Cabanophiles d'ici et d'ailleurs

Quand vous rentrez de forêt, épuisés après avoir marché quatre heures dans les montagnes en solitaire, que vous n'avez même plus goût à l'ambient tellement vous êtes claqués parce qu'à côté de ça vous n'avez pratiquement mangé qu'un oeuf au plat et une pomme en 12 heures et que vous faites de l'insomnie depuis des semaines, vous avez envie d'y retourner. Seulement, impossible dans l'état où vous êtes. Mais réjouissez-vous, car il y a ce livre qui va vous y faire retourner sans avoir besoin de marcher, ni même de sortir de votre bureau.
Intégralement écrit au Cabanistan (dixit l'auteur), ce livre recense un nombre astronomique de ces petits habitats construits au milieu des bois et qui emmerdent jouissivement la société de consommation. Des tas de techniques vous y sont décrites, l'art de prendre des p'tits bouts d'trucs et puis les assembler ensemble (placement de produit subliminal pour mon nouvel article de blog qui vient de sortir !) pour faire une maison, de sortir des sentiers battus et de refuser de se plier aux normes du système. Une rébellion dans la douceur, lente et silencieuse, au milieu des copeaux de bois, qui prend peu à peu son essor en ce XXIe siècle hostile et où l'Homme renoue avec la Nature en réalisant ses rêves à la fois d'ouverture et d'intimité.
Et autant vous dire que les idées foisonnent, venant du monde entier sauf de l'Afrique et de l'Océanie (y'a intérêt à ce que ce soit dans le Tom'2 !), avec des formes psychédéliques, fantaisistes, aventureuses, des formats de tous poils, des usages divers et variés. Des cabanes-voitures à la "Microbe et Gasoil", en veux-tu en voilà, mais c'est dépassé, à présent il y a des villages entiers de cabanes-BATEAUX qui se sont constitués ! Je commence à être sérieusement séduit par ces architectures écologiques et pleines de caractère. Et puis je vois que les tranceux aussi ont leurs propres cabanes, et je me dis : LÀ, on va vraiment s'entendre !
Et ça fait du bien de voir tous ces marginaux, tous ces idéalistes, de voir qu'on a encore un peu de désir d'utopie dans les tripes. Mention spéciale à l'Université d'Écologie Appliquée et Solidaire, il faut que ce genre d'établissements se fasse connaître. On a quelques petits bémols au niveau du style, souvent juste une description un peu "souvenir de voyage", mais Yogan sait nous entraîner dans son univers, même les vieux lascars comme moi jamais enthousiastes et râleurs de première, avec son humour et ses rêves. Alors au final, pourquoi j'en construis pas une, de cabane ?
Ah oui. Parce que je me crucifierais avec la première vis venue.
Un jour, si la bonne fortune me le permet, je vivrais dans les bois dans une cabane, avec des chats de toutes les races qui ont su conserver la noblesse de leurs ancêtres sauvages, une cabane aux formes mouvantes, construite dans les bois d'un vieux chêne, avec des fenêtres irrégulières et rondes, des balcons donnant sur les branches voisines, des couloirs tortueux donnant sur des salles où seront entassés mes livres et une alcôve jouxtant mon bureau. Là, je me pencherais pour rallumer une bougie, et je taperais à la machine à écrire, sous une baie vitrée donnant sur l'immensité d'un monde sauvage jamais souillé par la main humaine...
"Cabanophiles", c'est une invitation à la forêt, à l'air libre, à la richesse de la vie, la vraie. C'est l'envie de construire plus que des simples habitats un mode d'existence, un avenir, l'aspiration à autre chose que ces maisons et appartements ô combien conventionnels. Espérons que ce livre se fera entendre. Qui sait ? Peut-être sera-t-il le premier investigateur d'une révolution de l'architecture, quand le monde comprendra enfin que surcharger de normes ne fait que rajouter à la pollution et à l'enfermement. "Cabanophiles", c'est aussi un Beau-Livre, dans tous les sens du terme, un voyage que tout le monde devrait faire, un cas sur lequel tous les lecteurs de France, quels qu'ils soient, devraient se pencher. En témoigne le succès énorme qu'ont connu les quelques tirages par trop limités de cette grosse pépite.

PS : Gaston Royer, ne regarde pas la page 168. Je t'ai à l'oeil.