Lui cacher la vérité est un supplice, mais la lui révéler serait plus détestable encore
Je craque complètement pour elle. Elle a le don de faire fleurir quelque chose au plus profond de cet abîme de cendres qu'est mon cœur, au plus profond de mois... quelque chose de beau... de précieux...
Elle est un cadeau. Elle a le pouvoir de m'apaiser, de chasser mes démons.
Pour la première fois, je les vois. Eux. Tous. Pas seulement la faune privilégiée qui vit dans ces beaux quartiers. Je vois les autres, ceux qui y travaillent, ceux qui y viennent juste pour faire un tour.... Oui, pour la première fois, je remarque les autres, ceux que je ne voyais jamais. Avant.
Ce sont eux les meilleurs! Ceux qui n'ont pas besoin que je porte le dernier sac à la mode pour me saluer, ceux qui n'ont pas besoin que j'habite dans le XVIe pour me parler, ceux qui n'ont pas besoin que mon compte en banque soit bien garni pour m'apprécier...
- Combien de paires de chaussures je peux avoir pour 850000 euros ?
Ma première phrase complète et sans bégayer, et je sors ça?! Mon cerveau frôle la défaillance technique!
Je désire de tout mon être faire de cet instant avec lui mon présent, mon avenir, mon éternité...
Il me reste juste cinq ans... et je suis déjà à l'agonie. Condamnée à cinq ans, alors que la seule sentence que je désire, c'est la perpétuité avec lui.
Il pousse un juron. Sa respiration se fait toujours plus forte, plus saccadée. Il marmonne quelque chose d’incompréhensible. Il m’éloigne juste assez pour créer un léger espace entre nous, et contemple à nouveau mon visage, intensément. Le simple fait de le regarder, de lire son désir sur ses traits me coupe le souffle.
— J’en ai tellement envie que je crois que je suis sur le point d’exploser, murmure-t-il. Mais pas comme ça, je veux avoir des heures à t’offrir, pas ici, pas à la va-vite, pas à…
J’ai l’impression soudain de me retrouver sous une douche glacée !
— Mais c’est quoi ce bordel ! rugit-il.
Je suis si surprise qu’il me faut un moment avant de prendre conscience qu’une pluie me tombe, réellement, sur la tête. En quelques secondes, nous sommes tous les deux trempés. Lancaster m’attrape par la main et m’entraîne à sa suite. Le visage soudain sévère et grave.
— Tu vas faire tout ce que je te dis, déclare-t-il fermement. Il doit y avoir le feu dans le bâtiment…
— Le feu quelque part… ?! Oui, ça, il n’y a pas de doute… murmuré-je avec un petit rire, avant de prendre subitement conscience du danger.
Il sourit tendrement.
— Mumm… oui, répond-il en posant un baiser sur mon nez. Je pourrais faire un tas de plaisanteries à ce propos, mais ce n’est pas le moment. Ne t’inquiète pas, je connais l’immeuble comme ma poche et nous allons sortir d’ici très vite.
Il ramasse mon sac et son téléphone, qui n’arrête pas de sonner mais qu’il range dans sa poche. Puis nous courons jusqu’à la porte. La pluie glaciale tombe toujours du plafond. Il tourne la clé.
— Reste bien derrière moi, Barbie.
Il ouvre la porte et nous sortons dans le couloir. Sec.
— Ne vous inquiétez pas, Christian, dis-je en tentant de positionner PussyCat sur mon épaule et de tenir la pancarte. Je vais m'en sortir...
— Je n'ai pas de doute à ce sujet, lance-t-il en m'aidant malgré tout, et me désignant la pancarte. Simplement, je ne voudrais pas que vous soyez importunée.
Je relis le message inscrit en lettres roses sur fond blanc :
BARBIE & PUSSYCAT
RECHERCHENT DÉSESPÉRÉMENT UN
CONNARD ARROGANT DE PREMIÈRE !
— Oui, vous avez peut-être raison, Christian, acquiescé-je avec un grand sourire. Qui sait combien de connards arrogants de première on peut trouver ici ?!
La serviette n'est plus qu'un amas de petits morceaux éparpillés sur la table. Déchiquetés. Il n'en reste plus rien... tout comme notre amitié.
Je me lève, attrape mon sac et mon téléphone.
— Devine quoi, Diane ?! C'est toi, maintenant, qui n'es plus digne de figurer dans mon carnet d'adresses. Et tu pourras dire aux autres que c'est pareil, dis-je. Et juste avant de partir, j'ajoute avec un sourire : Je te laisse l'addition... en souvenir du bon vieux temps, hein ?!