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Citations sur Saison de lumière (26)

Je suis poète de formation et le poète, tel le peintre, touche à l’allusion. Il apparaîtra clairement au lecteur que j’ai imaginé les pensées et les émotions de Mallow quand elles m’étaient inconnues. A ma décharge, je plaiderai simplement que je n’avais pas le choix, si je souhaitais brosser un portrait de Jennet Mallow riche, intense, resplendissant de couleur et non une simple esquisse.
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Sable rond, martre pure, forme usée-bombée. Eventail en blaireau doux, petit-gris Raphaël pur, pointu, soie de porc au long manche. Jennet s’en délectait, ainsi que de la matière des peintures, leur limon, les odeurs d’huile de lin et de l’essence de térébenthine, qu’elle inhalait profondément, en alchimiste honteuse, quand elle était à l’abri des regards, à lire et à relire les instructions incantatoires et les recettes. Vous aurez besoin de gomme arabique, d’eau distillée, de miel, de glycérine, de fiel de bœuf et de pigments. Du fiel de bœuf. Magie.
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Patrick Mann joua un grand rôle dans la confiance nouvelle de Jennet. C'était alors un jeune homme, il lançait une nouvelle galerie, il avait soif de reconnaissance. Mais ce n'était pas un simple imprésario : il avait du goût, l'oeil sûr, et dès le début il sut qu'avec Jennet il avait de l'or entre les mains. Elle ne lui échapperait pas. Il lui écrivit à Santiago, renouvelant la proposition faite par l'intermédiaire de David, et en juin 1952, il se présenta devant sa porte. Je passais dans le coin, souffla-t-il en toute invraisemblance. (...)

Comme disait David avec justesse, il ressemblait davantage à un fonctionnaire anversois qu'à un galeriste prometteur ; il semblait tout droit sorti d'un tableau de Magritte. Il ne lui manque plus, poursuivait David, qu'une colombe plantée dans ce chapeau. Mais David l'aimait bien. Tout le monde l'aimait bien ; il était plein de reconnaissance et de politesse (...)

Il est monté sur ressorts, un vrai petit ballon gonflé aux superlatifs, dit David à Jennet. Montre-lui n'importe quel tableau, et il va exploser.
En l'occurrence, il garda une remarquable maîtrise de lui-même.
Jennet conservait ses tableaux dans la cabane d'un voisin ; un matin, elle y emmena Patrick. Elle lui montra Santiago.

Avec David, ils avaient dû ôter la porte de ses gonds pour faire entrer le tableau dans la cabane ; il occupait quasiment toute la place.
Contre le mur en bois, avec la lumière du jour qui filtrait par l'ouverture de la porte, il semblait rayonner.
Lumineux dans les bleus, le safran, comme un trésor illuminé par le feu d'un dragon ou un retable par une myriade de cierges.

Dans la cabane poussiéreuse qui sentait le poisson, Patrick Mann regardait fixement le tableau. Jennet s'était attendue à un flot de paroles surexcitées, mais il ne souffla mot pendant plusieurs minutes.
Elle n'apprit que des années plus tard qu'il avait eu le plus grand mal à retenir ses larmes.

