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Citations sur À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? (40)

C'est le cœur de la nuit. L'hôpital vit au ralenti, en état de veille active, avec ce silence particulier tout autour d'eux. Il voit leur double reflet dans la vitre dont le store a été descendu, la poignée pend le long de l'huisserie métallique. La scène qui se joue dans ce reflet, c'est celle de sa fin de vie à elle, de la fin de leur histoire, de leur histoire d'un demi-siècle de joies et de chagrins, d'humeurs, d'incompréhensions, de complicités, il se dit que c'est la fin pour lui aussi. La barre de néon se dédouble dans la vitre, comme les lignes parallèles des montants du lit et la silhouette émaciée qui y est allongée. Le fauteuil en skaï bleu dans lequel il est assis depuis deux jours, sans dormir. Il se dit qu'il aura tout le reste de sa vie pour se reposer.

C'est donc celle-ci, la dernière image de leur histoire. Il se rapproche encore d'elle le plus possible, il tient ses deux mains et continue à lui parler. Tant qu'il restera un souffle de vie, il ne lâchera pas ses mains et il lui parlera. Rien d'autre ne compte. C'est leur dernière étreinte.
(p.97)
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Me voici en bas de l'immeuble. C'est plus fort que moi, rien d'autre à faire que de céder à ce nord magnétique, à cette aimantation de mes pas ; ils me ramènent là, malgré toutes mes résolutions. Il y a celles du matin, prises au réveil, dans le bleu de l'aube, celles du jour plein où la raison tente de reprendre le dessus, où la journée à traverser exige que l'on se tienne droit, que l'on vive loin des brumes, loin des pénombres du cœur, loin des poids invisibles accrochés aux chevilles. Puis vient la nuit.
Alors je reviens comme un animal en maraude, sentir, tourner, chercher des traces, vérifier que mes souvenirs ont bien été vécus avant de glisser dans un froissement de mémoire, qu'ils ont été de chair, de sang, de rires, d'instant incrustés dans le vivant et non d'images flottantes comme l'ombre d'Eurydice, celle qui appelle et meurt une fois encore. Vérifier que la vie a été là, pour de bon, pour de vrai, accrochée dans cet espace, qu'elle s'est nourrie de cet air, qu’elle est passée là, devant cette vitrine, devant cet arbre dont elle a guetté les nouvelles feuilles chaque printemps, qu'elle a marché sur ce trottoir, pianoté sur ce digicode et appelé cet ascenseur, repoussé sa grille, avancé sur ce palier et sorti sa clef en annonçant dès le seuil franchi, sac, chaussures et manteau jetés sur le fauteuil de l'entrée, c'est moi ! […]
Je pourrais prendre l'escalier et sentir chacun de mes pas me rapprocher de l'appartement du deuxième étage, porte de gauche.
Non, je ne vais pas faire ça, monter, regarder la porte en bois laqué bleu marine et le paillasson, puis repartir comme je suis venue, en laissant ma main glisser le long de la rampe et en comptant comme d'habitude le nombre de marches. C'est inutile, il y en a vingt-et-une, je le sais, ça n'a pas pu changer.
(p.77-79)
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Quelques éclats demeurent au milieu des heures profondes, en veille. Parfois une silhouette immobile se détache sur le rectangle éclairé. À quoi songent-ils, tous ceux que le sommeil fuit ? À quelle part de leur histoire, de leur mémoire, à quels absents parlent il en silence ? Qu'attendent-ils ?

C’est l’heure des aveux, des regrets, des impatiences, des souvenirs, de l'attente. Ce sont les heures où le cœur tremble, où les corps se souviennent, peau à peau avec la nuit. On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites.
(p.9-10)
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Me voici en bas de l'immeuble. C'est plus fort que moi, rien d'autre à faire que de céder à ce nord magnétique, à cette aimantation de mes pas; ils me ramènent là, malgré toutes mes résolutions. Il y a celles du matin, prises au réveil, dans le bleu de l'aube, celles du jour plein où la raison tente de reprendre le dessus, où la journée à traverser exige que l'on se tienne droit, que l'on vive loin des brumes, loin des pénombres du cœur, loin des poids accrochés aux chevilles. Puis vient la nuit.
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Ils appellent tous les soirs, à tour de rôle, maintenant. Elle dit ça va, ne vous inquiétez pas pour moi.
Et puis son frigo. Un dimanche, ils sont passés et ils ont vu. Quatre yaourts périmés, un peu de beurre, du lait, une salade fatiguée, deux boîtes de miettes de thon.
La supérette, ça lui fait loin, maintenant, et pour si peu, elle n'ose pas demander la livraison.
Il faut faire quelque chose, ont-ils murmuré entre eux.
Alors, c'est demain.
Elle a dit qu'elle est bien comme ça, qu'elle se débrouille, qu'elle est bien chez elle, elle l'a dit. Elle le leur a répété. Elle est bien, ici, avec ses souvenirs, ses meubles, ses repères. Elle a dit je ne veux pas partir.
(p.181)
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D'autant que les années de plus, maintenant, ce sont surtout des années de moins.
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Le jour commence à poindre. La fenêtre dessine une page qui s'éclaire.
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La nuit entre dans la ville, la ville entre dans la nuit. Grise, mauve, bleue, noire. Les fenêtres s’allument, les contours s’estompent, les lumières de la rue, les néons des boutiques, des restaurants, des cafés insistent encore, mêlés aux faisceaux des phares des voitures, aux feux de circulation. Les lumières des appartements, des maisons disparaissent peu à peu, renoncent. Avalées. Dissoutes. L’heure de rendre les armes, ou de résister un peu, encore.
 
Quelques éclats demeurent au milieu des heures profondes, en veille. Parfois une silhouette immobile se détache sur le rectangle éclairé. À quoi songent-ils, tous ceux que le sommeil fuit ? À quelle part de leur histoire, de leur mémoire, à quels absents parlent-ils en silence ? Qu’attendent-ils ?
 
C’est l’heure des aveux, des regrets, des impatiences, des souvenirs, de l’attente. Ce sont les heures où le cœur tremble, où les corps se souviennent, peau à peau avec la nuit. On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites.
 
Ils ne sont plus que cela, une présence à la fenêtre, un dos, une nuque, un profil, une main qui écarte un rideau ou un doigt qui trace des initiales sur la buée d’une vitre. Une vie derrière la fenêtre, les lamelles du store écartées du bout des doigts.
 
Nos nuits éveillées parlent d’étreintes, d’une silhouette évanouie, d’un geste retrouvé, de solitudes accrochées à notre cou, de voix murmurées, de la couleur d’un mur sur une île saturée de lumière, d’une phrase recopiée de carnet en carnet, de l’attente d’un appel, d’un mot qui n’a pas été dit, d’un prénom qui nous hante encore. Où es-tu, maintenant ?
 
Face à la longue plaine qui peu à peu dévore, engloutit, demeure un point minuscule à la fenêtre, vigie immobile au milieu de la ville, incorporée à l’immensité de la nuit des hommes.
Que racontent ces silhouettes silencieuses à la grande nuit bleue ?

(INCIPIT)
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On est toujours beau quand un visage amoureux se penche sur soi.
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Il y a les mots qui demandent à être déposés là, des mots qui se bousculent face à la nuit, des mots nés de la nuit. Elles ne sait pas où ils l'emmèneront, mais ils apparaissent, ils l'emportent, alors il faut leur faire de la place, les écouter venir et leur tendre l'espace de la feuille.
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