mélancolique de vers murmurés, poésie de ce qui aurait pu être... Merci, Idil. C'est grâce à ta liste Yougo que j'ai découvert ce roman.
Commenter  J’apprécie          422
J'aime énormément quand Drago Jancar parle de son pays, la Slovénie avec des personnages forts attachants et un territoire superbe aux cultures multiples qui n'a pas été épargné par les conflits de par sa position stratégique.
Dans son dernier roman, Drago Jancar s'inspire d'une photo d'archives prise à Maribor dans les années 1940 où l'on voit deux jeunes filles qui parlent entre elles et le profil de deux soldats en uniforme allemand.
Cette photo sert de cadre au premier chapitre du livre qui raconte le terrible destin de deux hommes et une femme, tous les trois slovènes.
Ludek qui a changé son prénom en Ludwig est devenu officier dans l'armée allemande, Tine a pris le maquis en tant que résistant et Sonja est la personnification de tout le malheur qui s'abat sur son pays.
Drago Jancar n'épargne aucune scène, les tortures dans les caves, les otages fusillés dont la vie est suspendue à une livraison de clous pour fermer leur cercueil, les faits sont effroyables de vérité.
Le terrible sort réservé à Sonja m'a bouleversée, trahie et abandonnée, elle ne sera plus que l'ombre d'elle-même à son retour du camp qui réserve un sort particulier aux femmes cultivées.

Les faits racontés sont d'autant plus poignants et difficiles à supporter que la vie d'avant la guerre était douce et pleine de promesses pour Sonja et Valentin. Ils étaient amoureux, ils aimaient la nature et la poésie slovène de Macha qu'ils s'écrivaient mutuellement.
Sans la guerre, l'officier Ludwig Mischkolnig serait-il resté Ludek, ce jeune homme aimable qui avait aidé Sonja à se relever alors qu'ils skiaient à la montagne. Lui non plus, il ne sera pas épargné. Il aurait peut-être trouver l'amour et l'affection qui lui manquait pour devenir un homme.

J'ai été sauvée de cette violence par la poésie et les beaux passages sur la nature, toujours bienveillante et présente à l'homme, la nature n'a pas de velléité .
Dans son errance dans les bois lui tenant lieu de maquis, Valentin retrouvera un peu d'humanité au contact de la nature « il sentit que la fraîcheur des hautes fougères humides, brunes et un peu gelées, des riches couches de feuilles tombées des hêtres, et celle des pins odorants et l'âpreté de l'air frais, il sentit que tout ce qui était autour de lui se changeait en sentiments, en respiration, en veines, en battements de coeur qui tapaient sur les tempes après sa longue marche ».
Le secours de la nature et de la poésie pour ressentir à nouveau une onde de joie ou faire jaillir aux yeux de Sonja des larmes libératrices quand elle lira bien des années plus tard ces vers de Byron qui donnent le titre au livre
« 
Ainsi nous n'irons plus vagabonder
Si tard la nuit…
Car l'épée use le fourreau
Et l'âme épuise le coeur,
Et le coeur doit faire halte pour souffler
Et l'amour aussi a besoin de repos ».

Je remercie infiniment Babelio et les éditions Phébus pour ce moment de lecture exigeant et fort.

Commenter  J’apprécie          403
Avec un titre qui sent un peu sa romance, cette aimable proposition de Masse Critique aurait pu être ignorée. Mais cette dernière traduction récompense ma fidélité pour Drago Jančar qui m'avait déjà convaincue par ses titres précédents.
Jeune journaliste engagé, opposé au régime communiste de Yougoslavie, il fit de la prison dès 1974 avant de devenir une voix essentielle de la littérature slovène.

Par des destinées entrelacées, l'auteur nous entraine en 1945, dans la Styrie (ancien land autrichien) occupée par l'armée allemande.
Les parcours de jeunes étudiants, de résistants, de gestapistes, d'engagés non volontaires, de familles dans la crainte perpétuelle de disparitions, arrestations, exécutions composent une triste ritournelle. Chantonnée ailleurs sous bottes nazies, elle se distingue ici par le contexte géographique de l'Europe Centrale et la mouvance des frontières et des populations.

