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Critique de Wazlib


« Minuit 2 » et « Minuit 4 », deux recueils assez conséquents renfermant quatre novellas très alléchantes (un genre que je chéris décidément beaucoup), fission d'un gros pavé sorti en Amérique sous un nom un peu plus compréhensible et malin de « Four Past Midnight ». Je signale ce fait mineur car ce qui m'a poussé à acheter ces tomes, il y a de cela un petit moment, c'est le mystère de leur titre. En me penchant sur le sujet, je me suis (une fois encore) rendu compte que la traduction française rajoutait son grain de sable à un titre jouant sur les mots en anglais, perdant donc son sens en français. Enfin bon, rien de bien grave.
Si le titre intrigue, ce qui nous attend à l'intérieur également : quatre histoires relativement courtes, impliquant donc moins d'implication de la part du lecteur (ceci s'est révélé plutôt vrai), sans lien entre elles, mis à part cet instant où la réalité se brise pour faire flancher l'esprit humain et tout le confort qu'il installe autour de lui. Alors, que trouve-t-on dans ce premier tome ?

Deux nouvelles, inégales dans la longueur, inégales dans la qualité. On commence avec la plus longue, « Les Langoliers ». C'est une nouvelle qui promet beaucoup de choses, du fait de son incipit que je trouve vraiment surpuissant. Tout le début, disons sur les cinquante premières pages, est très honnêtement merveilleux. Tout y est : un personnage principal attachant, un contexte surprenant et pas banal (un avion en vol) et une intrigue bouleversante. Dès l'instant où le pilote se réveille et remarque cet avion presque vide, on bascule de façon vertigineuse dans une histoire à couper le souffle. du moins au début, puisque tout s'effrite, d'après moi, par la suite. Tout l'aspect visuel que Stephen King parvient à transmettre sur le premier quart du récit s'essouffle sur le reste de l'histoire, qui au final s'éternise dans un soupir très pénible. Tout était excellement bien posé, les personnages et les enjeux installés, et voilà que Stephen King pète véritablement un cable et lance ses personnages dans des investigations proprement ridicules. Dans la suite de l'histoire, j'entends par là une fois que les bases sont posées, seul l'histoire de Craig Toomy me paraît intéressante et servir le propos. La fillette aveugle est également attrayante, dans une moindre mesure. En revanche, toutes les disgressions de Jenkins m'ont épuisé et ce jusqu'aux dernières pages, qui ont eu le mérite de me toucher et de m'exaspérer au plus haut point (chose qui est plutôt rare avec King, habituellement).
Soyons néanmoins clair : le premier quart de cette novella justifie pleinement sa lecture, de par sa quasi-perfection à mes yeux. Et malgré l'aspect rebutant de la suite du récit, on aura tout de même très envie de savoir comment tout ça se finit. Mais nous pouvons en venir au deuxième gros point faible des Langoliers : les personnages. Si au commencement, ces derniers paraissent fins, tout s'écroule à l'arrivée de Nick Hopewell. Cet anglais des forces spéciales fait sourire non pas par grace à son humour bien présent, mais par son ridicule. Comment Stephen King a-t-il pu décemment créer ce gars ? La condamnation, évidemment, est ici la caricature. Je pense que tous ceux qui ont lu ce court roman seront d'accord avec moi : on a rarement vu personnage aussi caricatural dans un écrit de King. C'est d'un ridicule déstabilisant lorsqu'on lit un écrit de Stephen King. Et comme si cela ne suffisait pas, Brian Engle, le pilote qu'on adorait au début, gagne aussi le statut de « caricatural », et je ne mentionne même pas les deux ados dans l'avion, qui nous offrent quelques séquences coeur bleu à gerber ses tripes sur les pages. Je ne comprends cette situation qu'à travers une explication : Stephen King a voulu se faire un petit plaisir « série B ». Tout comme Tarantino qui s'extase, de temps en temps, à faire un nanar, King se l'est joué Graham Masterton (en plus bichon, évidemment), et est parvenu à donner un équivalent littéraire à « La revanche de l'Alligator 5 » diffusé tard sur W9. le problème, c'est qu'avec Tarantino et « Une Nuit en Enfer » par exemple, ça passe très bien. C'est jouissif, ça fait merveilleusement plaisir. Mais là, ça ne passe pas. Et le problème, c'est que le début est tellement bon qu'on ne s'y attend pas.

Tout est beaucoup plus simple, avec la seconde novella « Vue Imprenable sur Jardin Secret ». Elle est plutôt bonne, et j'ai hésité à écrire très bonne. Je pense m'être gaché un peu de plaisir tout seul en m'étant auto-spoilé, puisqu'il se trouve que j'avais déjà vu le film avec Johnny Depp tiré de l'histoire. Si cela m'a gaché le twist final (j'y reviendrai), il faut tout de même noter que la fin de la novella diverge de la fin du film, ce fut donc une bonne surprise de découvrir une nouvelle fin, que j'ai trouvée d'ailleurs bien meilleur. En fait, globalement, j'ai trouvé la novella bien meilleure que le film, bien plus fine. King y travaille un thème qui lui est cher (le lien de l'auteur à un histoire, du lecteur à l'histoire, du lecteur à l'auteur...) et qui lui sied à merveille. Il s'y révèle d'une finesse bienvenue après les trois derniers quarts du récit de neuneu « Les Langoliers ». Si je dois simplement reprocher quelque chose, et quelque chose me dit que je dois le faire, à ce récit, c'est justement le twist. Si ce dernier, bien que très classique, est bien pensé, il apparaît un peu sans surprise, faisant retomber le soufflé. On l'a deviné un bon nombre de pages à l'avance, malheureusement, et je me suis même demandé si je ne me trompais pas sur l'intention de King. Ce dernier souhaitait peut-être que l'on comprenne tout ça avant Mort, le personnage principal. Je n'en suis franchement pas sûr.
Mort est un personnage attachant, avec une histoire passionante (la relation avec sa femme est magique!), très joliment dessiné, et il faut avouer que l'empathie pour lui est très vite présente chez le lecteur. Les apparitions de Shooter parviennent à faire trembler : autrement dit, les effets sont très réussis.
Je rajouterai simplement que les toutes dernières pages sont juste superbes et ajoutent une touche fantastique, un peu dérangeante, au récit.
En tous les cas, une novella efficace, qui fait plaisir.

Pour conclure, on a ici le droit à un dyptique bancal, qui surprend clairement dans les deux sens (la première nouvelle est brisée en deux parties, l'une très bonne et l'autre ridiculement mauvaise). Je pense que la lecture de ce recueil est tout de même conseillée, dans la mesure où la lecture n'est que très rarement désagréable et laisse quelques plaisirs intacts. J'espère néanmoins avoir un bien meilleur sentiment après la lecture du second tome.
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