Journaux de guerre : Coffret 2 tomes

kirchhorst, 21 décembre 1944

Les songes sont écume - de l'infini.

Cite un mot du maréchal Joffre, sur l'art du commandement suprême : « ne rien faire ; tout faire faire ; ne rien laisser faire. »

Kirchhost, 14 janvier 1945
La douleur est comme une pluie, qui commence à tomber en trombe, puis pénètre lentement dans le sol. L'esprit ne la conçoit pas d'emblée.

Paris, 10 octobre 1943

Nous vivons pour nous réaliser. Seule cette réalisation rend la mort sans conséquences - l'homme a changé ses biens en or qui conserve partout son cours, au-delà de toutes les frontières. D'où la sentence de Salomon, selon laquelle les justes ne subissent qu'une mort illusoire : " comme l'or au creuset, Dieu les a éprouvés, comme un parfait holocauste, Il les a agréés. "

Nous pouvons ainsi atteindre un état où aucune perte ne nous menace dans l'échange qui nous attend.

La tranchée. Travail, horreur et sang ont riveté le mot en tour d'acier pesant sur des cerveaux anxieux. Rempart et bastion entre mondes qui se combattent, mais pas seulement cela : rempart et antre de ténèbres pour les coeurs qu'elle aspirait et rejetait en incessante alternance. Moloch incandescent qui lentement réduit en scories la jeunesse des peuples, réseau de veines recouvrant de ses entrelacs ruines et champs avilis, d'où le sang des hommes a coulé dans la terre à fort giclement.
(p.544)