Grave et cruel, le roman se structure en puzzle, pièces par pièces, faisant apparaître peu à peu une image globale de la réalité que les personnages ignorent. L'ambiance est délétère, l'hallali est proche et la lecture en devient addictive, curieuse de connaitre le sort de chacun et le futur politique d'une région où s'enracinent déjà d'autres conflits à venir.

Une très belle lecture, par une écriture puissante et dense, construite sur la cruauté des hommes et portée par une sensualité slave.

Et s'il faut absolument parler d'amour, on trouve celui-ci caché au fil des pages dans les vers de Lord Byron.
Commenter  J’apprécie          270
J'ai découvert ce livre dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée. Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Phébus pour cette proposition. Je pense que sans celle-ci, je n'aurais pas eu connaissance de ce roman.
Lorsque j'ai lu la présentation, j'ai eu immédiatement envie de le lire.


Que je suis heureuse d'avoir découvert ce magnifique roman.


Je lis souvent des livres dans lesquels l'action se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, mais c'est la première fois que j'en lis un se passant en Slovénie, d'autant plus par un auteur slovène.


À partir d'une photographie, Drago Jangar nous raconte le destin de trois personnages. Sonja, une jeune fille slovène amoureuse de Valentin, maquisard prisonnier de la Gestapo, demande à un officier nazi, Ludwig Mischkolnig, de le libérer. Cette demande est le point de départ de l'histoire et cet événement concernant ces trois protagonistes déclenche ce qui s'ensuit pour chacun.


Je ne peux pas parler de ce roman sans parler de l'écriture qui m'a impressionnée. Drago Jangar met de la splendeur dans la noirceur. le style est puissant, par moments, mélancolique, puis poétique, ensuite rythmé, et toujours passionné. Les mots sont d'une très grande justesse. Il y a peu de dialogues, cependant le récit est très vivant.


L'analyse psychologique des personnages est superbement menée. L'ambivalence du slovène Ludwig, lieutenant SS dans sa ville, est très perturbante. J'ai eu peur de finir par l'apprécier. Cela fait froid dans le dos de découvrir qu'il travaille pour Hitler par conviction, et pourtant, il se demande s'il n'y a pas trop de prisonniers fusillés. La narration nous livre les pensées, les opinions et les actes de Ludwig, Valentin et Sonja.


L'auteur nous décrit aussi le maquis slovène. Nous nous retrouvons au coeur de celui-ci, avec les vrais résistants, les traîtres et la méfiance de ses États-majors dont certaines actions n'ont rien à envier aux nazis. Les descriptions de la Résistance m'ont donné l'impression d'en faire partie et m'ont fait découvrir les deux faces, celle positive et celle plus noire.


Ce livre provoque aussi énormément de questionnements, lorsque les victimes se transforment en bourreaux, reproduisent les horreurs du passé.


Et l'amour aussi a besoin de repos est tragique, dramatique, pessimiste, mais aussi lumineux et poétique. C'est un roman émouvant, désespéré, d'une très grande tristesse, mais il contient aussi énormément d'amour, d'espoir et d'envie de bonheur. L'écriture de Drago Jangar restera gravée en moi, tant sa beauté est grande.


J'ai maintenant envie de découvrir les autres livres de Drago Jangar, mais aussi, de découvrir les autres parutions des Éditions Phébus que je ne connaissais pas.



Lien : http://www.valmyvoyoulit.com
Commenter  J’apprécie          182
Comment peut-on raconter des événements si intenses de façon si ennuyeuse ? le titre en français est vraiment grotesque (en slovène c'est apparemment : « et aime aussi »).
Commenter  J’apprécie          140
Drago Jančar part d'une photo réelle, prise pendant la seconde guerre mondiale à Maribor en Slovénie, sa ville natale. Au centre, une jeune femme qui se retourne pour regarder un soldat allemand. Sonja, la jeune femme en question, Valentin le jeune homme qu'elle aime, et Ludwig, le soldat, seront le trois personnages principaux du roman. Lorsque celui-ci commence, Valentin est en prison, soupçonné d'être un partisan. Sonja, désespérée, s'adresse à Ludwig, qu'elle a un peu connu avant la guerre, pour essayer d'aider celui qu'elle aime. Ludwig, SS de conviction, essaie de tirer profit de cet état de choses. Une situation inextricable et tragique se met en place, pendant que la guerre se dirige vers sa fin, et que les communistes prennent peu à peu le contrôle de la situation.

