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150 pages
E.Dentu, Editeur (01/01/1880)
5/5   2 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Jeune couple mondain, en vue, fortuné et rentier, M et Mme Demarsay appartiennent à la haute sphère parisienne, s'entendent cordialement sans passion, sans tension quelconque, en bonne harmonie et en parfaite indépendance. Aussi, « rien ne laissait présager un orage capable de troubler cette union, sans amour, il est vrai, mais sans incompatibilité. Il y a ainsi des affections négatives qui peuvent durer longtemps. »

Cependant, sans être dupe des errances de son épouse, sans avoir d'illusion sur sa chasteté, il est toujours difficile d'admettre sans outrage et humiliation une lettre révélant un adultère, particulièrement quand l'amant concerné est d'une physionomie peu flatteuse : « avec cet air de nullité arrogante et de vanité malade, qui les font ressembler à des bustes en cire, perchées sur des échasses, et regardant en pitié le reste du genre humain. »

Voulant à la fois se venger et se retirer du bas monde parisien, M. Demarsay s'enferme littéralement dans son château situé en Tourraine sans que personne ne sache, hormis son notaire, où il réside.
Avant de quitter la ville, l'amant, le Vicomte de Lorme, fut ruiné au jeu par Monsieur Demarsay dans les règles, avec sang-froid et courtoisie ; c'était sa première vengeance immédiate.

La seconde était plus longue - du fait de son isolement, son épouse ne profitait plus des rentes de M. Demarsay et devait se contenter avec frustration de ses propres revenus, qu'elle jugeait trop faible pour entretenir son exorbitante coquetterie et maintenir le rythme de ses nombreuses soirées mondaines.

Mais cet autarcie, quoique apaisante, le disposait également à se faire subir un examen de conscience en s'interrogeant froidement sur sa vie :

"Ce n'est pas impunément qu'on peut rompre d'un seul coup toutes les habitudes d'une vie mondaine. Paris est l'arsenal où se forgent les armes victorieuses contre cet insaisissable adversaire que Léopardi appelle le plus sublime des attributs de la nature mortelle : l'ennui."
(…)
" En ce moment, il était le jouet d'une sorte d'hallucination ; ces brûlants souvenirs se présentaient sous une forme animée. Il s'appliqua à les regarder en face, et ils flottaient devant ses yeux comme des ombres. Quand on a fixé le soleil, on voit une tache rouge qui subit une décoloration progressive ; pour lui, elle semblait ineffaçable comme la tache de sang des légendes."
(…)

"Qu'importe, après tout, que je vive ou que je meure ?
Qui peut s'intéresser à moi ? 
Ai-je laissé des amis ?
La plupart des gens que je connais se réjouiraient du malheur qui m'arrive s'il était connu d'eux."

Mettre fin à ses jours serait ridicule et ferait « le triomphe des coupables » il va donc demeurer longtemps en silence dans ce château :

« Il faut donc vivre, séparé du commerce des autres hommes ; mais il est nécessaire que je ne devienne pas fou.
Pourrai-je vivre ainsi ?
Combien de temps ?
L'idée qui m'obsède, fixe, unique, persistante, est une ennemie avec laquelle il faut m'accoutumer à vivre.
Pour combattre le malaise de l'isolement, il faut faire une amie de la solitude.
Je préfère la solitude au désert peuplé d'égoïstes qu'on appelle le monde. (…)
Voyager, dans ma situation, c'est changer de place pour souffrir.
Faire le tour du monde ? Chance de mort.
(…) 
Il est nécessaire qu'on sache que j'existe, que je ne suis pas loin, que je puis atteindre les coupables.
(…)
Mais cette femme m'aimait-elle ? Non.
L'ai-je-aimée ? Non. J'ai eu du goût pour elle ; mais il a passé, et ce n'est pas d'hier.
Pouvais-je l'éviter ? Non. Elle n'avait ni amour, ni religion. Elle s'est donnée, de parti pris, sans passion, à un être incapable d'éprouver ou de comprendre ce qu'est une passion.
(…)
Le mariage est un lien social ; son indissolubilité est une loi de convention (…) La séparation, inutile, ridicule.
(…)
L'assassinat me répugne.
Elle, a-t-elle mérité la mort ? Non - quand on est assez aveugle pour épouser une telle femme, on n'a pas le droit de la tuer.
Premier châtiment : perte de la fortune.
Lui, a-t-il mérité la mort ?
Non. - il a fait ce que j'aurais fait à sa place, dans les mêmes circonstances, en renversant les rôles.
Premier châtiment : je l'ai ruiné.
(…)
Le duel est un moyen décent et honnête ; mais quel que soit le prétexte choisi et accepté, le monde ne s'y méprendra pas.
Si je le tue, je ne suis ridicule ; il n'y a qu'une tache.
Si je le blesse, s'il n'y a pas mort d'homme, je puis être ridicule.
Si je suis tué, triomphe des coupables. »

Telles sont ses réflexions, glaciales, impitoyables et logiques.

Peu de temps après la fausse disparition, Mme Demarsay jouait aussitôt la veuve, feignait d'ignorer les causes de l'éloignement de son mari et comptait constater, par requête judiciaire, son absence afin de reprendre la main sur la fortune de son mari et d'afficher officiellement son statut de femme libre et de coeur à prendre ou à vendre.

