On ne s’impose pas sur la mer, on passe simplement sur la pointe des pieds, un peu comme dans la vie.
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La solitude est le seul moment réel de notre vie. La vie réelle est dans la solitude. L'émotion est solitaire. Même le voyage amoureux est un voyage en solitaire.
Je suis un nomade exalté par la découverte. Voilà, découvrir sans cesse... C'est le seul moment où l’on peut supposer que va surgir le "merveilleux". Fouiller le monde de tous les côtés, c'est exaltant. Je suis comme un chercheur d'or. Ce n’est pas tant l’or que je cherche que le moment magique quand je vais le découvrir. C'est toujours, au vrai, l’émotion que je cherche. Le nomadisme, c'est ça.
Tous les jours, un chercheur d or est tenu par sa capacité d émerveillement. La magie. Le "merveilleux" est la raison de tout ce que je fais.
L’émerveillement, c’est de la pluie d’or morale qui vous tombe dessus.
Le tout, c’est de se trouver dans les bons endroits, là où il pleut de l or.
L'argent est un outil. On ne peut pas brandir un outil. Il sert à faire quelque chose, pas à être quelqu'un.
J'ai toujours presque par philosophie, choisi dans ma vie la route la plus difficile. Le risque. L’extrême. C'est l'une des plus vieilles règles du monde que j'ai comprise lorsque je devais avoir 10 ou 12 ans : dans la vie, il y a toujours deux voies face à soi, une difficile et l'autre facile. Si on emprunte la plus dure, on a toutes les chances de faire le bon choix. C'est presque une loi physique. la voie la plus dure construit. Il faut aller vers le plus dur, toujours.
C’est un principe de délicatesse. Il faut prendre soin de ne pas humilier.
Au nord-est de Fakarava, aux Tuamotu, quand la mer vient briser, le monde parle… Seule la mer s’exprime. Rien d’autre que l’effet de la mer et de la vague ne peut modifier la bande-son du récif. Ici, on a l’impression déchirante que ça tape depuis des milliers d’années. Ce temps de la vague qui s’écrase, ce bruit de l’océan qui respire, signifie que nous ne sommes pas là pour longtemps. Le monde ici me dit clairement que je ne suis qu’un passant.
Alors je pense dans mon for intérieur : « il me suffirait d’être ce mouvement-là pour être éternel. » Le bruit du récif m’indique que je suis déjà vaincu. Ce bruit va continuer, continuer et continuer encore …
Cette respiration n’est pas la mienne, c’est celle du monde. Elle ne me rend que plus dérisoire et vulnérable. Je n’ai, moi, qu’un tout petit souffle.
Vivre est un privilège. Ce n'est pas un dû. Alors on doit avoir la politesse, l'élégance de profiter du fait d'être vivant pour que cette vie soit belle.
J'ai souvent du plaisir avec le groupe, mais je ne sais pas partager mes émotions. D'ailleurs ceux qui disent partager leurs émotions, je me demande comment ils font. La vie est solitaire. Et puis j'ai le goût d'être seul.
Tous ces endroits de lumière (je parle du cap Horn et de Fakarava) sont, pour moi, le coeur de l'enchantement du monde. Quand c'est très fort, on est sans cesse à la limite du vertige - et le vertige n'est pas la peur du vide mais la peur de son propre vide.