Année 50, un village de Bretagne,
Un fils qui disparaît, celui d'Anne,
Un creux,
Un vide,
“Depuis, ce sont des jours blancs.”
“Tu n'aurais pas dû......
Oui, il n'aurait pas dû. Pas dû dégrafer sa ceinture en cuir et en frapper Louis jusqu'à avoir mal au bras.”. Il, c'est Étienne, le mari, Louis, c'est son beau fils, le fils d'Yvon.
Détresse d'une mère, un malheur, ça ne se partage pas......
Que dire de cette écrivaine qui me subjugue....une prose sublime qui illumine un texte dont le fond est pourtant des plus banals ; en un court paragraphe, elle est capable de nous aller droit au coeur avec la simple description du calvaire d'une pension pour garçon, descriptions pourtant déjà faites dans moult récits, “Il y avait le dortoir inhospitalier, avec les draps pleins d'humidité, la couverture trop mince, les ronflements et les halètements obscènes des plus âgés, sous le regard d'un Christ immense, visage de supplicié accroché à son bois,...”.
Le temps d'une lecture, elle m'a fait vivre avec Anne dans ce village, sentant au plus profond de moi-même, ses joies, ses peines, sa longue attente et sa souffrance indicible, qu'on ne peut que partager quand on est mère soi-même.
J'ai adoré Anne , j'ai adoré la fin, sublime !
Ce doit être ça le talent, nous hypnotiser, nous émerveiller, nous lectrices et lecteurs.
« ......cette grotte où nous vivons seuls, où personne ne peut entrer, à cette part obscure et inavouable que nous portons en nous. »
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Comment décrire l'émotion qui m'a submergée à la lecture de cet ouvrage de Gaëlle Josse dont j'ai pourtant lu tous les livres?
Elle donne la parole à une mère déchirée, dévorée , coupée en deux par la souffrance et l'attente, Anne Quemeneur, veuve le Floch, dont le fils Louis, seize ans a fugué , dans les années 50 dans un petit village de Bretagne ....
Contrairement à mon habitude je ne m'étendrai pas sur l'histoire que chacun peut découvrir , ce qui m'a touchée au plus profond, c'est la douleur ,la tristesse infinie , le déchirement comme si nous le vivions nous-mêmes, de cette mère , l'immensité de son amour inconditionnel pour son fils.
Le portrait de cette femme est bouleversant , poignant, douloureux.Toute en retenue , pudique, aimante ,sensible,douce, attentive, elle vibre intensément de chagrin à l'intérieur sans en rien montrer aux autres. Elle se réfugie dans son ancienne maison, tiraillée entre l'amour pour son deuxième mari Étienne, ses deux enfants nés de cette union, et l'incompréhension liée au geste de son mari qui l'aime trop .....
L'auteur, avec une sensibilité rare, hors norme, une subtile délicatesse, une écriture ciselée comme un diamant, lumineuse, fine, travaillée à l'égale d'une toile de maître, nous touche au coeur, dévoile les sentiments comme elle sait si bien le faire !
On sent les matinées glacées, l'odeur des hortensias, des embruns, la couleur ambre du sable des sentiers, les cris des mouettes, les odeurs de gazole , des flaques d'huile, dans un encombrement de tôles, de fer, de métal, de caisses, de treuils au milieu des hommes qui crient avec de grands gestes sur le port....
Ces douleurs intimes, une espèce de gouffre, de puits sans fonds ,ne vont -elles- pas dévorer -miner- user-cette mère secrète, généreuse, courageuse et fière, qui délivre et soulage sa souffrance au sein de magnifiques billets , en décrivant les festins à venir si ce fils fantôme revenait un jour.?
Anne incarne et préfigure toutes les mères qui tiennent debout contre vents et marées....
" Je suis seule , au milieu de la nuit, au milieu du vent.
Je devine que désormais, ce sera chaque jour la tempête ."
Un portrait de femme bouleversant, intense, de chagrin et d'amour et une écriture magnifique .La Grâce! Lu d'une traite .
Les mots sont à leur juste place !
Merci madame Gaëlle-Josse . quel talent ! On aimerait vous connaître !
Je remercie ma libraire , Marie !
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Avril 1950, dans un petit village de Bretagne. Ce soir-là, Louis n'est pas rentré. Anne, sa maman, fait comme s'il n'allait pas tarder, s'occupant de ses deux plus jeunes enfants. Lorsque son mari, Étienne, rentre de son officine, elle l'informe aussitôt. Malgré les heures à sillonner le village et les alentours, il ne l'aura pas retrouvé. Veillant toute la nuit, sursautant au moindre bruit, Anne espère. Désespérément. le lendemain soir et les jours suivants, Louis ne rentrera pas. Les gendarmes, peu inquiets, supposeront une petite fugue. Après l'espoir vient la colère. Anne reproche alors à son mari son attitude. Parce qu'Étienne n'aurait pas dû frapper son beau-fils cette fois encore. La fois de trop puisque Louis s'est envolé. Pour Anne commence alors une interminable attente...
