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Véronique Patte (Traducteur)
EAN : 9782266138093
320 pages
Pocket (01/09/2004)
4.03/5   60 notes
Résumé :
Une plongée dans l'Afrique et l'Amérique latine des années 1960 et 1970 : une œuvre journalistique exceptionnelle faite d'une mosaïque de textes par un conteur né.

Le 14 juillet 1969, une guerre éclate entre le Honduras et le Salvador. Les forces aériennes bombardent les villes, les armées de terre s'affrontent. Vingt milliers de morts et de blessés. La raison de ces massacres ? Au match retour de qualification pour la coupe du monde, le Salvador a ba... >Voir plus
Que lire après Il n'y aura pas de paradis : La guerre du foot et autres guerres et aventuresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique


Grand reporter polonais Ryszard Kapuscinski, auteur du très connu Ebène, visite pour le compte de son journal certains pays africains. Après avoir vu en personne Nkrumah, Lumumba dans leurs meetings, il nous donne une idée de certains pays africains de 1960 à 1974, au moment des indépendances.
Il nous régale des débats de la Chambre législative du Tanganyika (aujourd'hui Tanzanie) de décembre 1963.
La député Lucy Lameck, vice ministre des Coopératives, grande dame féministe et humaniste, présente un projet : que, vu les changements opérés dans la société et ses nouveaux problèmes concernant la population urbaine notamment, une loi aidant les filles- mères et rendant obligatoire les pensions alimentaires pour les enfants naturels devient nécessaire.
1- réaction du député Mobgo: La loi sur les pensions alimentaires entrainerait une augmentation générale de la prostitution, à seule fin de payer produits de beauté « ces jeunes filles seraient comme des pays en voie de développement : elles feraient l'objet d'investissements ».
2- réaction du député Akindu : danger, car les jeunes filles enceintes pourraient prétendre que les pères de ces enfants naturels sont des ministres ou des députés. Et d'ailleurs, ajoute-il, « si vous n'arrivez pas à maitriser vos instincts, mariez –vous au plus vite »
3- Réaction du député Wambura : Les femmes africaines ont toujours eu beaucoup d'hommes, il serait difficile de déterminer lequel est le père. Et, par ailleurs, les chômeurs peuvent faire des enfants mais ne pourront pas payer de pension alimentaire.
4- Justement, dit un autre, la production d'enfants deviendra en toute impunité le travail des chômeurs.
5- Réaction du député Mfundo : en Afrique, la différence entre enfants légitimes et naturels n'a jamais existé, elle a été inculquée par le colonialisme.
6- Réaction de la députée lady Chesman, qui se prononce pour l'adoption de la loi :elle évitera la construction d'orphelinats et permettra de consacrer plus de fonds aux trois fléaux du Tanganyika : l'obscurantisme, la pauvreté et les maladies.
7- Réaction du député Mtapi : la loi aurait de fâcheuses conséquences sur la criminalité, les hommes préférant tuer leurs enfants naturels au lieu de payer pour eux.
8- Réaction du député Mello : seuls les hommes mariés devraient être, en tout état de cause, astreint à ce paiement malheureux, les célibataires seraient, sinon, obligés de se marier malencontreusement.
9- Réaction du député Kawawa. Apprendre aux femmes comment éviter une grossesse ne ferait qu'inciter les hommes à des pratiques immorales.

Tous étant d'accord sur le fait que la loi provoquerait une baisse de la moralité, l'adoption du projet a été rejeté, cependant une commission de cinq personnes a été réunie afin de revoir le projet de loi.

Kapuscinsky analyse aussi l'Afrique du Sud de 1965: les Afrikaners, occupant l'administration, l'armée, la police, le Parlement et l'église, bien que d'origine européenne ( hollandaise) ne se veulent pas européens : ils ne sont qu'une minorité, cependant leur fanatisme religieux de leur foi protestante, ne s'améliore pas lorsque l'or et les diamants furent découverts sur « leur terre ».
Ils se sont heurtés aux tribus bantoues qui se trouvaient au milieu du XIX siècle au sommet de leur puissance, guerres sur guerres ont opposés les premiers occupants bantous et les Afrikaners. Ils se heurtent aussi plus tard aux Anglais qui n'ont rien à voir avec eux, car, selon l'auteur, la plupart des Afrikaners sont issus de paysans hollandais primitifs « cette relique vivante de l'Europe féodale fossilisée dans le désert ». Lorsque le gouvernement anglais abolit l'esclavage en 1836, c'en est trop pour les Afrikaners : ils fuient avec leurs esclaves dans un « grand Trek ».

Curieusement, Kapuscinsky ne parle pas de Mandela, emprisonné en 1962 pour 27 ans. Il ne parle pas de Nkrumah, premier président du Ghana, renversé par contumace en 1966, ni de l'assassinat au Katanga de Patrice Lumumba, en 1972, malgré ce qu'affirme la quatrième de couverture ( ou bien ai-je mal lu ?)

