Citations sur L'Idole (37)
L'actualité n'est qu'une suite d'épisodes rattachés par rien, sans autre ligne directrice que le malheur des uns pour distraire les autres, et le bonheur des autres pour dédommager le malheur des uns. Au sein de ce mirage fait de pures fictions comme de réalités, beaucoup de personnalités se distinguent, toutes plus ou moins durables, certainement protégées du temps, immunisées contre toute obsolescence, alors que d'autres ne font que passer, éphémères jusque dans le succès.
Aujourd'hui les idoles se suivent et les génies s'enchaînent, aujourd'hui les nouveaux Rimbaud durent une semaine et les chefs d'oeuvre le temps du papier, la semaine suivante un nouveau prodige prend le relais, les gloires se tissent pour ornementer le vide. ( p 53)
Il y a des moments, quand je me retrouve seul avec moi-même, où je me dis, mince, quelle chance j'ai tout de même de me retrouver seul avec moi-même, quelle chance j'ai de me fréquenter, de côtoyer un être illustre d'une façon permanente, de pouvoir m'entretenir avec moi, de me parler à ma guise, de m'écouter ou de me taire, comme bon me semble, baigner dans la fierté inépuisable de ma propre présence, être valorisé rien qu'en étant moi.
"- Dites-moi mon cher Frangin, puisque je vous ai sous la main, permettez que j'en profite pour vous demander deux ou trois petites choses.
- Ne comptez pas sur moi pour les éclaircissements.
- Tout de même, il y a un détail que je n'ai pas bien saisi ; vous avez des enfants ?
- Non.
- Pas de femme non plus ?
- Non.
- Vous êtes sûr ?
- ...
- Bon. C'est mieux comme ça, beaucoup plus profitable, dans le sens de notre projet s'entend, et du contenu qu'on y veut donner..."
C'est sans doute ça le plus savoureux vertige dans une émission, de se trouver transcendant à tout bout de champ, de soutenir chacun de ses propos comme un gisement déterminant, et de sentir à chaque fois monter l'acquiescement d'une petite foule acquise. Au second degré, l'autre sensation forte c'est l'idée d'être projeté dans le mobilier des autres, d'illuminer les fins de repas dans les salons groggy, d'incendier l'écran plat de ses sourires fringants...
Dès lors que les choses nous concernent très directement, on est toujours les derniers à être au courant. Comme pour l’adultère ou le licenciement, les autres le savent toujours avant. Personnellement, quoi qu’il m’arrive, je suis rarement le premier à le réaliser. Je crois que c’est pour tout le monde pareil.
Je suis seul par refus, refus de tenir une main dans les rues tristes, de tenir le réel pour vrai, de tenir jusqu’à temps que les efforts s’avèrent, refus de se tenir droit dans le grand carambolage des jours, ce sacrifice incessant de tous mes rêves d’enfance, tenir à deux dans le projet de construire, tenir à autre chose qu’aux ivresses faciles et aux dérèglements commodes, des séances d’alcool à vivre le monde en différé, dans le fond je n’aurai jamais su approcher le réel, je n’aurai même pas su pleurer sur un amour en fuite, je n’aurai jamais su trouver les mots ni la femme pour les dire, j’aurai vécu le grand feuilleton des jours comme une histoire sans suite, je me serai perdu dans ce spectacle donné par les autres, au fil des rumeurs, des catastrophes et des flashs d’informations, j’aurai suivi tous les matchs dans la foi d’un enjeu personnel, alors que dans le fond ça ne changeait rien pour moi qu’ils gagnent, ça me donnait quoi qu’ils gagnent, des épiphanies d’un quart d’heure, des fiertés usurpées, qu’on gagne ou pas de toute façon je serais allé me coucher, j’en aurai liquidé des nuits à colmater mes rêves, des matins à miser sur les plis défaits du soir à venir.
Dites vous que le procédé de la littérature est tout ce qu’il y a de complexe, entre ce que la télé dit d’un livre, ce que le lecteur en comprend, et ce que l’auteur a voulu dire, il y a des déperditions terribles, ça confine au malentendu(…)
L’actualité n’est qu’une suite d’épisodes rattachés par rien, sans autre ligne directrice que le meilleur des uns pour distraire les autres, et le bonheur des autres pour dédommager le malheur des uns.
Avoir la parole, c'est avant tout trouver quelque chose à dire.
Dès lors que les choses nous concernent très directement, on est toujours les derniers à être au courant; Comme pour l'adultère ou le licenciement, les autres le savent toujours avant. Personnellement, quoi qu'il m'arrive, je suis rarement le premier à le réaliser. Je crois que c'est pour tout le monde pareil.