Citations sur Journal, tome 1 : Ténèbres en terre froide (1957-1964) (68)
18 février 1960 : Il est des êtres qui cultivent une apparente difficulté de vivre à seule fin de se croire supérieurs à ceux que ces tourments épargnent. Mais pourquoi celui qui souffre et cherche, devrait-il s’estimer supérieur à celui qui ni ne souffre, ni ne cherche ? Face à la vie, nous sommes tous des infirmes, et nul n’est fondé à se croire supérieur ou inférieur à quiconque.
27 octobre 1959 : Si vivre, c’est recherche l’être, comment considérer la vie de la plupart ? Leur besoin de sécurité et de toujours plus grande sécurité ? Ils amassent, amassent, ignorant qu’ils sont promis au trou.
Nous n'appréhendons un être qu'à travers ce que nous sommes, et inconsciemment, nous nous projetons en lui, lui supposons ce que nous trouvons en nous-même. Cette stupéfaction lorsque nous découvrons qu'il n' est rien de ce que nous imaginons qu'il est.
Une seule phrase déficiente, dont le ton est faux, et qui en conséquence manque d'authenticité, suffit à rendre suspecte la totalité de l'oeuvre. constamment, c'est l'effrayante rigueur de cette loi du tout ou rien à lauqelle l'artiste se trouve condamné.
20 octobre 1964
A l'extrême du désespoir, au plus bas que je puisse descendre, j'ai toujours cette stupeur de me heurter à un inentamable instinct de vivre.
La maturité naît de la victoire de l'humilité sur l'impatience et l'orgueil.
Écrire, c'est soutenir le face à face avec l'insoutenable, s'acharner sa vie durant à creuser un seul et même petit dérisoire sillon. C'est une entreprise surhumaine d'une grandiose humilité. Et moi, condamné à mon sillon, je serai heureux le jour où je pourrai me comparer à un bœuf de labour, où j'aurai un peu de sa lenteur, son obstination, sa puissance.
9 décembre 1957 : Une seule chose gouverne ma vie intérieure : me découvrir, me connaître, et par là même, connaître l’être humain, comprendre ce qu’est la vie, la libérer de ses entraves, la laisser déferler.
On prétend que l'artiste anticipe. Ce n'est pas toujours vrai dans l'absolu. Il ne paraît souvent anticiper son temps que parce que la majorité des gens retardent sur leur époque de plusieurs décennies.
Nous ne savons pas lire les êtres. Nous ne pouvons que découvrir en eux ce qui nous ressemble. C'est pourquoi ce qu'ils ont de plus singulier nous échappe.