Dans le pays flottait un sentiment diffus et massif, un sentiment d'inachevé, d'inabouti. Pas un découragement, non. Une déception.
On est sous vide, sous cloche, silence et haine, haine des enfants, haine des vieux, qu'est-ce que c'est que ça, où est-on.
Mes chers compatriotes.
Oui, nous sommes en guerre.
Qui fait la guerre ? Le capital.
Qui va gagner ? Le capital.
Qui va perdre ? Ceux qui n'en sont pas.
De quoi ?
Du parti du capital.
On était au pays des Droits de l'homme, c'était entendu, au pays de la tolérance, sans liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur, Beaumarchais, Figaro, etc., on pouvait plaisanter, on devait même parfois le faire, mais il ne fallait pas exagérer.
Assez.
Ce n'était plus possible.
Il ne fallait pas confondre. Ni dépasser les bornes.
Bref.
Bref, des petits groupes réactionnaires pullulaient un peu partout sur le territoire, et même si leurs membres étaient peu nombreux ils suscitaient beaucoup de violences, dans les facs, à la sortie de certains cinéma où passaient des films étrangers, allant jusqu'à casser des vitrines de librairies dites de gauche ou de magasins de musiques du monde... Cela en contradiction avec leurs appels au calme, mais ils n'étaient pas à une contradiction près.
Sur les murs on vit apparaitre des graffitis :
Ce qui marche, c'est la marché.
La division du travail ça va bien 5 minutes.
Tout le monde respire, tout le monde nettoie.
Pourquoi ça n'avance pas .
Qu'est-ce qu'on veut ?
Me faites pas rigoler.
A quoi on rêve ?
On s'ennuie .
Il n'est pas interdit d'être fou.
( p 85)
Il faut mélanger
Mélanger les couleurs.
mélanger, mélanger.
Mélanger tout le monde.
Mixité sociale.
Après le collège, le lycée.
Après le lycée, la fac.
Il suffit de traverser la rue.
Travaillez, soyez propres, mettez une cravate.
( p 24)