Citations sur L'heure du chacal (25)
L’un des principes de la justice pénale est que tout acte a des conséquences qui sont déterminées dans le cadre d’une certaine marge d’appréciation, et donc prévisibles. Quand on tue quelqu’un, on sait à quoi s’attendre. Il ne peut pas y avoir d’exception, pas seulement à cause des victimes et de leur famille, pas seulement à cause d’un idéal de justice quelconque, mais parce que sans cela, une règle toute simple et pourtant élémentaire de notre vie en communauté perdrait tout son sens : il faut assumer les conséquences de ses actes. Et ceux qui ne le font pas eux-mêmes doivent impérativement y être forcés par d’autres. Sinon, c’est le début de la fin.
Les blagues, ce n’était vraiment pas son genre ; c’était bon pour les gens qui tenaient à la vie et préféraient oublier que la mort les attendait au coin de la rue. La mort ne rit pas des blagues ; elle rit de tout ce que les gens qui tiennent à la vie prennent au sérieux, d’un ricanement sauvage, sans pitié, qui finit toujours par les emporter tous.
Tout le monde voyait bien que Lubowski était tout sauf stupide, et ça rendait la situation encore pire. Il ne se contentait pas de cracher dans la soupe puis de faire dans son froc comme un lâche. Il savait ce qu’il faisait. C’était un traître et un renégat, et la sentence s’était prononcée d’elle-même. Aucune armée au monde ne peut se permettre de laisser ses membres passer à l’ennemi.
On pouvait imposer des règles à la vie, telle une vaine tentative de rendre le futur prévisible en reproduisant perpétuellement le passé. Des mensonges, des illusions, tout ça. Lui ne s’intéressait qu’à la vérité, et on ne pouvait pas forcer la vérité. Elle restait aussi amère et aussi singulière qu’elle le voulait.
À travers les semelles de ses chaussures, il lui sembla sentir l’asphalte se consumer, comme si les feux de l’enfer brûlaient là, directement sous la route. Bien sûr, ce n’était que le fruit de son imagination. L’enfer, ça n’existe pas, sinon, il devrait aussi y avoir un paradis. Rien que des mensonges, des histoires, tout ça
Si les théories du complot plaisent à tellement de monde, c'est parce qu'elles se contente de fabriquer une apparence de plausibilité à partir de suppositions, de coïncidences et de faits indépendants dont chacun exagère l'importance comme bon lui semble.
Du sang gouttait d’un tuyau d’arrosage. Le gazon était noir. Les douilles qui pendaient aux branches des citronniers, à la place des fruits, cliquetaient dans le vent. Une jeune fille blanche, cramponnée à un coussin de cuir, hurlait. Un homme, rictus aux lèvres, s’approchait de plus en plus.
Puis arriva l’homme dont il avait inscrit le nom sur sa feuille de papier.
Il était assis dans le hall d’attente de l’aéroport de Hosea-Kutako, sur une des chaises vissées ensemble en une longue rangée. Il avait choisi une des places du milieu parce qu’elles semblaient attirer moins de monde que les autres. Si cela en avait valu la peine, il se serait demandé pourquoi ceux-là mêmes qui, dans la vie, adoraient être au centre de l’attention optaient dans les halls d’aéroports pour les sièges situés en bord de rangée – et pourquoi ils dévisageaient d’un air si réprobateur tous ceux qui leur prenaient ces places.
Clemencia poursuivit son interrogatoire, qui se révéla particulièrement laborieux. Elle devait pousser Mme van Zyl dans ses derniers retranchements pour lui arracher le moindre mot et, même ainsi, elle n’en tirait presque aucune information utile. La femme de la victime affirmait que son mari avait mené une vie tout à fait normale. Naissance à Pretoria, école, service militaire, université. Comme elle-même ne voulait pas quitter son pays natal, il était venu s’installer à Windhoek. Ils y avaient fondé une famille, lui avait gravi les échelons professionnels jusqu’à devenir cadre dirigeant ; le soir, il s’occupait de son jardin, et le dimanche, il allait à la messe à la NG Kerk*.