Bien que ne parlant que de qu'il a vu, de ses yeux vus, et donc rien de ce que nous, nous savons 60 ans après, le titre même montre que l'auteur n'est pas très optimiste quant à l'avenir de l ‘Afrique, en particulier en Ethiopie « Il n'y aura pas de paradis ». le sous titre « guerre du foot » entre le Salvador et le Honduras, est développé en 45 pages : les combattants ne savent même pas pourquoi ils se battent, bilan 20 000 morts, pas plus positif.
Enfin, avec un graphisme différent, les pensées personnelles de l'auteur, ses maladies, les menaces de mort lorsqu'il entre en fraude dans un pays en guerre, sa déception, sa morsure par un scorpion, ponctuent les reportages de guerre. Et, aussi, ce qui sauve entièrement ces pochades réelles sur son vécu, un peu égocentrées, le : pourquoi ai-je fait ça ? Oui, pourquoi ?
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Le titre provient d'un des événements que le journaliste reporter polonais Ryszard Kapuscinski relate dans ce fourre-tout, issu d'années de présence sur le terrain.
En 1969, le Honduras et le Salvador sont entrés en guerre en réaction au résultat d'un match qualificatif pour la coupe du monde de football. Kapuscinski raconte ce qui s'est passé et explique pourquoi les les leaders nationaux ont réagi de cette façon à un simple résultat de foot. Quand on voit le comportement des supporters sur certains matchs cela n'est finalement pas si surprenant que cela.
Le reste du livre est consacré à plein de récits écrits à l'occasion de guerres civiles et de luttes de "libération nationale". Autant de moments où se mêlent ambitions personnelles, claniques ou ethniques. Les portraits des personnes rencontrées sont très réussis et parfois angoissants.
Cet ensemble de « papiers » journalistiques est finalement un bon témoignage de l'histoire de la seconde moitié du vingtième siècle. Ce que fut ce monde durant cinquante ans, entre guerre froide, chute du colonialisme et développement de nationalismes.
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Il n'y aura pas de paradis replonge le lecteur dans le tourbillon des indépendances africaines, sur fond de conflits tous aussi violents (et insolubles ?) les uns que les autres.

Ryszard Kapuscinski nous dévoile la ferveur qui s'empare du Ghana à chaque apparition de Nkrumah Kwame, les espoirs brisés suite à l'assassinat de Lumumba, le vent de révolte qui souffle sur Morogoro, où le nom de Nasser ouvre encore les portes.

Alternant entre anecdotes quotidiennes de ses errances sur place et analyses plus fouillées des grands conflits du XXe siècle, le reporter étonne toujours par la pertinence de ses propos : sa description repoussante d'une Afrique du Sud ouvertement raciste et de la mission civilisatrice qu'anime les Afrikaners pour occuper les terres d'un royaume qu'ils estiment leur appartenir de droit divin est particulièrement frappante ; tout comme ses quelques chapitres sur l'Algérie, où il s'attarde sur le coup d'État de Boumediene, tout en donnant un point de vue plus "neutre" que ce dont on a l'habitude.

Ces voyages aux prémices de conflits oubliés qui pèsent toujours sur la géopolitique actuelle n'en finissent pas de me passionner : le Nigeria tremble déjà sous les conflits ethniques entre Yoruba, Ibo et Haoussa et l'intégrisme évangélique ; le Salvador et le Honduras se déchirent sur fond du cocktail densité-pauvreté...Mais le chapitre qui m'aura le plus émue reste cependant celui sur Chypre, plus proche de nous, où l'agression turque hautement politisée et que l'on a tendance à oublier, rappelle que l'intervention de pays extérieurs au secours d'une communauté proche qui n'avait cependant rien demandé était déjà d'actualité une cinquantaine d'années auparavant.

