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Citations sur Ebène : Aventures africaines (122)

Mais comment les navires qui voguent sur les lacs au coeur du continent africain sont-ils arrivés là ? Ils ont été démontés dans les ports de l'océan, les pièces chargées, transportées sur les têtes puis rassemblées sur les rives des lacs. C'est en pièces détachées que des villes entières, des usines, des équipements de mines, de centrales électriques, d'hôpitaux sont parvenus au fin fond de l'Afrique. Toute la civilisation technique du XIXè siècle a été transportée à l'intérieur de l'Afrique sur la tête de ses habitants.
Les habitants d'Afrique du Nord ou même du Sahara ont été plus chanceux : ils ont pu utiliser les bêtes de somme, les chameaux. Dans l'Afrique subsaharienne, le chameau ou le cheval n'ont jamais pu s'adapter, car ils étaient décimés par les mouches tsé-tsé ou par d'autres maladie s des humides tropiques.
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Sur la passerelle de l'avion nous sommes accueillis par un parfum nouveau : celui des tropiques. Nouveau ? Cette odeur embaumait la boutique de monsieur Kanzman, "Articles coloniaux et autres", rue Perec à Pinsk : amandes, clous de girofle, dattes, cacao, vanille, feuilles de laurier, oranges, bananes à l'unité, cardamone, safran au poids. Et Drohobycz ? Et les boutiques de cannelle de Schulz ? "Faiblement éclairées, sombres et solennelles, elles étaient imprégnées de l'odeur lourde des teintures, de la laque, de l'encens, de l'arôme des pays lointains et des étoffes rares ! "Le parfum des tropiques est pourtant différent. Nous ressentons d'emblée son poids, sa viscosité. Il nous signale immédiatement que nous nous trouvons dans un endroit du globe où la vie biologique, luxuriante et inlassable, travaille sans relâche, engendre, croît et fleurit tout en se désagrégeant, en se vermoulant, en pourrissant et en dégénérant.
C'est l'odeur d'un corps chauffé, du poisson qui sèche, de la viande qui se décompose et du manioc frit, des fleurs fraîches et des algues fermentées, bref de tout ce qui plaît et irrite en même temps, attire et repousse, allèche et dégoûte. Cette odeur nous poursuit, s'exhalant des palmeraies environnantes, de la terre brûlante, s'élevant au-dessus des caniveaux putrides de la ville. Elle ne nous lâche plus, elle colle aux tropiques.
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Ils commencent par se construire un toit, un petit coin, une place à eux. Comme ces migrants n'ont pas d'argent, puisqu'ils sont justement partis en ville pour en gagner - le village traditionnel africain ignore la notion de l'argent -, ils ne peuvent se réfugier que dans les bidonvilles. L'architecture de ces quartiers est invraisemblable. Le plus souvent , les autorités de la ville affectent aux pauvres les terrains les plus mauvais : des marécages, ou bien des terres nues et sablonneuses. C'est là qu'on installe la première cabane. A côté d'elle vient s'installer une deuxième. Puis une troisième. Spontanément surgit une rue. Quand cette rue en rencontre une autre, cela forme un croisement. Puis ces rues commencent à se séparer, tourner, se ramifier. C'est ainsi que naît un quartier. Mais comment se procurent-ils les matériaux ? C'est la grand mystère. En creusant le sol ? En décrochant les nuages ? En tout cas il est sûr et certain que cette foule de miséreux n'achète rien. Sur la tête, sur les épaules, sous le bras, ils transportent des morceaux de tôle, de planches, de contreplaqué, de plastique, de carton, de carrosserie, de cageot, puis ils assemblent, montent, clouent, collent ces pièces en un ensemble qui tient de la cabane ou de la hutte et forme un collage multicolore improvisé. En guise de couche, ils tapissent la terre d'herbe à éléphant, de feuilles de bananiers, de rafia ou de paille de riz, car souvent le sol est boueux ou pierreux. Faites de bric et de broc, ces architectures monstrueuses en papier mâché sont infiniment plus créatives, imaginatives, inventives et fantaisistes que les quartiers de Manhattan ou de La Défense à Paris. La ville entière tient sans une brique, sans une poutre métallique, sans un mètre carré de verre !
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Le Libéria, c’est le prolongement de l’esclavage par des esclaves qui refusent de détruire un système injuste et s’emploient à le maintenir, le développer et l’exploiter dans leur propre intérêt . Il semble qu’un esprit opprimé, dénaturé par l’expérience de l’esclavage, né dans la servitude et enchainé dès le berceau », soit incapable de penser, d’imaginer un monde affranchi, un monde où chacun serait libre .
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Les routes en Ethiopie sont pénibles et souvent dangereuses. Pendant la saison sèche, le camion dérape sur le gravier de l'étroit ruban creusé dans la paroi montagneuse et abrupte, bordant un précipice de quelques centaines de mètres de profondeur. Pendant la saison des pluies, les routes de montagne sont impraticables. Traversant des plaines, elles se transforment en marécages fangeux dans lesquels on peut s'enliser pour quelques jours.
