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Critique de Alzie


Rien n'est visible et pourtant ils grimpent au ciel ! Quand tant d'autres les ignorent ou ne les voient plus Alexis Jenni respire parmi les arbres. Et l'on retrouve l'auteur de « L'Art français de la guerre » (Goncourt 2011) sur un terrain qui lui est familier celui des sciences naturelles. Promenade méditative et scientifique du bout des feuilles à la pointe des racines, visuelle aussi, l'arbre étant avant tout paysage, entre expérience et existence de l'arbre. de son enfance à ceux de sa maturité voyageuse, entre spécimens mystérieux ou spectaculaires, Alexis Jenni déambule entre « ses » arbres, arbres des champs ou des villes, et les idées reçues sur eux rappelant au passage que Rabelais ironisait déjà sur la figure de l'homme en arbre inversé, soit la tête en bas les racines jaillissant du cerveau comme une chevelure pensante. Cité par l'auteur au début du livre « L'Arbre des voyelles » en bronze, sculptural et poétique, couché dans le jardin des Tuileries (Guiseppe Penone, 1999) convoque et dégage, bien que sur d'autres plans, autant de savantes mises en réseaux que la photosynthèse à l'oeuvre chez l'arbre vivant et décrite par lui scientifiquement quelques pages plus loin. Ainsi vit l'arbre dans l'oeil humain et sous la plume de Jenni, mort ou vif, mort et vif, entre représentations symboliques puissantes, philosophique ou artistique, et réalités botanique et bio-chimique.

Rien de biscornu ou d'inquiétant dans les silhouettes des petits arbres que l'écrivain a dessinés au fil des pages de son essai si ce n'est par contraste l'horizon duquel ils se détachent ou le sol sur lequel ils s'appuient, si impénétrablement noirs qu'ils soulignent leur devenir incertain et les perspectives environnementales peu engageantes qui en découlent pour nous. Car l'arbre est un sujet éminemment politique (pas le sapin de Noël dont on nous a bassinés dernièrement) ; outre son souffle dont nous tirons bénéfice à chaque seconde, tout nous relie inexorablement à lui. Comme nous la solitude le fragilise, l'arbre est social et aime vivre en groupe. Petit et déjà « potentiellement éternel », l'arbre se régénère sans cesse par le pourtour ; « son passé mort » en son centre lui sert d'étai. Il serait plus adéquat le concernant de substituer l'image d'un corps flottant entre ciel et terre à celle de fixité qui lui est spontanément associée. Sa vie secrète intérieure très agitée est passionnante et parfaitement racontée dans ces pages fort instructives. L'arbre dans son silence éloquent reste un modèle d'auto-régulation et de sobriété si inspirant et si réconfortant pour l'avenir que nous ne pourrions imaginer nous en passer.
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