La frontière invisible

Pourquoi avons-nous besoin d'être complets pour être heureux? Parce que nous avons besoin de combler toutes nos lacunes, présentes et à venir, avec des hypothèses, des suppositions, des petites et grandes découvertes qui nous font croire que nous rejoignons ces grandes pièces du puzzle qu'est la vie. Parce que nous avons besoin de nous créer nous-mêmes, d'élaborer notre monde, nos relations et le monde extérieur en une seule pièce compacte, où chaque résultat est provoqué par sa propre cause, où chaque trou possède sa propre pièce.

Nous construisons le puzzle de notre vie, aujourd'hui et demain, avec des morceaux de souvenirs, des rêves et ceux qui manquent, nous les inventons parce que nous ne savons pas vivre dans un puzzle inachevé. En fin de compte, nous avançons à cheval entre un passé que nous avons construit et inventé, et un avenir que nous imaginons, en essayant de sentir le sol sous nos pieds aujourd'hui, jusqu'à ce que le jour commence à tomber et se teinte d'une couleur rouge foncé derrière nous.

Perdre quelqu'un, c'est perdre le futur, les rêves que vous avez partagés.

Oui, être libre, c'est décider quels sentiments sont nos propres chaînes et les suivre par la raison, prendre conscience des conséquences qui en découlent si elles se brisent. Mais aussi de celles qui adviennent si tout se passe bien, si je parviens au sommet. Parfois, nous devons surveiller nos rêves car ils peuvent devenir réels.

Vous savez ce que c'est le bonheur ? Le pur bonheur? Ce n'est pas le moment où vous obtenez quelque chose, quand tout est dans le processus d'assimilation. Non, le bonheur pur, c'est l'instant qui précède le moment où vous l'obtenez, le moment où vous découvrez que vous avez réussi.

Quand je suis en train de gravir une montagne et que je vois le soleil se lever, suivre ce processus immuable en passant du noir aux tons de vert, puis du vert aux tons cuivrés jusqu'aux premiers rayons de lumière qui se dressent vers le ciel puis descendent jusqu'à vous toucher le visage, je sens cette chaleur infime qui change tout, qui illumine tout, je me sens vivant. Un instant bref mais qui n'a pas de prix. Je dois avouer que chaque lever de soleil est un moment spécial, magique qui contient quelque chose dans son processus que vous ne pouvez pas déchiffrer et qui rend fou.

Nous nous déplaçons sans rien dire, comme trois inconnus, ou bien comme trois personnes qui se connaissent très bien et n'ont pas besoin des mots.

Ainsi, après une dizaine de soirées, sans que je m'en aperçoive, l'ennui a laissé place à un état de paix intérieure. Je ne le crains plus, je n'ai plus peur de devoir chercher anxieusement une manière d'occuper ces six heures de liberté tous les après-midi. J'apprécie le temps qui lambine, je vois les choses différemment. J'observe tout très attentivement: les montagnes, les voisins, mes compagnons et moi aussi... Moi, hier et aujourd'hui. Je le fais calmement, sachant que je suis plus prisonnier du temps, que je peux conjuguer les verbes à ma guise et ajouter tous les compléments et les subordonnées qui me plaisent à mes phrases. Sans ma montre, je suis passé de la recherche de l'essentiel à l'approfondissement du superflu, aux choses que nous remettons à plus tard, que nous n'obtenons jamais et qui nous gâchent la vie.

J’aime le silence, j’admire les gens qui n’ont pas peur du silence. Parler pour parler, c’est fuir nos peurs et nos défauts, car c’est uniquement dans le silence que nous nous retrouvons face à eux.

Je préfère dépenser mon argent à gagner du temps plutôt que de consacrer du temps à gagner de l'argent