Quel portrait de femme touchant... Parce que son fils, né d'un premier mariage, s'est enfui, Anne ira guetter, par delà les horizons, son retour, certaine qu'il s'est embarqué sur un cargo. Malgré l'attention d'Étienne, l'amour de ses deux jeunes enfants, Gabriel et Jeanne, elle n'aura de cesse de l'attendre, de l'espérer, se réjouissant par avance de son retour et de la fête qui lui sera donnée en son honneur. Au cours de ces jours interminables, elle se rappelle sa rude jeunesse, son premier mari décédé en mer, son mariage avec Étienne, l'impossible place qui sera faite à Louis. Dans ce roman émouvant, Gaëlle Josse dépeint avec émotion le portrait à vif d'une mère éplorée, écorchée, malheureuse. Elle décrit avec justesse l'espoir infini, l'amour incommensurable, l'attente languissante. Un roman intense et tragique servi par une plume poétique et fragile.
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Un roman sur l'amour maternel ; cet amour inconditionnel, absolu, et souverain ; cet amour de toute une vie, des petits riens et des grands moments de l'existence ; cet amour qui protège, soigne, console, transmets et encourage ; cet amour empli de vigilance et d'inquiétudes, de caresses, de rires, de nuits blanches…
Un roman sur la douleur de l'attente. Cette souffrance insupportable durant les moments de longs silences et de solitude, qui vous grignote le coeur, vous étouffe, occupe toutes vos pensées, finit par vous rendre fou…
Un roman sur le remord, sur la faute commise qu'on ne peut réparer, qui ruine une vie, poursuit, harcèle, blesse, laisse les bras ballants, désarme, rend impuissant…
Un roman sur le retour arrivé bien trop tard, sur les souvenirs qui vous poignent le coeur, font couler des ruisseaux de larmes et trembler les mains…
Un roman sur les regrets, et tous ces moments à jamais perdus, envolés aux quatre vents…
Le roman de toute une vie, avec ses flamboyances, ses drames, ses broutilles et ses zones d'ombre.
Un roman qui m'a subjugué et m'a « parlé » bien au-delà du raisonnable.
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Même si j'ai adoré et lu le dernier roman de Gaëlle Josse la nuit dernière, je n'en suis pas moins très embarrassée pour en parler...
Magnifiquement écrit, cette histoire ressemble à une tragédie antique; j'ai "dévoré" cette histoire, mais quelle tristesse, quelles douleurs endurées par cette mère, tiraillée entre l'amour de son second mari et l'adoration pour son fils...
Situons un minimum l'intrigue: une veuve de marin, Anne, se retrouve seule et démunie pour élever décemment son unique fils, Louis., en 1943...
Elle ira à l'usine, gardera dignité et réserve. "Une Mère Courage"... qui se voit demander en mariage après un temps décent de veuvage par Etienne [ Deux années respectées par le soupirant], fils unique du pharmacien. Nous apprenons qu'Etienne, l'un des plus beaux partis du village n'a d'yeux et d'amour que pour Anne, la veuve du marin le Floch, depuis toujours.!
Ils ne sont pas du même milieu social, les villageois cancanent...mais ils s'aiment, l'amour d'Etienne est toutefois trop fort, il ne supporte pas le partage avec son beau-fils, Louis, qu'il a pourtant promis de protéger et d'aimer comme son fils... mais Etienne a présumé de lui-même, et de son attachement exclusif envers Anne...
Il maltraitera, frappera, disputera Louis; Anne essaye de temporiser, de compenser cette exclusion, car elle est tiraillée entre ses deux amours... Et puis un jour, elle arrive trop tard; une correction de trop... et Louis part, prend la mer comme son vrai père et restera absent durant des années interminables où la mère est littéralement déchirée en deux...
Elle assume sa nouvelle vie avec Etienne, ses deux autres enfants, Jeanne et Gabriel...au prix d'efforts inimaginables...
Grâce, entre autres à son jardin secret, qui atténue quelques instants cette douleur insupportable de l'absence de son aîné, Louis... Elle essaye de taire le manque, en écrivant , en imaginant des retrouvailles "merveilleuses" avec son fils adoré, un jour prochain !.