Sous l'enthousiasme à tous crins de Patrick, il y avait du discernement, des compétences et du savoir. Et une absence de sensiblerie. Il pleurait rarement.
Son intérêt pour Jennet était avant tout commercial.
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Sa prise de conscience de la dépendance absolue de ses enfants et des obligations d'adulte qui en découlaient pour elle, formait le coeur du problème de Jennett. Aux yeux du monde, un artiste se devait d'être libéré de toute obligation personnelle, condition vitale pour atteindre dans son oeuvre les idéaux les plus élevés, les plus transcendantaux. David Heaton s'était octroyé une telle liberté. Une liberté ontologiquement infantile, toutefois affranchie des contraintes de l'impuissance infantile. David ne serait jamais complètement adulte s'il voulait réussir comme artiste. Jennett se trouvait donc confronté à un choix cornélien : devait-elle se montrer responsable envers ceux qu'elle avait mis au monde ou fidèle à sa vocation ?
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Utiliser les couleurs dans toutes les nuances et leurs richesses pour en baptiser la mer et les cieux -turquoise, cérulé, saphir -, c'était comme apprendre une nouvelle langue, dont elle se trouvait passionnée.... Elle n'avait pas osé songer que l'art pouvait être une manière de vivre. Mais maintenant, ici, soudain, cela lui semblait l'unique manière; l'unique manière de dire tout ce qu'elle savait nécessaire de dire.
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Deux filles. Sarah et Vanessa. Sarah est d'une santé florissante, mais Vanessa est maladive, chétive (...)
Et cependant, Sarah tète avec avidité. Vanessa pousse des plaintes faiblardes, bêlantes, un bruit suraigu et désespéré qui transperce Jennet jusqu'aux os la nuit comme le jour.

(note : Ben est le fils aîné de Jennet et David Heaton, né en Angleterre, avant leur déménagement en Espagne) Ben n'a pas encore trois ans et reste stupéfait par ces intruses qui font régner leur loi sur sa mère, il se remet à sucer son pouce, à faire pipi au lit et à pleurnicher (...)

(note : Barbara est la soeur aînée de Jennet) Barbara se montre inamicale avec David, mais sa rancoeur touche également Jennet.
Même à présent, Jennet, ensanglantée, coupée, épuisée, en larmes, est plus jolie, plus mince, plus intelligente que sa soeur.

Jennet a un mari, et il est très beau, même si c'est un vaurien.
Jennet a trois enfants, dont deux sont charmants, même si la troisième est cireuse et vouée à ne pas vivre.
Il en a toujours été ainsi. Quand elles étaient petites, Jennet avait toujours plus de tout que Barbara et elle était la préférée de leur père, c'était tellement injuste.
Barbara n'a pas de mari, n'a même jamais eu d'amant, l'année prochaine elle aura trente ans, elle gâche sa vie à être infirmière, personne ne l'a jamais payée pour jouer avec de la peinture et du papier.
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La solitude n'est pas dure quand on est jeune. Elle n'est pas dure quand tout reste ouvert, que les années se présentent pleines de promesses, et que n'importe quel inconnu rencontré par hasard est susceptible de devenir un amant. Elle ne put en aucun cas être confondue avec l'isolement. Enfant, Jennett était souvent seule et, jeune femme, elle s’accommodait très bien de sa propre compagnie. La trentaine passée, elle commençait à apprendre à quel point la vie est courte.
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Ainsi. Gloire et fortune. N'est-ce pas suffisant ? Ce ne sont pas des garanties de bonheur, mais tout de même cela change beaucoup de choses. La vie de Jennett en fut transformée, elle put acheter du temps, de l'espace et, au bout du compte, son indépendance.
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L'été avait soudé la famille, l'avait enveloppée de ses fils de miel et, désormais, elle ne faisait plus qu'un, alors que, soumise aux tensions quotidiennes, elle s'effilochait constamment.
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Cet été-là, l'été 1947, marqua l'époque où Jennet commença à sentir naître en elle sa véritable vision d'artiste, concomitante à l'éveil de son enfant.
Quelque chose, quelque pouvoir atavique sur la forme et la couleur s'insinua dans les espaces qu'elle avait gardés à cet effet. Elle se mit également à essayer de nouvelles techniques, à la recherche du médium approprié pour exprimer la pureté de la lumière sur l'eau ou sur l'herbe, les teintes du brouillard, et en arriva ainsi à l'art de la détrempe : la couleur dispersée en émulsion.
Cela nécessitait du jaune d'oeuf ; seulement le jaune et non le blanc, et pour les séparer, elle laissait le jaune d'oeuf dégoutter entre ses doigts, globe chaud de jaune pur et son potentiel d'une nouvelle vie sacrifiée, dans le cas présent, pour l'alchimie de la couleur.
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