FrèresAlexandre Jardin
Albin Michel
164 pages
"Suis-je en train d'écrire sur le ratage d'une vie?
Mais rater quoi? Que rate-t-on exactement quand on a l'ambition de rater superbement sa vie?"
Alexandre Jardin aura mis 30 ans avant de pouvoir penser, et écrire, l'impensable du suicide à 31 ans de son grand demi-frère Emmanuel. le frère impossible. Si joyeux, si doué, si libre, si mal-né, si dézingué par sa mère, si désespéré, si décidé à ne pas la rater, sa mère, par cet acte presque poétique, qui ne l'a presque pas abîmé, lui, qui aurait pu ne presque pas le tuer.
Chez les Jardin, c'est un peu comme chez les Hugo, des fous et des génies.
Et des morts.
Beaucoup de morts.
Le plus jeune, Frédéric, tout jeune, avait écrit à Alexandre "on sera des génies".
Pas le choix, hein, sinon...
Alexandre c'est un style magnifique. Une langue poétique, légère et savante. Une émotion contenue qui vous surprend et vous désarçonne.
Cette "sépulture de papier" raconte la culpabilité de l'auteur, qui se reproche son inaction puis son déni.
Alors qu'il n'est en rien coupable. le croire serait céder à la toute-puissance.
Son déni, son oubli, lui ont juste permis d' "avancer malgré tout".
Les coupables ne sont pas bien loin. Pas sûr qu'ils aient pu ou qu'ils puissent traverser
Le Styx.
Il en faut des qualités pour tout petit regarder ces gens, les voir tels qu'ils sont, et grandir quand même. Il en faut du courage, de la joie, de la fantaisie.
Alexandre est un écrivain, magnifique. Emmanuel un personnage, éternel.