Série Bernie Gunther 12/14
Ce pavé (672 pages) dans la mare croupie du nazisme est un roman très réussi de
Philip Kerr, le douxieme de la série, un de ses derniers avant sa mort. Ce qui fait que le personnage de Bernie Gunther, inspecteur de la police criminelle (kripo) de Berlin a toute l'épaisseur, le talent, l'humour, la maturité et l'ironie d'un "héros littéraire". On se régale donc dans cette enquête au contexte particulier : nous sommes en 1939, un peu avant l'invasion de la Pologne et la déclaration de guerre totale des nazis au monde, Hitler va fêter ses cinquante ans au Berghof mais un meurtre a été commis dans son nid d'aigle, le Berghof (donc) à Berchtesgaden. Et cela est inconcevable dans "le territoire d'Hitler", cette zone hyper confidentielle et sécurisée au coeur de la montagne où le Furher prend ses décisions (plus qu'à Berlin, qu'il déteste), entouré de ses généraux, confidents les plus proches. le régime nazi serait la risée du monde si cela s'ebruitait... Et surtout la sécurité du dictateur est menacée...
Il faut faire place nette avant l'arrivée d'Hitler au Berghof !
Alors, le dangereux général Heydrich engage Bernie Gunther pour enquêter et débusquer l'assassin et surtout comprendre ce qui se passe au Berghof, dont la construction et l'aménagement est confiée à
Martin Bormann, secrétaire d'Hitler et véritable tyran. Heydrich le déteste et veut le faire tomber. Comme toujours, dans les romans de cette série de
Philip Kerr, on côtoie de près les monstres du régime nazi, Heydrich, Rattenhuber, le docteur Karl Brandt (responsable du programme Action T4 - extermination de 70000 handicapés, fous, faibles), Boorman, Hess, ici Gerdy Troost confidente d'Hitler : Hitler les met en concurrence, mais chacun y trouve son compte et nourrit son compte en banque : brutalité, coup bas, corruption, opportunisme, activités illégales, expropriation, on découvre les dessous d'un régime sous Pervitine (amphétamines qui empêche la fatigue) déjà loin de la droiture exigé par Hitler (qui s'enrichit au passage des droits de son livre "mein Kampf").
Dans ce huis clos, isolé de tout, Bernie (ex social démocrate et donc ennemi des nazis) navigue en eau trouble entre le marteau (Heydrich) et l'enclume(Bormann).
C'est intéressant historiquement, car on voit la folie dépensière du régime nazi et le traitement sous pression des ouvriers qui travaillent pour eux, ainsi que la violence viscérale, "génétique" du régime nazi depuis la naissance du parti.
La verve littéraire de
Philip Kerr, documentée, moqueuse, pleine d'humour rend cette enquête passionnante, riche en rebondissements.
Il y a comme souvent, dans ses romans, deux temporalités, ici 1939 avant la guerre ou Bernie mène l'enquête au Berghof et en 1956, après guerre, où il doit lutter (encore) pour échapper à une exécution par la Stasi. Bernie retrouve ici de vieilles connaissances de 1939) passées à la Stasi, (service de renseignement de la RDA)... Dont les méthodes n'ont rien à envier à la Gestapo...
Si c'est un des ses derniers romans, il peut se lire plutôt en début de série après la "trilogie berlinoise".
Et je le recommande comme un des ses meilleurs opus de la série Bernie Gunther !