Je craque complètement pour elle. Elle a le don de faire fleurir quelque chose au plus profond de cet abîme de cendres qu'est mon cœur, au plus profond de mois... quelque chose de beau... de précieux...
Elle est un cadeau. Elle a le pouvoir de m'apaiser, de chasser mes démons.
— Ne vous inquiétez pas, Christian, dis-je en tentant de positionner PussyCat sur mon épaule et de tenir la pancarte. Je vais m'en sortir...
— Je n'ai pas de doute à ce sujet, lance-t-il en m'aidant malgré tout, et me désignant la pancarte. Simplement, je ne voudrais pas que vous soyez importunée.
Je relis le message inscrit en lettres roses sur fond blanc :
BARBIE & PUSSYCAT
RECHERCHENT DÉSESPÉRÉMENT UN
CONNARD ARROGANT DE PREMIÈRE !
— Oui, vous avez peut-être raison, Christian, acquiescé-je avec un grand sourire. Qui sait combien de connards arrogants de première on peut trouver ici ?!
Ici, il y a une règle tacite : celle du meilleur ! Si vous y êtes nés, si vous y vivez, c'est que vous êtes l'élite ! Et l'élite ne désire que le meilleur. En tout ! Écoles, boutiques, restaurants, boîtes, stations de ski, bijoux, voitures, appartements, résidences secondaires... animal de compagnie... physique... amies...
Insidieusement, au fil des jours, des années, on ne remarque plus... les autres, ceux qui n'ont pas la chance de faire partie de l'élite. On les croise, on peut même leur parler parfois, par nécessité, mais on ne les voit pas...
Parce que nous sommes les meilleurs ! N'est-ce pas ?
Aujourd'hui, je les vois, tous les autres... comme tous ceux du Bar des Potes, Eric, Céline, Tony, Karine, Sandrine, qui m'ont aidée, chacun à leur façon, en m'offrant un travail, une écoute, un sourire sincère, leur amitié... et eux aussi, ils m'ont vue.
Ce sont eux les meilleurs ! Ceux qui n'ont pas besoin que je porte le dernier sac à la mode pour me saluer, ceux qui n'ont pas besoin que j'habite dans le XVIe pour me parler, ceux qui n'ont pas besoin que mon compte en banque soit bien garni pour m'apprécier...
La vengeance est un plat qui se mange froid…
Lancaster ne semble pas d’accord avec ce vieil adage tandis qu’il me porte dans ses bras jusqu’au bureau. Mes jambes m’ayant soudainement lâchée. Malheureusement, je suis toujours consciente, dans l’incapacité de formuler une phrase correcte, mon estomac brassant son contenu à une vitesse d’un mixer en folie, mon coeur battant à cent à l’heure… mais toujours consciente.
- Barbie, est-ce que ça va ?
Incapable de démêler les multiples pensées qui tourbillonnent dans ma tête et forment un chaos indescriptible ! J’ai un poids énorme qui m’écrase la poitrine au ton… affectueux de sa voix. Je lève les yeux vers lui. Ses yeux bleus et la beauté sombre de son visage font bondir mon coeur.
La serviette n'est plus qu'un amas de petits morceaux éparpillés sur la table. Déchiquetés. Il n'en reste plus rien... tout comme notre amitié.
Je me lève, attrape mon sac et mon téléphone.
— Devine quoi, Diane ?! C'est toi, maintenant, qui n'es plus digne de figurer dans mon carnet d'adresses. Et tu pourras dire aux autres que c'est pareil, dis-je. Et juste avant de partir, j'ajoute avec un sourire : Je te laisse l'addition... en souvenir du bon vieux temps, hein ?!
Bon sang ! Je ne supporte plus le poids de ce contrat entre nous. Je voudrais qu’elle soit ici, avec moi, librement, ne pas avoir à me demander si elle y serait sans ce foutu papier. J’aimerais qu’elle m’accorde sa confiance. Pleine et entière, sans aucune restriction. J’observe son visage dans l’espoir de trouver dans son regard l’ombre d’une réponse. Je suis incapable de la quitter des yeux, les siens sont fermés, sa respiration encore irrégulière. Je craque complètement pour elle.
Lui cacher la vérité est un supplice mais la lui révéler serait plus détestable encore...
Pour la première fois, je les vois. Eux. Tous. Pas seulement la faune privilégiée qui vit dans ces beaux quartiers. Je vois les autres, ceux qui y travaillent, ceux qui y viennent juste pour faire un tour.... Oui, pour la première fois, je remarque les autres, ceux que je ne voyais jamais. Avant.
Ce sont eux les meilleurs! Ceux qui n'ont pas besoin que je porte le dernier sac à la mode pour me saluer, ceux qui n'ont pas besoin que j'habite dans le XVIe pour me parler, ceux qui n'ont pas besoin que mon compte en banque soit bien garni pour m'apprécier...
- Combien de paires de chaussures je peux avoir pour 850000 euros ?
Ma première phrase complète et sans bégayer, et je sors ça?! Mon cerveau frôle la défaillance technique!