Brusquement, elle lui donna un baiser qui atteignit principalement sa joue, mais dans son mouvement glissa sur la commissure de ses lèvres.Dans son esprit, ce baiser n'était qu'un remerciement à un enfant turbulent qui n'est pas aussi méchant qu'on l'aurait cru.
Mais peut-être son cœur se méprit-il. Tandis qu'elle rentrait au village, il bondit comme un fou dans sa poitrine.
L'Allemand peinait à garder son bras levé, le pistolet flageolait entre ses doigts. Mais Eva avançait, tendant même sa main libre devant elle.
Aux cinq mâles en présence, les trois embusqués et les deux reîtres estropiés, elle en mettait plein la vue, on l'imagine. En elle, ils devaient envier ces choses qu'ils auraient attendues pour eux-mêmes en ce moment : du courage, de la bravoure, du poil aux pattes comme on dit, alors qu'aux pattes, elle n'en avait sûrement pas, cette gazelle.
Qu'est-ce que ça peut bien faire à une femme de se conduire comme un bonhomme? Ce n'était pas par l'effet d'une virilité secrète qu'elle bravait le pistolet. (...) Car les yeux des femmes ne voient pas comme ceux de leurs preux chevaliers. Ils distinguent encore l'homme derrière sa cuirasse de gugusse.
"Que la vérité fasse son chemin..Car certaine lumière peut se révéler insupportable aux hommes du temps.....
Il vaut mieux la garder pour la génération suivante.."
"Des images d'autours qu'on achève à la fourche, les pattes prises au matin dans les mâchoires d'une attrape, devant le poulailler, avant de les clouer sur la porte, leur traversaient l'esprit.
Même abattus au sol, les rapaces inspirent encore une peur qui donne envie de les tuer.
Mais, en même temps, quelque chose de plus profond qui restait étrangement serein au fond d'eux-mêmes poussait leur coeur à la pitié.Cette chose savait sans doute que ce spectacle faisait partie du jeu malsain dans lequel ils étaient tous engagés sous des masques divers que faisait tomber l'approche de la mort ...........".
Voilà. Ce fut ça, la guerre de Cadet. Comme on voit, des combats eux-mêmes, il ne toucha mot et il n'en parla jamais. Il y pensait sans doute, mais il savait que personne ne pouvait comprendre.
( p 83)
Dans les guerres, ce sont toujours les femmes qui souffrent le plus. Les hommes n'ont que ce qu'ils méritent.
Les enfants étaient à la fête. Ils raffolaient de la guerre. Il fallut quelques taloches pour leur rendre le goût de la paix et qu'on s'endormit.
Il s'endormit comme un pigeon de concours rentré fourbu au colombier.
- Enfin, papa, dis-le-lui ! reprit Louisa en se jetant par sur Jules qui n'ouvrait la bouche ni pour donner son avis ni pour manger. Le jaune d’œuf était figé dans sa moustache.
- Je suis trop vieux maintenant...Ne me demandez plus rien, marmonna Jules.
( p 118 )