Soucieuse d'échapper à une existence ennuyeuse à la mort de son père, la jeune Evangeline English s'empresse de feindre une foi profonde et d'emboîter le pas à sa soeur Elizabeth sur point de partir évangéliser le Turkestan. Nous sommes dans les années vingt et l'entreprise est pour le moins audacieuse. Bien décidées, les deux soeurs quittent Londres, chapeautées par Millicent, une amie de Lizzie, à l'origine de cet audacieux projet.
Si Lizzie ne quitte pas son Leica, Eva, elle, s'embarque, munie d'une bicyclette. Elle réussit même le tour de force de décrocher, avant son départ, un contrat pour le journal qui relatera ses aventures : le fameux
guide à l'usage des jeunes femmes à bicyclette sur la route de la soie.
Rapidement, le périple des jeunes femmes est interrompu par un drame : la rencontre d'une tout jeune fille sur le point d'accoucher. Se portant à son secours, les trois missionnaires ne peuvent empêcher son décès. Elles réussissent néanmoins à sauver le bébé mais sont désignées comme responsables de la mort de la mère. Assignées à résidence, en attente d'un procès, Millicent, Lizzie et Eva se font peu à peu à cette nouvelle vie : Lizzie passe son temps à prendre des photos, Millicent ne recule devant rien pour mener à bien sa mission d'évangélisation tandis qu'Eva prend soin du nouveau-né, une petite fille prénommée Ai-Lien, et livre de temps à autre ses impressions à son journal.
Aujourd'hui, à Londres, Frieda, une jeune journaliste, cumule elle aussi les situations complexes : elle doit gérer une relation difficile avec Nathaniel, un homme marié et père de famille, un individu par excellence instable. Ce qui ne l'empêche pas d'apporter son aide à Tayed, un clandestin découvert dans le couloir de son immeuble.
Lorsqu'elle se découvre l'héritière d'Irène Guy, une inconnue, sa stupéfaction est grande. Elle s'efforce de découvrir quel lien les unissait, un défi de taille. Pour ce faire, elle doit, en effet, retrouver la mère qui l'a abandonnée enfant…
Alternant les deux récits,
Suzanne Joinson lie peu à peu le destin de ces deux femmes. Si, d'entrée de jeu, le drame chasse rapidement la poésie de la couverture et remplace l'aventure annoncée, ce récit, que je qualifierais aisément de chronique, m'a beaucoup intéressée. Immédiatement, Eva et ses compagnes font face à l'hostilité locale, à la méfiance, à l'ignorance. Ce qui ne tempère en rien les ardeurs missionnaires de Millicent qui refuse d'admettre la réalité des choses. On ne peut que se demander à quel moment la situation va s'embraser …
Les personnages mis en scène donnent vie et présence aux récits qui s'entrecroisent : l'auteur s'y entend pour créer des êtres qui, tour à tour, éveillent notre sympathie ou au contraire nous semblent odieux. Bons ou méchants, seul importe leur réalisme !
A travers le destin d'Eva, emprise de liberté, l'auteure fait la part belle à la tolérance, la découverte de l'autre, quel qu'il soit, la différence, … Elle aborde également, à diverses reprises, les relations familiales, la place de la femme et l'amour maternel. Autant de sujets qui ajoutent au charme de ce premier roman et en font une agréable découverte, pour laquelle je remercie Babelio et les
Presses de la Cité !
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