Aussi longtemps que je vivrais, je ne voulais pas être plus heureux que maintenant. Je ne voulais aspirer qu'à une chose : tenter de conserver ce bonheur précieusement aussi longtemps que possible. Car j'étais effrayé par ce que je ressentais. Si la quantité de bonheur attribuée à chacun d'entre nous est limitée, alors j'étais peut-être en train de dépenser la part de toute ma vie. Un jour viendrait où l'envoyé ramènerait Aki vers la Lune. Il me resterait alors un temps indéterminable à vivre, presque aussi longtemps que l'immortalité.
Quand on aime quelqu'un, on place le plaisir de l'autre au-dessus du sien. Supposé que nous n'ayons plus grand-chose à manger, je te donnerais ma part sans hésitation. Si nous manquions d'argent, je ferais passer tes désirs avant les miens. Ton contentement suffit pour me combler. Si tu es rassasiée, alors je n'ai plus faim. Si tu es heureuse, ton bonheur est le mien. Est-ce qu'il y a rien qui surpasse l'amour de l'autre ? Je ne vois pas.
Je me demande encore ce qui m'a pris ce jour là. Était-ce une façon détournée d'exprimer ma frustration de la voir sortir à avec ce garçon d'y lycée ? Est-ce que je cherchais à me libérer du trouble qu'elle provoquait en moi sans que je ne m'en aperçoive ? Il est probable que ma vraie motivation était surtout mon amour naissant sur lequel je n'avais pas encore ouvert les yeux.
Je fus alors saisi d’une certitude terrible. Aussi longtemps que je vivrais, je ne voulais pas être plus heureux que maintenant. Je ne voulais aspirer qu’à une chose : tenter de conserver ce bonheur précieusement aussi longtemps que possible. Car j’étais effrayée par ce que je ressentais. Si la quantité de bonheur attribuée à chacun d’entre nous est limitée, alors j’étais peut-être en train de dépenser la part de toute ma vie.
Au cours des quatre mois précédents, une saison avait passé. Une jeune fille avait quitté ce monde, brutalement. Si l’on pensait aux six milliards d’êtres humains, c’était certainement un événement de peu d’importance. Mais moi, je ne demeurais pas au même endroit que ces six milliards d’êtres humains. Moi, j’étais là où la mort lave à grande eau tous les sentiments. C’était là que je demeurais, moi qui ne voyais rien, qui n’entendais rien, qui ne ressentais rien. N’était-ce pas là que j’étais ? Si je ne m’y trouvais pas, où étais-je donc alors ?