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Citations sur Bréviaire du colimaçon: Sur la vie spirituelle (8)

A celui qui a goûté le silence, les discussions banales, les débats et autres colloques deviennent insupportables, vite étouffants. Le silencieux, le solitaire ont besoin d'air, d'espace, parce que dans le silence, dans la solitude, ils ont fait l'expérience de l'immense. Dès lors, tout le reste semble étriqué et vain. La "communication" obligatoire, l'injonction de "s'exprimer" à tout propos apparaissent grotesques: c'est toujours le moi prétentieux qui bavarde et s'expose, qui obstrue le vaste pays intérieur.
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La joie est expansive, elle ne peut, pas plus que l'amour, être gardée pour soi. Un être spirituel n'a nul besoin de se conduire en prosélyte ni d'enseigner autrui. Il est tout d'abord un témoin, ou un passeur, sa vie parle d'elle-même et ses qualités sont éclatantes. Il peut donner envie à ceux qui le rencontrent de partir en quête eux aussi, à la découverte du royaume intérieur ; mais il oeuvre plus profondément et secrètement à l'avènement du règne de Dieu.

p.134-135
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Le précepte majeur de toute quête de sens est : « Connais-toi toi-même. » La devise inscrite au fronton du temple de Delphes que Socrate prit comme point de départ de son enseignement. Qui suis-je ? À quoi est-ce que je m’identifie, je me limite ? Ne suis-je qu’un corps, un organisme vivant et pensant ? Ne suis-je que matière destinée à disparaître ? Ne suis-je fait que de beaucoup d’inconscience et d’un peu de conscience ? N’existé-je qu’en raison d’une lignée charnelle, n’ai-je d’héritage que génétique ? Ne suis-je mû que par des besoins, des pulsions, et mes désirs ne se portent-ils que sur des choses concrètes à acquérir, à posséder ? Ne suis-je pas habité par un songe plus vaste, par un désir d’éternité ? Qu’est-ce qui de moi demeurera lorsque je mourrai ? En quels instants me sens-je vivant, véritablement vivant ?...
Et tant d’autres questions.
Des questions qui n’attendent aucune réponse immédiate et refusent les explications toutes faites. Des questions qui ont pour vertu d’ouvrir des fenêtres, de déblayer le chemin, qui font avancer. Les mots « quête » et « question » sont de parenté étroite, ne n’oublions pas.
Un individu qui se montre avide d’explications et de solutions se croit rassuré par des réponses, qui viennent le plus souvent de l’extérieur. Il a peu de chance de partir en quête. Il risque plutôt de subir toutes les modes, tous les conformismes, et de rester dans le troupeau. Un tel individu croit que les autres, les spécialistes en particulier, savent mieux que lui ce qu’il ressent, ce qui est bon pour lui, il s’en remet à eux pour aller cahin-caha dans la vie, mais ce faisant, il s’est dépossédé de son intériorité, il a abandonné à d’autres – exploiteurs sans vergogne ou experts en bâtiment – sa précieuse maison intérieure.
La connaissance de soi ne brasse pas des problèmes et ne réclame pas des solutions. Mais, ouvrant tout l’« espace du dedans » dont parle le poète Henri Michaux, elle affranchit d’abord de toute influence, de toute manipulation venant de l’extérieur, elle permet de se dégager des nombreux conditionnements auxquels chacun se trouve soumis. Un homme dépourvu d’intériorité se condamne à n’être qu’un pur produit : d’une famille, d’une époque, d’un pays, d’une mode… Il subit tous les déterminismes tout en se croyant libre et actif, et il n’a d’autre possibilité, comme produit, que de reproduire des schémas, des explications et des solutions, sans jamais inventer, créer du neuf. C’est pourquoi, n’ayant pas accès à sa singularité, il se sent à l’aise dans les groupes, la foule anonyme, et ne parle qu’en termes de généralité et de génération. Dépouillé de sa maison intérieure, il a besoin des autres pour qu’ils l’hébergent, le soutiennent, lui tiennent chaud. Comme il est incapable de vivre seul, il se raccroche au « vivre ensemble », un programme collectif.
Qui suis-je lorsque je ne me définis plus par ma filiation, par ma profession, par mes attaches sentimentales et mes liens sociaux et amicaux ? Qu’est-ce qui reste lorsque tout cela s’efface ? N’y a-t-il plus qu’un grand vide effarant, l’impression de ne pas exister, de n’avoir nul visage, ou est-ce qu’une petite lumière palpite encore, une flamme que l’extérieur n’a pas étouffée ?
Se connaître, c’est partir à la découverte de ce qui en soi est inconditionné et inaliénable. Indestructible.
[…]
La connaissance de soi, qui nécessite une démarche de retrait et de recueillement et peut au départ s’apparenter à une introspection, loin de se limiter au moi existentiel ouvre à un monde infini. « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux », tel est l’adage de sagesse en son intégralité.