Au-delà des reportages de l'auteur, le curieux pas de deux entre articles soignés et passages plus décousus d'un "livre non écrit" étonne, et ne simplifie pas la lecture. Comparé aux autres ouvrages de Ryszard Kapuscinski, Il n'y aura pas de paradis fait également la part belle aux chiffres et statistiques en tout genre, comme si notre auteur s'était fait sommer d'introduire plus de mathématiques dans ses enquêtes. Je ne me suis pas employée à les vérifier, mais ces derniers sont autant de piqûres de rappel de la croissance exponentielle de la population ces dernières décennies.
Et c'est bien cette constante réflexion entre hier et aujourd'hui à laquelle le lecteur est invité qui fait des livres de Ryszard Kapuscinski une vraie mine d'or pour tous les amoureux de géopolitique.
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Quelle existence de baroudeur ! Quel amour des hommes ! Les récits de voyages d'un journaliste intrépide aux 2 coins du monde (Afrique et Amérique Latine) et surtout là où ça pète. Passionnant.
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Ryszard Kapuscinski a été un très grand reporter qui a travaillé longtemps pour l'agence de presse polonaise jusqu'en 1981.
Il s'est spécialisé dans l'étude des dérives du tiers-monde et sur l'ex empire soviétique.
Des chroniques sont rassemblées autour de ce qui a fait l'histoire: la guerre de 1969 entre le Honduras et le Salvador, la prise de pouvoir de Boumedienne en Algérie..
Un travail excellent de journaliste-écrivain.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
En Amérique Latine, disait-il, la frontière entre le foot et la politique est extrêmement ténue. La liste des gouvernements qui sont tombés ou ont été renversés par l'armée parce que l'équipe nationale avait essuyé une défaite était longue. Au lendemain de leur défaite, les équipes professionnelles sont dénoncées dans la presse comme des traîtres à la patrie. Lorsque le Brésil remporta la Coupe du monde au Mexique, un de mes collègues, un émigré politique brésilien, fut désespéré : « La droite militaire a au minimum cinq années de calme devant elle. » Lorsque le Brésil élimina l'Angleterre de la Coupe du monde, un article intitulé « Jésus défend le Brésil », dans le quotidien Jornal dos Sportes de Rio de Janeiro, expliquait ainsi les raisons de la victoire de son pays : « Chaque fois que le ballon fonçait vers notre cage et que le but paraissait inévitable, Jésus pointait une jambe hors des nuages et mettait le ballon out. » L'article était accompagné de dessins illustrant le phénomène surnaturel.
En allant au stade, on peut y laisser sa vie. Prenons le match dans lequel le Mexique perdit contre le Pérou 1-2. Plein d'amertume, un supporter mexicain s'écria sur un ton de bravade : « Viva México ! » Il devait périr peu de temps après, massacré par la foule. Mais les émotions suscitées par le foot peuvent se manifester sous d'autres formes. A l'issue d'un match où le Mexique battit la Belgique 1-0, le directeur d'une prison de condamnés à perpétuité à Chilpancingo, fou de joie, se mit à courir, un pistolet à la main, tirant des coups de feu en l'air et criant : « Viva México ! » Puis il ouvrit toutes les cellules, libérant cent quarante-deux dangereux criminels. Le tribunal l'acquitta « car il avait agit dans un élan patriotique », pouvait-on lire dans les conclusions du verdict.
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Les Afrikaners soutiennent aujourd’hui que l’Afrique du Sud est exclusivement leur pays, car quand ils sont arrivés, la terre n’appartenait à personne. C’est un mensonge vieux comme le monde dont abusent tous les colonialistes….
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Au moment où l'attaquant du Honduras, Roberto Cardona, marquait à la dernière minute le but de la victoire, Amelia Bolanios, une jeune fille de dix-huit ans qui suivait le match à la télévision, se leva et se précipita vers le bureau de son père où se trouvait un pistolet. Elle se suicida en se tirant une balle dans le coeur. "La jeune fille n'a pas pu supporter que sa patrie soit mise à genoux", écrivit le lendemain le quotidien du Salvador El Nacional. Toute la capitale assista aux obsèques d'Amelia Bolianos retransmises en direct à la télévision. En tête du convoi funèbre défilait une garde d'honneur salvadorienne. Derrière le cercueil recouvert du drapeau national marchait le président de la République entouré de ses ministres.
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La même vision existe encore aujourd’hui ( apartheid) tant en Afrique du Sud que parmi les colons blancs du continent. Et pas seulement parmi les blancs. L’Indien de Nairobi ne désigne l’Africain en question que sous le nom de « singe noir » , même si l’Africain en question est professeur à l’université et l’Indien balayeur de rues .
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Le passé colonial pèse sur chaque domaine de la réalité africaine. La particularité du colonialisme est de créer dans la vie du pays conquis une série de fractures. Ces factures se sont ouvertes partout : dans l'économie, dans la stratification sociale, dans les mentalités. L'image que donne souvent un pays colonial est celle d'une usine ultra-moderne, et, à côté de cette usine, de cavernes dans lesquelles vivent des hommes se servant encore d'une houe en bois. "Regardez les belles routes que nous leur avons construites", disent les colons. Certes, mais au bord de ces routes il y a des villages dont la population n'est pas encore sortie du paléolithique.
C'est exactement l'image que donne l'Algérie.

"L'Algérie se voile la face"
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Videos de Ryszard Kapuscinski (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryszard Kapuscinski
25 octobre 2013
Quand Ryszard Kapuscinski arrive comme journaliste en 1958 à Accra, la capitale du Ghana, il ne peut soupçonner que ce voyage sera le début d'une passion qui ne le quittera plus jamais. Pendant des années, ce grand reporter doublé d'un écrivain sillonne le continent noir, habite les quartiers des Africains, s'expose à des conditions de vie qu'aucun correspondant occidental n'aurait acceptées. Observateur exceptionnel, il croise des potentats comme Nkrumah, Kenyatta ou Idi Amin, témoigne de coups d'Etat et de guerres civiles ; il essuie des fusillades, affronte des tempêtes de sable et supporte l'indescriptible chaleur africaine. Mais Kapuscinski s'intéresse surtout aux gens et sait gagner leur confiance. le tumulte de la vie quotidienne africaine le passionne davantage que les corruptions, les épidémies et les guerres meurtrières. Ce livre majeur, attendu depuis longtemps, a reçu en 2000 le prestigieux prix littéraire italien Viareggio. "(...) un chef-d'oeuvre hybride et bouleversant ; peu de livres ont fait sentir l'Afrique d'aussi près." Jacques Meunier - "Le Monde"
+ Lire la suite
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