Mais il y eut un brusque revirement au moment où M. Demarsay fit un don de charité de la somme colossale qu'il avait gagné au jeu contre son amant. Ce geste fou et admirable, qui en outre prouvait que M. Demarsay était toujours en vie, fut repris par tous les journaux parisiens. On fit un rapprochement entre tous les faits si bien qu'il pesait dès lors sur Mme Demarsay des suspicions aboutissant à l'ostraciser en partie du monde.

C'est à cet instant que se révèle la vipère. Acculée, elle n'avait d'autre manoeuvre que celle de bondir et mordre frénétiquement : « entrainée par le courant des choses et la pression de l'opinion, ne pouvant plus reculer sans abandonner la partie, elle résolue d'avancer. Sa réputation était engagée, compromise si elle hésitait, perdue si elle ne triomphait pas. »
(…)
« Mme Demarsay, dont l'esprit était oisif et le coeur inoccupé, était toute disposée à saisir l'occasion et mettre un intérêt dans sa vie monotone. C'était l'effet d'un besoin d'activité, la continuation d'un projet auquel elle ne renonçait pas, et qu'elle était décidée à poursuivre jusqu'au bout, par tous les moyens possibles. »

L'un des moyens fourbes de basculer l'opinion en sa faveur était de faire reconnaître la folie de son époux, ce qui dissiperait les soupçons pesant sur sa personne et lui offrirait la pleine disposition de sa fortune par la mise en place d'une tutelle.

Tout en l'attitude, l'apparence de M. Demarsay l'encouragea sur cette voie au moment où elle revit son méconnaissable mari cloîtré en son château : barbe et cheveux démesurément longs, la fuite de tout regard, l'absence de voix prononcée… Profondément haï par son époux, elle ne méritait selon lui plus aucun signe d'attention.

L'inspection par le médecin mandé par la vipère aux fins de constater la folie fut un échec. M. Demarsay est admiré en tant que curieux modèle de sagesse. Tous les détails de son quotidien, les raisons de son départ, sont fidèlement recueillis par le médecin comme s'il devait s'agir de l'imiter, ce qui, bien évidemment, enrage Madame :

« Deux fois vaincue, elle n'abandonnait pas la partie ; loin de craindre la vengeance légitime de son mari, elle renversait les rôles et cherchait un nouveau moyen de prendre une revanche éclatante aux yeux du monde, qui suivait les péripéties de ce duel implacable et silencieux. »
(…)
« Si dans huit jour, mon mari ne m'accorde pas une pension de 20 000 francs, ce qui est mon droit, je le préviens que rien ne m'arrêtera. »


Droit au but : « avec l'inflexible logique d'un coup de poignard » ; le tuer était plus simple et sûr que des manoeuvres juridiques : en contrepartie d'une somme remise, le Vicomte de Lorme, accepta d'offenser et provoquer en duel M. Demarsay en cherchant un prétexte ridicule, ne remportant la somme, bien sûr, que s'il gagnait et tuait sur le coup son adversaire. Mais le vicomte décède, l'échec se renouvelle, ce qui n'ébranle toujours pas la résolution de Madame Demarsay.

L'unique moyen de troubler son impassible mari consiste à entraîner sa famille entière dans le déshonneur : Madame Demarsay le menace de l'assigner en séparation de corps, avec tous les bruits retentissants possibles d'une presse qui se passionnait pour ce couple tumultueux à nombreux scandales.

Cette dernière tentative opère à merveille : « Celle qui porte mon nom m'a mis dans la nécessité de tuer un homme que je voulais oublier. Tant qu'il ne s'agissait que de moi, je n'ai rien dit ; mais j'ai un fils, et je ne veux qu'il rougisse de sa mère. »

Le ménage se reforme ainsi et paraît, aux yeux du grande monde, ne s'être jamais disputé.
Un soir, en sortant d'un bal en présence de son épouse, M. Demarsay, qui manoeuvrait un fiacre, le précipita dans les profondeurs d'un fleuve aux eaux tumultueuses et plein de tourbillons impétueux. Lui qui était d'un flegme invariable, se venge brusquement avec cruauté et sadisme :

« - L'eau ! Cria-t-elle encore. Pitié, pardon, pitié pour moi ! Pitié… Ah !!! Vous êtes fou ! Pour l'amour… 
De vous ? S'écria M. Demarsay en éclatant de rire, et en fouettant les chevaux qui avaient pris le mors aux dents. »
(…)
« Revenu à la surface de l'eau, à la lueur de la lune, il put voir une main qui s'agitait, et la tête des chevaux, dont les naseaux absorbaient encore l'air dans une aspiration puissante, puis tout disparut »
(…)
« Morte la vipère, songea-t-il, mort le venin. »
(…)

Curieux et court roman où l'auteur illustre un principe fondamental et bien connu du destin : « il faut constater qu'il y a dans le monde une grande loi générale, qu'on peut appeler la loi des compensations. C'est le talion du Destin, qui veut que celui qui a frappé par l'épée périsse par l'épée »

Ce qui fait dire au personnage principal :
« La vipère a sifflé, songea-t-il, je lui écraserai la tête »

Outre une plume exquise, l'auteur alterne la délicatesse et la violence avec éclat, talent et originalité.
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