Ce jardin "secret" ce sont des retraits "solitaires" dans son ancienne petite maison de pêcheur, modeste mais contenant l'essentiel ,le "noyau" de ce qu'elle est en profondeur... même si elle devenue l'épouse respectable et aisée du pharmacien ... son coeur et son âme sont contenus "ailleurs"...
Même si elle continue d'aimer Etienne, elle se sent étrangère dans sa propre demeure... Seuls les câlins, la tendresse déployée pour Jeanne et Gabriel l'aident à "rester debout envers et contre tout !
Toujours une émotion personnelle intense à lire les paysages, les odeurs, les embruns, les couleurs de la lande et des horizons bretons...
...Et on ne peut être que bouleversé par l'immensité de cet amour maternel, amour infini, difficilement exprimable...Il en faut du talent pour écrire, garder en haleine le lecteur sur un sujet, que l'on pourrait traiter de "banal", d'ordinaire...
Un sujet si ténu, universel que les liens uniques entre une mère et son enfant... Un très beau portrait de femme...fière, aimante ,discrète et courageuse...dans un style inégalable, d'une poésie , d'une légèreté et d'une émotion , à nulle autres pareilles !
"Car toujours les mères courent, courent et s'inquiètent, de tout (...)
Elles s'inquiètent dans leur coeur pendant qu'elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc." (p. 147-148)
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Avec Une longue impatience, j’ai compris que le temps est la meilleure arme des écrivains. Il les fait mûrir doucement, les saupoudre de grâce, leur tisse une longue toile sur laquelle s’appuyer. On appelle cela une œuvre. Et c’est ce qu’est en train de construire Gaëlle Josse.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Dans « Une longue impatience », Gaëlle Josse convoque le roman réaliste du XIXe siècle pour raconter la mise à mort sociale d’une femme.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Une longue impatience donne la parole à une mère dont le fils a fugué, dans la Bretagne des années 1950. Un portrait de femme bouleversant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Il fallait absolument respecter une heure de repos pour la pâte, sans quoi tu te mettais en colère, craignant que ma hâte, parfois, vienne tout gâcher. Et un doigt sur les lèvres, tu quittais la cuisine en disant chut, comme si le repos était aussi synonyme de sommeil à protéger.
C’est une clé rustique, en fer vieilli, avec des taches de rouille, un objet d’un temps révolu qui raconte des histoires de mer, de marins perdus, de récifs, de tempêtes, de brouillard, des histoires de femmes qui attendent, toujours.
Car toujours les mères courent, courent et s'inquiètent, de tout, d'un front chaud, d'un toussotement, d'une pâleur, d'une chute, d'un sommeil agité, d'une fatigue, d'un pleur, d'une plainte, d'un chagrin. Elles s'inquiètent dans leur coeur pendant qu'elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient, présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc.
Au sol, ces courtes herbes sèches, couleur de sable clair, qu'on nomme queues de lièvre, pour leur plumet d'une infinie douceur. Louis m'en cueillait des bouquets entiers, que je gardais de longs mois, et aussi ces herbes terminées par de petites grappes jaunes et sèches, à la senteur persistante d'épice indienne. Ce parfum, c'est pour moi celui de l'enfance de Louis, de la mienne aussi. Je ne suis qu'une coureuse de lande, une escaladeuse de rochers ; l'enfance m'a façonné des jambes musclées, des chevilles déliées, des pieds secs et étroits, marqués de cicatrices claires, des pieds pour courir sur la grève et garder entre les orteils des grains de sable sec, des pieds trop vivants, trop rebelles pour les bottines cambrées que je porte maintenant.
Et s'il veut la veuve Le Floch dans son lit, c'est son affaire après tout, peut-être bien qu'elle lui fait des choses qu'on ne peut pas dire, des choses qu'on imagine même pas, ou qu'on imagine trop au contraire. Les choses des corps et de la nuit, des lèvres, des langues et des mains, de salive, de sueur, de peau, les choses obscures qui font crier et gémir. Les choses du feu, de la langueur et des tremblements ; celles de la transe archaïque et éternelle, des corps qui se cherchent, qui dansent, luttent et s'épuisent, des griffures, des morsures, et le poids léger des lèvres posées sur les paupières, les tressaillements de la peau qui brûle, les effleurements et les gorges qui rugissent. Les odeurs lourdes, tenaces, des corps et des ventres. Ou elle lui a jeté un sort pour l'avoir.
Extrait du livre audio « La Nuit des pères » de Gaëlle Josse lu par Constance Dollé, Michel Favory et Bernard Gabay. Parution CD et numérique le 15 février 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/la-nuit-des-peres-9791035412371/