De là-haut, l’horizon n’avait plus de limites. Jamais je n’avais été aussi seul, pourtant j’étais heureux. Du haut de ma solitude, je regardais le monde marcher sur les trottoirs. Les codes étaient pour moi incompréhensibles, les mots inaudibles, je me trouvais déraciné, aspect paradoxal, perdu, mais en quête d’absolu. Enfin, je pouvais croire
J’aimais rester droit, des heures et des heures à guetter la vie du dessous, comprendre ses voix, regarder les pas des hommes, rester digne, fier, sentinelle espionne pour la paix de mes frères. Je savais qu’un jour, mes ailes battraient à nouveau, me porteraient sans hasard vers ce lieu où je suis né, cet îlot charmant qui m’a offert ses saveurs, la douceur d’être, de vivre. Or pour l’instant, j’apprenais à voir l’étendue de la mécanique humaine, les ravages en chaîne créés par le développement de ces champs de connaissance. Je sentais que l’iode, ici, n’était pas pur, et il m’était impossible de compter le nombre de pieds, de pattes, éclairés par nos lumières. Au bout de quelque temps, en tant que vigile en peine, je me mis à chanter des airs tristes. J’ignore d’où me venait l’inspiration, je sais simplement que ma voix s’élevait, elle s’égarait dans le dédale des arrière-cours. C’était ainsi que je comblais le vide du temps, porté par ma solitude, le lampadaire restant muet ; et comme tous les oiseaux, je n’avais pas besoin d’aide pour retrouver ce sentiment de liberté.
Cela peut paraître stupide, idiot, mais le simple fait de poser mes fines pattes sur ce lieu lumineux éclairait ma conscience. Les contes, les discours de ces vieux goélands fatigués prenaient vie, j’arrivais mieux à comprendre leurs mises en garde. Je comprenais qu’ici la vie n’avait pas de valeur. La mort rôdait dans les âmes, dans les regards. Les goélands pleuraient, leurs cris longeaient la mer et partaient se noyer dans l’immensité universelle