Drago Jančar a écrit avec ce livre une oeuvre très romanesque, pleine de rebondissements, de surprises, de suspens, d'émotions fortes, pleine aussi de tristesse, de nostalgie, de regrets. L'auteur, d'une main de maître, tient son lecteur en haleine, le touche, l'émeut, sans un instant de relâchement du début jusqu'à la fin du roman. Une fois la lecture commencée, l'envie de continuer, de savoir ce que deviennent les personnages est irrésistible ; même si à certains moments, une émotion trop forte oblige à arrêter la lecture, à faire tomber la tension.

Drago Jančar, comme dans ses livres précédents livre une vision très noire de la nature humaine, de la violence, des capacités de haine et destruction qu'elle contient, surtout lorsqu'une idéologie, une organisation sociale les utilise, les amplifie, donne à certains individus un trop grand pouvoir sur les autres, car ce sont les plus violents, les plus destructeurs, qui s'emparent des rênes. le surgissement de la bestialité n'est jamais loin.

Le livre aborde des thématiques très sombres, évoque des événements très cruels, qui correspondent à ce qui se passait à l'époque. Il le fait avec une forme de délicatesse et pudeur, même s'il ne dissimule pas ni n'atténue les faits. Et malgré la mort, la souffrance, les horreurs, une part d'humanité subsiste chez ses personnages, une sorte de beauté, beauté de l'instant, beauté du monde, des sentiments. Qu'il s'agit d'essayer de préserver, de cultiver, de retrouver, pour ne pas perdre son âme et ne pas se perdre soi-même. Sinon, c'est le vide, le désespoir, et l'envie de faire souffrir les autres.

Un livre passionnant et bouleversant, une autre grande réussite de Drago Jančar, un auteur que j'aime énormément, et dont j'attends chaque nouveau livre avec impatience. Je ne saurais donc trop remercier Babelio et les éditions Phébus de me l'avoir proposé en avant première.
Commenter  J’apprécie          147
Et l'amour aussi a besoin de repos de Drago Jancar est un roman qui m'a été envoyé par Babelio et les éditions Phébus dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
Je ne pense pas que j'aurais eu l'idée de le lire sans ça, et je serais passé à coté d'un bon livre.
L'auteur part d'une photographie, celle de la couverture, et nous relate l'histoire de plusieurs protagonistes en Slovénie pendant la seconde guerre mondiale.
Sur cette photographie, on voit deux jeunes filles. Celle qui a une jupe à carreaux se prénomme Sonja et elle va courir après un officier allemand. Elle croit reconnaître un ancien patient de son père, qui est médecin. Elle l'accoste, avec une idée en tête : lui demander d'aider Valentin, qui a été arrêté à tord...
J'ai trouvé ça très original de la part de l'auteur de nous relater une histoire à partir de cette photographie.
Il aurait pu nous emmener n'importe où, lui a choisi de nous emmener en 1944, à Maribor, une ville annexée depuis 1941 par l'Allemagne Nazie.
L'histoire est très bien ficelée et j'ai pris plaisir à découvrir Sonja, Valentin mais aussi Ludwig Mischkolnig, l'officier allemand qui avant la guerre se prénommait Ludek.
La plume est incisive, et à aucun moment on ne s'ennuie car c'est très rythmé ; tout s'enchaîne sans temps mort.
Les personnages sont touchants. Au début je pensais détester Ludwig... mais ce n'est pas aussi simple que ça !
Et l'amour aussi à besoin de repos est un très bon roman, très bien écrit, qui m'a captivé de la première à la dernière page.
C'est avec plaisir que je mets quatre étoiles et demie :)
Commenter  J’apprécie          130




Lecteurs (74) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3210 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}