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Critique de colka


J'avais été très impressionnée par le roman phare d'Hédi Kaddour : Waltenberg. Un mélange des genres inhabituel, un entrelacs déroutant de péripéties au niveau de l'intrigue, des personnages hauts en couleurs. A mes yeux, une vraie pépite romanesque. Dire que je n'ai pas retrouvé ces mêmes qualités dans son dernier roman : La nuit des orateurs serait excessif mais je suis un peu restée sur ma faim en ce qui concerne la construction romanesque...
On retrouve pourtant les mêmes ingrédients : un contexte historique très ciblé, celui de la Rome impériale, sous le règne de Domitien qui fait partie de cette lignée d'empereurs qui ne sont pas morts dans leur lit et pour cause ! le fil de l'intrigue du roman repose en effet sur l'ombre de la mort planant sur Publius Cornelius Tacitus et son épouse Lucretia ainsi que sur Pline le jeune. Leur crime ? Avoir plaidé contre Massa, gouverneur d'une province romaine, la Bétique, pour extorsion et bien d'autres forfaits. Ce qui ne pourrait n'être qu'un acte de justice va en fait devenir une épée de Damoclès au dessus de leur tête car ils ont franchi une ligne rouge invisible , celle qui fait que s'attaquer à un favori de Domitien équivaut à signer son arrêt de mort...
Un personnage on ne peut plus complexe que Domitien car il incarne toutes les facettes souvent contradictoires de la tyrannie.
Ce paranoïaque qui vit dans la terreur du complot sait aussi faire preuve d'une cruauté implacable et imprévisible. C'est d'ailleurs ce qui plonge son premier cercle dans une insécurité permanente car d'aucun sait que rien ne le protège définitivement : ni le rang, ni la fortune, ni les caresses sur le bras de l'Empereur. le plus sûr moyen de rester en vie dans ce contexte de terreur est de devenir délateur professionnel au service d'un régime impérial où ce mode de relations devient systémique. Autre moyen de se préserver, se retrancher dans un prudent quant à soi comme le fait Publius. Attitude un peu lâche qui n'est pas celle de son épouse Lucrétia, un beau personnage féminin dont la présence éclaire toute la première partie du roman. Une matrone romaine, hors du commun , car étonnante de lucidité et de courage si l'on en juge par la hardiesse avec laquelle elle va défier Domitien dans une joute verbale dont elle sortira gagnante !
Passionnant d'ailleurs est le pouvoir du verbe dans le roman. L'éloquence est parfois non seulement une arme de pouvoir mais aussi le plus sûr moyen de sauver sa tête sur un simple bon mot ! Hédi Kaddour excelle à nous faire partager dans des scènes très théâtrales ces moments de forte tension dramatique. Cette qualité on la retrouve également dans des scènes très cinématographiques qui nous donnent à voir, à sentir une ambiance avec une acuité qui doit tout à la plume de l'auteur. Qu'il s'agisse de la traversée de Subure, par la litière de Lucretia, "le quartier du vin, des instincts, des niches à 2 as le coït, quartier dangereux [où] beaucoup de gens n'ont rien à perdre" ou de cette autre scène qui nous transporte dans l'amphithéâtre de Rome avec une description très réussie d'une foule en délire, réduite à ses instincts animaux les plus bas, on est dans chacun de ces grands tableaux emporté par un flux constant d'émotions et d'évocations visuelles qui fouettent notre imaginaire.
Cette tension dramatique, cette peinture si expressionniste d'ambiances diverses, je ne les ai pas retrouvées dans la deuxième partie du roman beaucoup plus analytique. Hédi Kaddour nous plonge dans la psyché des protagonistes de l'histoire ce qui paradoxalement les rend plus lointains. de même, nous perdons également le fil de l'intrigue qui se distord tant et si bien que la fin du roman m'a vraiment étonnée...
En dépit de ses qualités, ce ne fut donc pas pour moi le vrai coup de coeur que j'avais éprouvé pour Waltenberg. Mais je continuerai à lire d'autres roman de cet auteur car j'apprécie sa manière de camper puissamment des contextes historiques et aussi le côté très acéré de sa plume !
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