Selon l’avocat d’Engelbrecht Van der Westhuizen, la fille noire s’était jetée sur la chaussée et son client avait tenté par tous les moyens de l’éviter. En conséquence, la responsabilité de l’accident incombait à la fille, pas à lui. L’ingénieur Van der Westhuizen était une victime. Par ailleurs, la Noire marchait sur un trottoir réservé aux Blancs.
L’avocat commis d’office de Nombeko ne plaida pas, car il avait oublié de se présenter au procès. Quant à l’intéressée, elle préféra garder le silence, surtout parce qu’elle avait une fracture de la mâchoire, ce qui lui coupait l’envie de parler.
Ce fut donc le juge qui prit sa défense. Il rappela sèchement à M. Van der Westhuizen qu’il avait dans le sang au moins cinq fois la dose d’alcool tolérée et que les Noirs avaient évidemment le droit de circuler sur ce trottoir, même si cela paraissait inconvenant. Mais si la fille s’était précipitée sur la chaussée – un point qui ne prêtait pas à discussion puisque M. Van der Westhuizen affirmait que c’était le cas – une grande partie de la responsabilité revenait alors à Nombeko.
M. Holger était-il certain de vouloir se retrouver avec une réfugiée et une arme nucléaire sur les bras ? Sans compter les services secrets d'une autre nation aux trousses ?
Holger n'était sûr de rien, mais il appréciait cette jeune femme. Il ne se voyait pas l'abandonner aux griffes du Mossad sans autre forme de procès.
— Non, répondit-il. Je n'en suis pas certain, mais je maintiens ma proposition.
Nombeko appréciait Holger, elle aussi. Enfin, s'il existait assez pour qu'on puisse l'apprécier.
— Vous n'êtes pas en colère contre moi à cause de cette bombe atomique alors ?
— Bah, ce genre de choses arrive.
Il était si tard qu’on pouvait à présent dire qu’il était tôt
Juste avant le tournant du siècle, un fils naquit, mais il fut officiellement déclaré mort à la naissance. A la suite de cet événement, l’épouse de Gustaf se convertit au catholicisme et partit en Angleterre pour devenir nonne. Ses possibilités d’avoir d’autres enfants diminuèrent alors de manière drastique.
l’agent veilla à mettre fin à l’indéboulonnable chance de l’ingénieur en l’écrasant quelques jours plus tard, alors qu’il rentrait du bar qu’il fréquentait quand ses réserves personnelles de Klipdrift étaient épuisées.
...
La malchance tout juste acquise de l’ingénieur s’amplifia : il fut écrasé une deuxième fois quand l’agent A passa la marche arrière, puis une troisième, quand le conducteur quitta les lieux.
En ce temps-là, de nombreux habitants de Soweto se consacraient principalement à deux activités : se suicider à petit feu et rendre un dernier hommage à ceux qui venaient de réussir.
Le dernier contact entre Nombeko et son papa remontait à environ vingt minutes après sa conception.
Le chef du peuple basotho, Son Excellence Seeiso, ne voyait pas l’intérêt de laisser baptiser ses sujets, même s’il comprenait que son pays avait intérêt à s’attirer les bonnes grâces de l’Occident en cas de problèmes. Quand les missionnaires, à l’initiative de Thabo, proposèrent des armes en échange du droit de distribuer des bibles, le chef mordit directement à l’hameçon.
Les armes tenaient les ennemis à distance tandis que les exemplaires du livre sacré étaient brûlés par les habitants des montagnes frigorifiés. De toute façon, ils ne savaient pas lire. Quand les missionnaires s’en aperçurent, ils changèrent de stratégie : ils érigèrent en un temps record une longue rangée de temples chrétiens.
A mesure que Nombeko grandissait, elle vidait davantage de tonneaux, et son salaire se mit à couvrir d’autres besoins que le solvant. Sa mère put donc compléter sa médication journalière avec des cachets et de l’alcool. Sa fille, qui se rendait compte que cela ne pouvait pas continuer ainsi, expliqua à sa mère qu’elle devait choisir entre le sevrage et la mort.
Sa mère acquiesça ; elle avait compris.
Il y eut foule à ses funérailles. En ce temps-là, de nombreux habitants de Soweto se consacraient principalement à deux activités : se suicider à petit feu et rendre un dernier hommage à ceux qui venaient de réussir