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Citations sur Derniers cahiers (28)

L’écriture se refuse à moi. D’où le projet d’investigations autobiographiques. Pas une biographie, mais investigation et mise au
jour des plus petits éléments possibles. Ensuite je veux me construire
à partir de là comme quelqu’un dont la maison ne serait pas solide,
qui voudrait s’en construire une autre à côté, solide elle, si possible
avec les matériaux de l’ancienne. Mais c’est grave quand en plein
milieu de la construction ses forces le quittent et qu’il a maintenant à la place d’une maison peu solide mais pourtant complète une
maison à moitié détruite et une autre à moitié achevée, donc rien.
Ce qui s’ensuit c’est la folie, donc à peu près une danse de cosaques
entre les deux maisons, au cours de laquelle le cosaque à coups de
talons de bottes fouille et excave si longtemps la terre que sous lui
se creuse sa tombe.
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Vingt petits fossoyeurs, aucun n’étant plus grand qu’une pomme
de pin de taille moyenne, forment un groupe autonome. Ils ont une
baraque en bois dans la forêt de la montagne, ils s’y reposent de leur
dur travail. Il y a là beaucoup de fumée, de cris et de chants, comme
toujours lorsque vingt travailleurs sont ensemble. Comme ces gens
sont joyeux ! Personne ne les paie, personne ne les équipe, personne
ne leur a passé commande. Ils ont choisi leur travail de leur propre
chef, de leur propre chef ils l’accomplissent. Il y a encore un esprit
viril à notre époque. Leur travail ne satisferait pas tout le monde,
peut-être eux-mêmes ne sont-ils pas entièrement satisfaits, mais ils
ne renoncent pas à cette décision dès lors qu’elle a été prise, ils sont
habitués à tirer les charges les plus lourdes, à travers la broussaille
la plus dense. Le vacarme de la fête dure de l’aube à minuit. Les
uns racontent des histoires, les autres chantent, certains fument leur
pipe en silence, mais tous aident à faire passer la grande bouteille
de schnaps autour de la table. Leur chef se lève à minuit et tape sur
la table, les hommes prennent leur casquette au clou; corde, pelles
et pioches sortent du coin, ils se mettent en rang, toujours deux par
deux.
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Donc si tu as commencé à prendre un chemin, continue, en toutes
circonstances, tu ne peux que gagner, tu ne cours aucun danger,
peut-être qu’à la fin tu tomberas, mais si tu avais fait demi-tour dès
les premiers pas et si tu avais dévalé les escaliers, tu serais tombé dès
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Avais-je un intercesseur, ce n’était pas clair du tout, je ne pus
rien apprendre de précis à ce sujet, tous les visages fuyaient mon
regard, la plupart des gens qui venaient à ma rencontre et que je
retrouvais encore et encore dans les couloirs avaient l’air de grosses
vieilles dames, elles avaient de grands tabliers à rayures bleu-sombre
et blanches qui leur couvraient tout le corps, elles se caressaient le
ventre et se tournaient et se retournaient lourdement. Je ne pus
même pas savoir si nous étions bien dans un immeuble du tribunal.
Certains indices allaient en ce sens, mais beaucoup d’autres allaient
contre. Au-delà de tous les détails ce qui me rappelait le plus un
tribunal c’était un bourdonnement, que l’on entendait sans arrêt
comme venant de loin, on ne pouvait dire de quelle direction, il
remplissait tellement tous les espaces, que l’on pouvait croire qu’il
venait de partout, ou, plus exactement, que l’endroit précis où l’on
se trouvait par hasard à cet instant était l’endroit d’origine de ce
bourdonnement, mais c’était bien sûr une illusion, car il venait de
loin. Ces couloirs, étroits, à voûte simple, à lents tournants, avec de
hautes portes à la décoration discrète, semblaient même faits pour
un calme profond, c’étaient les couloirs d’un musée ou d’une bibliothèque. Mais si ce n’était pas un tribunal, pourquoi donc y étaisje en quête d’un intercesseur? Parce que je cherchais partout un
intercesseur, il est nécessaire partout, on en a même moins besoin
au tribunal qu’ailleurs, car le tribunal prononce son verdict d’après
la loi, on doit le supposer, si cela se passait alors de manière injuste
ou peu sérieuse aucune vie ne serait en fait possible, on doit avoir
confiance dans le fait que le tribunal laisse libre cours à la majesté
de la loi, car telle est sa seule tâche, mais dans la loi elle-même
tout est accusation, défense et verdict, l’intervention d’un individu
autonome ne serait que forfaiture. Mais il en va autrement avec
le fait même d’un verdict, celui-ci s’appuie sur des investigations,
des investigations ici et là, dans la parentèle et auprès d’étrangers,
auprès des amis et des ennemis, dans la famille et dans le public, à
la ville et à la campagne, bref, partout. Là il est donc absolument
nécessaire d’avoir des intercesseurs, des intercesseurs en nombre, le
mieux serait qu’ils soient placés serrés l’un contre l’autre, un mur
vivant, car les intercesseurs sont de nature difficiles à mouvoir,
mais les accusateurs eux, ces rusés renards, ces agiles belettes, ces
petites souris invisibles, s’introduisent dans les plus petits interstices, surgissent entre les jambes des intercesseurs. Donc vigilance !
