Quelque chose de l'enfance m'est revenu. Mon aptitude à me perdre.
Certains prétendront m'avoir aperçue à l'hôpital, endormi comme Blanche-Neige dans une cage en verre. Je n'en crois rien. Je rêve parfois que je suis à l'hôpital, c'est vrai, que Michel me parle ou pleure en versant son front contre ma main inerte. Je rêve qu'une infirmière me lit des romans alors que je suis simplement perdue dans les bois, comme autrefois.
Je me suis perdue. Ca devait arriver. Je me perdais souvent, avant.
Une histoire commencée très tôt avant de devenir une habitude. Une humeur aussi. Un petit héritage de famille en somme. Pas grand-chose. Un legs que personne ne vous jalouse. Et qu’on empoche. Pas la peine, pour le coupe, de le formuler dans les clauses testamentaires.
La poudre d'escampette ne s'enseigne pas à l'école.
Il s'excuse, il n'est pas compétent, juste un peu poète.
Je me suis perdue en vrai, grandeur nature.
Je ne dors pas. Je suis saoule de lumières et de rires, de cris échappés des manèges. Devant mes yeux ronds de bébé, des familles prennent place à bord des montagnes russes. Déboussolées et à bout de vertige, les mères et leur marmaille s'enflent de vocalises et de contre-ut. Figures uniformes défigurées par la vitesse et les hurlements. D'ici, on dirait des visages accrochés à des mains, des bonbonnes de berlingots avec des mollesses de gomme à mâcher.
Les odeurs de barbe à papa et de pommes d'amour sucrent mes joues. Je fabrique des bulles de salive poudrées de saccharose. Je suis un prodige. Un petit monstre de foire. Une attraction à crédit.
Encore faudrait-il que l'on fasse attention à moi.