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Critique de gruz


gruz
21 septembre 2022
Que ceux qui ne lisent pas Stephen King, et jugent son oeuvre sans la connaître, jettent un oeil curieux sur Billy Summers. Ils seront surpris de découvrir un des innombrables pans du talent protéiforme du King.

Même quand il s'attaque au roman noir (il cite des références comme Jim Thompson et Elmore Leonard en interview), son talent éclabousse chaque page. Et sa manière de raconter des histoires se reconnaît entre mille, quel que soit le genre auquel il s'adonne. Qu'importe l'étiquette…

Voilà un roman à plusieurs niveaux de lecture. En surface, une histoire de tueur à gage pour laquelle King joue la partition du dernier job, celui de trop, celui qui ne tourne pas du tout comme imaginé. Où le tireur devient la cible.

Mais pas que. En filigrane d'abord, puis de manière de plus en plus présente, pressante, il nous décrit le pouvoir de l'écrit.

Et en couche additionnelle, il rajoute un énorme supplément d'âme, par la rencontre inattendue de deux solitaires que rien ne devait se faire croiser. Liés à la vie à la mort.

L'écrivain américain joue d'abord avec une vision assez manichéenne des relations pour mieux creuser ensuite, comme souvent, arrivant très rapidement à ce que le lecteur entre en empathie avec un meurtrier, à ce qu'il le trouve éminemment sympathique, lui qui a toujours eu comme règle du « métier » de ne flinguer que des salauds. Ça n'empêche pas ce personnage d'avoir une vision très réaliste de lui-même.

Son dernier contrat va l'obliger à travailler sous couverture. Celle d'un écrivain débutant qui s'installe dans un quartier populaire paisible pour y séjourner, et dans un immeuble de bureaux anonyme pour écrire. Mais, quand on n'a rien d'autre à faire qu'attendre le moment propice, on peut être tenté de vraiment jouer le jeu de sa fausse identité.

Stephen King joue alors avec sa marotte, l'écriture. Billy Summers se met donc à écrire son passé. Avec, au départ, la maladresse et la fraîcheur de l'auteur débutant. Un nouveau personnage d'écrivain qui permet à King de revenir aux sources, mais aussi de proposer une variation différente de son obsession.

Car, pour une fois (c'est presque inédit chez lui) l'écriture se révèle vite comme une thérapie pour le personnage, un bienfait, et non une malédiction. Même quand on doit coucher les atrocités d'une enfance terrible et d'un passage à la vie d'adulte éprouvant (Summers est un ancien de la guerre en Irak et souffre d'un évident stress post-traumatique).

Cette strate-là, King nous l'annonce dès la toute première page, avec un hommage appuyé à… Thérèse Raquin de Zola. Une dédicace qui reviendra à plusieurs reprises dans le roman, pour mieux souligner le pouvoir des livres.

Mais revenons à l'aspect « polar ». Clairement addictif, sacrément bien mené. Et qui montre à quel point King maîtrise son sujet, même sans utiliser le surnaturel dans l'intrigue. Et nouvelle preuve éclatante qu'il est un incroyable raconteur d'histoires, capable de vous y plonger immédiatement, sans que vous ne puissiez plus lâcher le livre. En une seule page vous êtes dans l'ambiance, en deux vous touchez déjà du doigt qui est le personnage principal. C'est un talent tout simplement inouï.

Ce qui semble s'annoncer comme une énième affaire de tueur floué, de contrat non respecté, de récit maffieux, avec un chemin tout tracé, se révèle pourtant bien plus riche tout au long de ces 550 pages.

L'intrigue est prenante, aucun doute, mais l'accent est vraiment mis sur la qualité et la profondeur des personnages. Avec une rencontre qui va changer le cours de l'histoire de ce Billy.

Par ce biais, comme par celui de l'écriture de la vie de Billy, Stephen King fait passer une foultitude d'émotions. Y instillant des passages éblouissants de lumière, émouvants au possible, dans la pénombre ambiante. Jusqu'à un final magnifique, à en perdre les mots.

Ceux qui sont curieux de l'univers littéraire, celui des auteurs, seront très intéressés par cet aspect du livre. Que ce soit les affres de la création, ou de ce que peut ressentir un écrivain en injectant des parts de lui dans une oeuvre, ou encore concernant le statut d'auteurs aux USA (très différents de ce qu'il est en Europe).

Avec Billy Summers, on sent que Stephen King a adoré jouer avec les codes du roman noir, avec grand respect, tout en racontant à sa manière une histoire passionnante.

Un récit captivant où King fait montre de sa maturité « d'ancien », tout en retrouvant çà et là l'enivrante sensation des premières fois.

Un roman qui a toutes les qualités pour plaire au plus grand nombre, lecteurs assidus du maître ou juste de passage. Pour ces derniers, gageons que ce ne sera que le début d'une aventure commune.

PS : comme petit cadeau, les fans se délecteront des quelques clins d'oeil soutenus à une oeuvre majeure du King.
Lien : https://gruznamur.com/2022/0..
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