C’est bien pour cela que je suis ici, je collectionne des intercesseurs.
Mais je n’en ai encore trouvé aucun, il n’y a que ces vieilles femmes
qui vont et viennent, encore et toujours, si je n’étais pas en quête,
je m’assoupirais. Je ne suis pas au bon endroit, je ne peux hélas pas
repousser l’idée que je ne suis pas au bon endroit. Je devrais être à un
endroit où il y aurait grand concours de gens, de régions différentes,
de toutes les classes sociales, de tous les métiers, de tous âges, je
devrais avoir la possibilité de sélectionner soigneusement à partir
d’une foule les compétents, les bienveillants, ceux qui m’accordent
un regard. Ce qui conviendrait sans doute le mieux ce serait une
grande foire annuelle. Au lieu de cela je me traîne dans ces couloirs
où on ne peut voir que ces vieilles femmes et encore peu d’entre elles
et toujours les mêmes et celles-là, malgré leur lenteur, ne se laissent
pas interpeller, elles m’échappent, flottent comme des nuages de
pluie, sont requises par des occupations inconnues. Pourquoi donc
me suis-je précipité à l’aveugle dans un bâtiment, sans lire l’inscription au-dessus de la porte, me retrouvant aussitôt dans les couloirs,
m’asseyant ici avec une telle obstination que je ne peux plus du tout
me souvenir m’être jamais trouvé devant ce bâtiment, m’être précipité en haut des escaliers. Mais je ne dois pas m’en retourner, il
me serait insupportable de devoir m’avouer avoir gâché mon temps,
m’être ainsi égaré. Comment? En cette vie courte, pressée, sur fond
d’un impatient bourdonnement, se ruer en bas d’un escalier? C’est
impossible. Le temps qui t’est imparti est trop court, si tu perds une
seconde tu as déjà perdu toute ta vie, car elle n’est pas plus longue ;
elle est toujours juste aussi longue que le temps que tu perds.
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J’arrivai hors d’haleine. Un poteau était enfoncé légèrement de biais dans le sol et portait un panneau avec l’inscription
« Enfouissement ». Je devais toucher au but, me dis-je, et je regardai
autour de moi. À quelques pas seulement se trouvait une modeste
tonnelle enfoncée dans la verdure, d’où provenaient de légers bruits
d’assiettes. J’y allai, glissai la tête par l’ouverture étroite, ne voyant
pas grand-chose dans cet intérieur sombre, je saluai quand même
et je demandai : « Savez-vous qui s’occupe de l’enfouissement? »
« Moi-même, pour vous servir », dit une voix aimable, « j’arrive tout
de suite ». Je pouvais maintenant distinguer peu à peu les membres
de la petite société, il y avait là un jeune couple, trois petits enfants
qui atteignaient tout juste avec leur front le plateau de la table et un
nourrisson, encore dans les bras de sa mère. L’homme qui était assis
au plus profond de la treille voulut se lever aussitôt et se précipiter
au-dehors, sa femme lui demanda gentiment de terminer d’abord
son repas, mais lui me montra du doigt, elle dit à nouveau que je
serai assez aimable pour attendre un peu et pour leur faire l’honneur
de partager leur maigre déjeuner, et finalement, très mécontent
de moi-même puisque je troublai là de si laide manière la joie
dominicale, je dus dire : « Hélas, hélas, chère Madame, je ne puis
accepter votre invitation, car je dois immédiatement, oui vraiment
immédiatement, me faire enfouir. » « Ah » dit la femme, « en plein
dimanche et en plus pendant le déjeuner. Ah les caprices des gens.
L’éternel esclavage. » « Ne me grondez pas ainsi » dis-je, « je ne le
demande pas à votre mari par lubie et si je savais comment faire
je l’aurais fait depuis longtemps tout seul. » « N’écoutez pas ma
femme », dit l’homme, qui était déjà à côté de moi et m’entraînait.
« Ne demandez pas aux femmes de la raison.
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F. (penché sur des livres de comptes) Vois donc ici, allons vois
donc —
Deux forts coups à la porte, puis encore un plus léger
F. Je viens —
Il va lentement vers la porte, en se raclant la gorge, regarde par
l’œilleton, opine du chef, tire deux verrous, ouvre ensuite la porte.
T. (vieille dame douce) Bonjour, cher Felix.
F. C’est très gentil, ma tante, d’être venue.
T. Mais tu m’as écrit, Felix, je suis bien sûr venue aussitôt.
F. Bon alors, bon alors.
Ils s’assoient
F. Tu as toujours été ma conseillère.
T. Moi? Une femme ignorante. Tu me fais toujours la même
plaisanterie.