En été, après quelques heures de route sur le haut plateau, l'homme est noir de poussière. Au bout d'une journée de voyage, la chaleur et la sueur aidant, on est couvert d'une épaisse carapace de crasse. C'est une poussière composée de particules microscopiques, une espèce de crachin dense et chaud qui s'infiltre dans les vêtements et s'introduit dans toutes les cellules du corps. Il est difficile de s'en débarrasser. La vue en souffre beaucoup. Les chauffeurs de ces camions ont constamment les yeux gonflés et rouges, ils sont constamment sujets à des maux de tête et deviennent aveugles très tôt.
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A quoi ressemble la gare routière d'Accra ? A un grand cirque faisant une brève halte. Festival de couleurs et de musique. Les autocars font davantage penser à des roulottes de forains qu'aux luxueux pullmans glissant sur les autoroutes d'Europe et d'Amérique.
Ce sont des espèces de camions avec des ridelles en bois surmontées d'un toit reposant sur des piliers, de sorte qu'une brise agréable nous rafraîchit pendant le trajet. Ici, le courant d'air est une valeur prisée. Si on veut louer un appartement, la première question que l'on pose au propriétaire est : "Y a-t-il des courants d'airs ?" Il ouvre alors en grand les fenêtres et on est aussitôt caressé par un agréable souffle d'air frais : on respire profondément, on est soulagé, on revit.
Au Sahara, les palais des seigneurs sont étudiés avec ingéniosité : quantité d'ouvertures, de fentes, de coudes et de couloirs sont conçus, disposés et structurés de façon à provoquer une circulation d'air optimale. Dans la chaleur de midi, le maître est couché sur une natte à l'endroit où débouche le courant d'air et respire avec délectation ce vent un peu plus frais. Le courant d'air est une chose mesurable financièrement : les maisons les plus chères sont construites là où se trouvent les meilleurs courants d'air. Immobile, l'air ne vaut rien, mais il lui suffit de bouger pour prendre de la valeur.
Les autocars sont bariolés de dessins aux couleurs vives. La cabine du chauffeur et les ridelles sont peinturlurées de crocodiles découvrant des dents acérées, de serpents dressés prêts à l'attaque, de volées de paons caracolant dans les arbres, d'antilopes poursuivies dans la savane par des lions féroces. Partout des oiseaux à profusion, des guirlandes, des bouquets de fleurs. Le kitsch à l'état pur, mais un kitsch débordant d'imagination et de vie.
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Nous passons la deuxième partie de la journée couchés sous le camion, dans son ombre chétive et fauve. Salim et moi sommes les seuls êtres vivants dans cet univers prisonnier d'horizons ardents. Je fixe des yeux la terre que j'ai à portée de main, les pierres toutes proches. Je cherche une créature, quelque chose qui vibre, bouge, rampe. Je me souviens que dans une région du Sahara vit un petit coléoptère que les Touaregs appellent ngubi. Quand il fait très chaud, le ngubi souffre de la soif. Malheureusement il n'y a d'eau nulle part, autour de lui il n'y a que du sable brûlant. Aussi, pour se désaltérer, le scarabée choisit un petit monticule, une petite ride de sable inclinée, et il se met à l'escalader laborieusement. C'est un effort énorme, un véritable travail de Sisyphe, car le sable incandescent et friable se dérobe sans cesse sous ses pattes, refoulant le scarabée en bas, au point de départ de son chemin de croix. Très vite le petit coléoptère se met à transpirer. Une grosse goutte d'eau gonfle à l'extrémité de son abdomen. Alors il interrompt son ascension, se met en boule et plonge ses mandibules dans cette goutte d'eau.
Il boit.
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J'ai vécu en Afrique pendant des années. J'ai sillonné le continent, visitant les itinéraires officiels, les palais, les hommes importants et la grande politique. J'ai préféré me déplacer en camion de fortune, courir le désert avec des nomades, être l'hôte de paysans de la savane tropicale. Leur vie est une prison, un tourment qu'ils supportent avec une endurance et une sérénité stupéfiantes.
Ce n'est donc pas un livre sur l'Afrique, mais sur quelques hommes de là-bas, sur mes rencontres avec eux, sur le temps que nous avons passé ensemble. Ce continent est trop vaste pour être décrit. C'est un véritable océan, une planète à part, un cosmos hétérogène et immensément riche. Nous disons « Afrique », mais c'est une simplification sommaire et commode. En réalité, à part la notion géographique, l'Afrique n'existe pas.
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Si on tombe sur un bitume de bonne qualité , le trajet peut être parcouru en une heure . Si on a affaire à une route abandonnée et impraticable , il faudra un jour de voyage , voire deux ou même trois pendant la saison des pluies . C'est pourquoi en Afrique , on ne dit pas : " c'est à combien de kilomètres?" Mais plutôt : " il faut combien de temps?" En regardant machinalement le ciel.
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Il m'arrive de lire que , en Amérique ou en Europe , un enfant a tiré sur un autre enfant , qu'un enfant a tué un enfant de son âge ou un adulte . Ce genre de fait divers suscite généralement l'effroi et l'épouvante . Or en Afrique les enfants tuent les enfants en masse , depuis des années . Sur le continent africain , les guerres contemporaines sont des guerres d'enfants .
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