pp. 66-68
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Qui désire accéder au royaume intérieur doit avant tout se tenir en silence et en solitude : ces conditions externes disposent l’individu à l’écoute et au recueillement. Dans la vie quotidienne, on se laisse happer par le tourbillon des événements, on se disperse, et on se retrouve harassé. La société actuelle est faite de gens pressés et débordés, qui n’ont pas une minute à eux. Mais lorsqu’on fait retour à soi, lorsqu’on renoue avec la vie intérieure, on perçoit que le temps s’ouvre tout autant que l’espace, et plus on va vers la profondeur, plus l’être se déploie.
« Court est le temps qui t’est laissé. Vis comme sur une montagne », énonce Marc Aurèle. Toute démarche philosophique, toute aventure spirituelle commencent par le retrait et le silence propices au calme et à la réflexion et s’y ressourcent régulièrement. Ainsi Socrate affirme : « La vie d’un véritable philosophe est une vie de calme, de silence intérieur, de solitude et de distance avec le monde. Oublié et oublieux du monde, il trouve la paix dans la contemplation du Bien. Cela et cela seul est la vraie vie. » Jésus lui-même, ainsi que le notent les évangiles, se tient volontiers à l’écart et après avoir enseigné les foules ou accompli un miracle, recherche la solitude.
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Si l’amour fou, si la joie s’avèrent si précieux, c’est parce que sur eux rien ni personne n’ont de prise, parce que nulle raison, nul obstacle ne les font renoncer ; en un mot, parce qu’ils sont infiniment libres. En comparaison avec ces états proprement divins, combien chétifs paraissent nos sentiments, combien fragiles nos plaisirs, et comme les humains cherchent à se protéger de tout au lieu de se libérer de tout !
Dans un parcours spirituel, l’amour, la liberté, la joie l’emportent irréversiblement sur toute douleur, sur tout ressentiment. Etty Hillesum note, en mars 1941 : « Mille liens qui m’oppressaient sont rompus. Je respire librement, je me sens forte et je porte sur toutes choses un regard radieux. Et maintenant que je ne veux plus rien posséder, maintenant que je suis libre, tout m’appartient désormais et ma richesse intérieure est immense. »
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Celui qui désire avancer sur la voie intérieure n’a pas besoin de se tourner vers un maître, comme on le fait accroire de nos jours où l’Occident, oublieux de se propres richesses, copie le modèle spirituel de l’Orient suivant lequel les disciples dépendent d’un guru, d’un swami, d’un lama. Selon la tradition occidentale – où convergent Athènes, Jérusalem et Rome –, la précellence est donnée à la liberté de la personne humaine et la démarche philosophique ou spirituelle s’apparente à un compagnonnage, à une relation d’amitié entre des personnes partageant une même quête, et non pas à un lien d’obéissance et de dépendance entre quelqu'un qui sait et les autres qui ont tout à apprendre de lui. La vision occidentale de l’être humain est celle d’une personne unique et irremplaçable, douée de libre arbitre, de mémoire et de volonté, et capable d’exercer son propre jugement. Ainsi Socrate, loin de se poser en maître, se déclare accoucheur d’âmes et converse librement avec les gens qu’il rencontre autant qu’avec ses amis. Ainsi Jésus chemine sur les routes en compagnie d’hommes et de femmes, les interroge au lieu de les embrigader, et désigne ses apôtres par le beau qualificatif d’amis.
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Le désir, c’est le goût de l’autre, de la vie, de l’ailleurs, du nouveau. Plus un individu, par peur, étouffe en lui le désir, et plus il devient morne et triste. Un individu narcissique est seulement désireux de lui-même et ce n’est pas par hasard si notre époque qui flatte en permanence l’égocentrisme des gens est une époque de convoitise généralisée, non pas de désir.
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A celui qui a goûté le silence, les discussions banales, les débats et autres colloques deviennent insupportables, vite étouffants. Le silencieux, le solitaire ont besoin d'air, d'espace, parce que dans le silence, dans la solitude, ils ont fait l'expérience de l'immense. Dès lors, tout le reste semble étriqué et vain. La "communication" obligatoire, l'injonction de "s'exprimer" à tout propos apparaissent grotesques: c'est toujours le moi prétentieux qui bavarde et s'expose, qui obstrue le vaste pays intérieur.
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