F. Ce n’est pas une plaisanterie. Que serais-je sans toi! D’un
autre côté il est vrai —
T. Alors?
F. D’un autre côté il est vrai que si tu n’étais pas là je devrais aussi
faire mon chemin tout seul dans le vaste monde.
T. Bon, bon.
F. Non ma tante, pas ainsi — je t’en prie, ne me quitte pas.
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J’ordonnai qu’on sorte mon cheval de l’écurie. Le serviteur ne
me comprit pas. J’allai moi-même à l’écurie, je sellai mon cheval et
grimpai. J’entendis au loin le son d’une trompette, je lui demandai ce
que cela signifiait. Il ne savait rien et n’avait rien entendu. Il m’arrêta
à la porte et me demanda : « Où vas-tu chevaucher, Maître ? » « Je ne
sais pas », dis-je, « mais loin d’ici, vraiment loin d’ici. Toujours plus
loin d’ici, ce n’est qu’ainsi que je pourrai atteindre mon but. » « Tu
connais donc ton but? » me demanda-t-il. « Oui », répondis-je, « je
viens de le dire , ‘Loin d’ici’, tel est mon but. » « Tu n’emportes pas
de provisions », dit-il. « Je n’en ai pas besoin », dis-je, « le voyage
est si long, que je mourrai de faim si je ne trouve rien en chemin.
Aucune provision ne peut me sauver. Par chance c’est vraiment un
très grand voyage. »
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« Comment suis-je arrivé ici? » m’écriai-je. C’était une salle de
dimensions moyennes, éclairée par une douce lumière électrique,
je passai devant ses murs. Il y avait bien quelques portes, mais si
on les ouvrait on se retrouvait devant une sombre paroi rocheuse
et lisse, qui se trouvait à portée de main depuis le pas de la porte et
qui courait toute droite en hauteur et à perte de vue des deux côtés.
Ici il n’y avait pas d’issue. Seule une porte conduisait à une chambre
contiguë, la vue y donnait plus d’espérances mais n’était pas moins
étrange que celle des autres portes. On voyait une chambre princière, le rouge et l’or y régnaient, il y avait là plusieurs miroirs hauts
comme le mur et un grand lustre de cristal. Mais cela n’était pas
encore tout.
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le lui soulever. Je le fis et il dit : « Je suis en voyage, ne me
dérangez pas, ouvrez votre chemise et rapprochez votre corps de
moi. » Je le fis, il s’avança d’un grand pas et disparut en moi comme
dans une maison. Je m’étirai comme dans un réduit, j’eus presque
un évanouissement, je laissai tomber la bêche et rentrai à la maison.
Il y avait là des hommes à table qui mangeaient dans le même plat,
les deux femmes se trouvaient près du foyer et du baquet à linge. Je
racontai immédiatement ce qui m’était arrivé, je me laissai tomber
sur le banc à côté de la porte, tous m’entourèrent. On alla chercher
un vieux d’une ferme proche qui avait fait ses preuves. Pendant qu’on
l’attendait des enfants s’approchèrent de moi, nous nous tendîmes la
main, entrelaçâmes nos doigts,
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Nous courûmes devant la maison. Il y avait là un mendiant
avec un harmonica. Son habit, une sorte de toge, était tellement
en lambeaux dans le bas qu’il semblait que le tissu n’avait pas été
initialement découpé dans une pièce mais plutôt déchiré avec brutalité. Et d’une certaine façon la mine déconfite du mendiant concordait, il semblait tout juste se réveiller d’un sommeil profond et ne
pas parvenir à se repérer malgré tous ses efforts. C’était comme s’il
se rendormait à tout coup et était à chaque fois réveillé. Nous, les
enfants, nous n’osions pas lui parler et lui demander comme aux
autres mendiants-musiciens de nous jouer quelque chose. Il nous
fuyait d’ailleurs constamment du regard, comme s’il remarquait bien
notre présence, mais ne parvenait pas à nous reconnaître comme il
le voulait.
Nous attendîmes donc jusqu’à l’arrivée de notre père. Il était
derrière dans l’atelier, cela dura un moment avant qu’il ne prenne
le long couloir. « Qui es-tu? » demanda-t-il à voix haute et forte en
se rapprochant, son regard montrait qu’il était grincheux, peut-être
n’était-il pas content de notre conduite envers le mendiant, pourtant nous n’avions rien fait, en tout cas encore rien gâché. Nous
devînmes, si c’est possible, encore plus silencieux. C’était vraiment
le silence total, seul le tilleul devant la maison bruissait.
« Je viens d’Italie », dit le mendiant, mais cela ne ressemblait pas à
une réponse, plutôt à un aveu de culpabilité. Comme s’il reconnaissait en notre père son maître. Il serra l’harmonica contre sa poitrine.
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