La nuit des béguines

"On ne sait comment les appeler, laïques ou moniales, car elles ne vivent ni dans le monde, ni hors de lui." Qui sont les béguines, ces femmes inclassables du début du XIVe siècle ? Ni épouses, ni nonnes, ni totalement contemplatives, ni totalement actives, elles sont "mi-chair mi poisson" et risquent par leur relative indépendance et liberté de parole de compromettre les ordres religieux masculins déjà bien établis.

À partir d'une ample et sérieuse recherche bibliographique, Aline Kiner nous offre de passer quelques années sous le règne de Philippe le Bel au sein du grand béguinage royal de Paris voulu par Saint Louis, son grand-père.

Nous voici plongés en plein Moyen-Âge, dans Paris encore circonscrit de remparts et dont les portes sont fermées à la tombée de la nuit, Paris dont les rues sont chargées de boue, de détritus et d'odeurs toujours fortes et parfois pestilentielles, Paris où la place de Grève offre fréquemment le spectacle du bûcher ou du pilori, Paris dans lequel le béguinage du Marais constitue un îlot protégé, uniquement peuplé et géré par des femmes que le veuvage, la peur du monde, la détresse familiale, la brutalité d'un viol ou la crainte d'un mariage forcé ont amenées à se réfugier.

C'est au milieu de la période où les Templiers sont en passe d'être condamnés et où l'Inquisition s'en prend aux hérésies (y compris aux courants qu'elle ne comprend pas) que nous sont contées les vies de plusieurs femmes présentant chacune un des portraits-types de l'époque. Il y a la sage herboriste en charge de l'hôpital, la jeune épouse qui a fui un mari brutal, l'intellectuelle, la muette, l'innocente, etc. Mais, de temps à autre, apparaît un étrange franciscain partisan d'une béguine mystique qui gêne par ses écrits l'Église et le pape.

Dépaysement assuré.