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Critique de Aquilon62


Si vous avez ce livre entre les mains vous avez une nouvelle histoire majeure des croisades et d'une ampleur sans précédent, racontée dans un tableau de portraits de personnes de tous bords de ces guerres, qui ont émaillé le Moyen-Âge.

Pendant plus de mille ans, chrétiens et musulmans ont vécu côte à côte, parfois en paix et parfois en guerre. Lorsque les armées chrétiennes s'emparèrent de Jérusalem en 1099, elles commencèrent la période de conflit la plus notoire entre les deux religions. Selon qui vous demandez, la chute de la ville sainte était soit une légende inspirante, soit la plus grande des horreurs.

Dans Croisés, Dan Jones déjà auteur de l'ouvrage "Les Plantagenêts" cette famille hors-norme qui a fait les riches heures de notre Moyen Âge, interroge les nombreux aspects d'une histoire beaucoup plus large que l'on peut l'imaginer, plus  , traçant un chemin profondément humain et ouvertement pluraliste à travers l'ère des croisades.

Bien sûr il y a eu pléthore de livre sur les croisades, on pense notamment aux livres de René Grousset : "l'épopée des croisades" une synthèse destinée à un plus vaste public , où alors en 3 volumes la fameuse "histoire des croisades et du royaume franc de jérusalem". D'autres s'y sont essayés avec plus ou moins réussite, tant le sujet est vaste à tous points de vue, et généralement le lecteur peut très vite se retrouver perdu voire "largué", que ce soit avec les personnages, les alliances, les retournement de ces mêmes alliances, les différentes factions religieuses quelqu'elles soient, etc ....

Élargissant le cadre temporel habituel, Dan Jones se penche sur les racines des relations entre chrétiens et musulmans au VIIIe siècle et suit l'influence de la croisade jusqu'à nos jours.
Il élargit la portée géographique aux régions lointaines qui abritent les soi-disant ennemis de l'Église, notamment l'Espagne, l'Afrique du Nord, le sud de la France et les États baltes.
L'ouvrage couvre les années qui ont précédé la première croisade, lorsque les soldats chrétiens ont pris d'assaut Jérusalem avec succès en 1099, et se termine avec l'explorateur italien Christophe Colomb qui est tombé aux Bahamas en 1492.
En racontant des histoires intimes de voyages individuels, Dan Jones éclaire ces siècles de guerre non seulement du point de vue des papes et des rois, mais aussi des poètes arabo-siciliens, des princesses byzantines, des érudits sunnites, des vizirs chiites, des soldats esclaves mamelouks, des chefs mongols et des frères aux pieds nus.

À titre d'exemple, Marguerite de Beverley probablement née au XIIe siècle au Moyen-Orient de parents francs et a grandi dans le nord de l'Angleterre. À l'âge adulte, elle est retournée à Jérusalem en pèlerinage, déclenchant des événements qui feraient d'elle une figure historique dont les chrétiens se souviendront pour son courage lors du siège de la ville. Pendant qu'elle était à Jérusalem, le célèbre guerrier musulman Saladin a mené un siège contre la ville.
" « Bien que femme, je ressemblais à un guerrier », raconta-t-elle. Armée d'une fronde, elle lançait des projectiles sur les armées de Saladin au bas des remparts et faisait des allers-retours entre les rues et les murailles pour porter de l'eau à ses camarades, mettant sa peur de côté. À un moment donné, un rocher de la taille d'une meule, expédié par l'une des catapultes de Saladin, vint s'écraser dans la ville et la manqua de peu. Elle fut blessée par un éclat de pierre qui lui laissa une cicatrice. Grâce à une intervention médicale rapide, cette blessure ne fut pas mortelle, mais lorsque Jérusalem tomba, Marguerite fut capturée et contrainte comme les autres chrétiens de racheter sa liberté. le prix de la liberté d'une femme pendant la trêve que Saladin avait accordée à Balian d'Ibelin était de cinq dinars."
Pour être reprise peu après par un autre groupe de soldats. Pendant les 15 mois de sa captivité ultérieure, Margaret a fait face à la misère des travaux forcés ainsi qu'à de fréquents passages à tabac. Ses souvenirs d'avoir été retenue prisonnière étaient vifs : « Mes chaînes rouillées par mes larmes », écrit-elle. Elle quitta la Terre sainte avec les guerriers qui rentrèrent de la troisième croisade. Ses mémoires forment un récit haut en couleur, quoique légèrement idéalisé, de ses aventures.

Et, comme il l'explique dans son introduction, le titre traduit son approche pour raconter l'histoire des siècles violents et sanglants où les combattants chrétiens et musulmans se sont affrontés de manière quasi constante.
À l'aide de journaux intimes, d'histoires et d'autres sources, il se concentre sur les expériences de ceux qui ont participé et de ceux qui ont été témoins des horreurs de la période, et dont les destins se croisent.
En choisissant ces ou ses croisés, il élargit la vision que l'on peut avoir de cette période au travers le destin de femmes et d'hommes, chrétiens des églises orientales et occidentales, musulmans sunnites et chiites, arabes, juifs, turcs, kurdes, syriens, égyptiens, berbères et mongols.
Il y a dans ces ou ses pages des gens d'Angleterre, du Pays de Galles, de France, de Scandinavie, d'Allemagne, d'Italie, de Sicile, d'Espagne, du Portugal, des Balkans, d'Afrique du Nord. Il y a même une bande de Vikings.
Il y a aussi, parmi ses personnages, à la fois ceux qui détenaient un grand pouvoir et ceux qui ont enduré ce que les puissants ont fait subir à tous les autres.

La croisade reste un appel au ralliement à ce jour, mais son rôle dans l'imaginaire populaire ignore la coopération et la coexistence compliquée qui étaient tout autant une caractéristique de l'époque que la guerre. Les relations séculaires entre la foi, la conquête, la richesse, le pouvoir et le commerce signifiaient que la croisade ne consistait pas seulement à combattre pour la gloire de Dieu, mais aussi, entre autres raisons terrestres, à propos de l'or. Dans ce récit richement dramatique qui donne la parole à des sources généralement repoussées à la marge, Dan Jones a écrit une étude faisant autorité sur les guerres saintes avec une portée mondiale et une orientation humaine.
Plus que tout, il montre de manière impartiale à quel point la propagande sans fin, la cupidité et l'ambition politique nue ont conduit les batailles et les alliances des guerres de Terre Sainte autant que la ferveur religieuse.

"Croisés" comprend également une conclusion plus contemporaine montrant comment les guerres saintes d'il y a longtemps continuent d'être référencées et détournées par des extrémistes et des terroristes - chrétiens et musulmans - dans le but de susciter de vrais croyants parmi eux. Et l'auteur de prendre pour exemple le manifeste du tireur de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui faisait référence aux croisades et à l'ordre militaire catholique médiéval des Templiers.
En effet, il existe aujourd'hui un certain nombre d'extrémistes qui pensent que la croisade reste un concept important qui peut (ou doit) continuer de définir les relations modernes entre les deux religions. Dans leur tête, les croisades ne sont pas qu'une simple métaphore, ni même un exemple macabre de reconstitution historique à suivre, mais un phénomène bien réel qui continue d'exister : une guerre à livrer au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et dans les rues des villes occidentales ; Londres, New York, Paris, Berlin, Madrid, Christchurch.

"Les croisades ne sont plus. Mais tant qu'il restera des croisés – bien réels ou imaginaires – dans le monde, la guerre continuera."
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