Après un premier volume qui nous présentait les émois d'une Morue douée de beauté par magie, Kerascoët et Hubert cavalent avec plus d'assurance sur la piste de ce sortilège qu'on ne saurait qualifier d'heureux ou de malheureux…
Pour Morue, cela ne fait aucun doute : la beauté est un miracle sans lequel elle ne pourrait plus concevoir de vivre. Pauvre souillon méprisée de tous, elle est devenue celle dont on se dispute les faveurs : à l'échelle des pauvres brigands de son village, on se massacre inutilement pour un regard de la belle ; à l'échelle des princes du royaume, les duels permettent au moins l'organisation de noces somptueuses. Et voici Morue faite Reine de Beauté, cheminant à côté du Roi Maxence, lui aussi réputé pour une grâce cependant bien naturelle. A Morue la richesse, le luxe et les plaisirs ! Il lui suffit de réclamer une chose pour l'obtenir. La princesse Claudine, soeur du Roi Maxence, ne s'y laisse pas prendre : elle a compris que Morue est une simplette qui voit rarement plus loin que le bout de son nez, mais qu'elle constitue un outil de choix lui permettant de manipuler à l'envi les hommes dans les décisions de guerre et de pouvoir.
Frivole à l'extrême, réclamant sans cesse les privilèges qu'elle croit pouvoir réclamer du fait de sa beauté pourtant artificielle, Morue se laisse elle-même berner par la nouvelle image qu'elle renvoie à ses semblables. Princesse échappée d'un conte de fées pour enfants, elle ne se doute pas des enjeux que comportement l'administration d'un royaume, et lorsqu'elle cherche à le comprendre, son entourage la détourne de la vérité, bien trop cruelle pour une merveille aussi resplendissante qu'elle.
Toujours aussi modernes dans leur manière de revisiter cette légende à la sauce médiévale, Kerascoët et Hubert explorent la psychologie de personnages crédibles jusque dans leurs contradictions. Morue, frivole et séductrice, attise la jalousie de son époux le Roi Maxence qui essaiera d'user de son pouvoir pour capter son attention, déployant d'abord les forces du bien, avant de dévoiler l'attirail de la vengeance sanguinaire. Entre les deux, la soeur Claudine use de toute sa ruse pour mener à bien la guerre, manipulant Morue afin que sa beauté, en rencontrant certains personnages et en traversant certaines contrées, déstabilise les éléments moteurs de la bataille. Un peu d'érotisme, beaucoup de massacres, et un humour cynique vibrant de la première jusqu'à la dernière case de ce volume : le rythme s'accentue et les contradictions de chaque personnage semblent culminer… Ne reste plus qu'à dénouer cet enchevêtrement, par l'intelligence ou par la folie. On se prend au jeu des miroirs dans une impatience qui nous fait guetter la suite avidement…
Lien :
http://colimasson.over-blog...