Citations sur Révélée (59)
Cela devait faire presque quarante ans que je n’avais pas lu ces mots. Elle avait écrit le roman l’été précédant la naissance de Jonathan. C’était comme si elle se trouvait dans le lit avec moi. Je pouvais entendre sa voix avec clarté : celle de Nancy, jeune femme, pas encore mère. De l’énergie se dégageait de ces pages, de l’intrépidité, et cela m’a renvoyé à une époque où nous étions excités par l’avenir, où les choses qui ne s’étaient pas encore produites nous réjouissaient plutôt qu’elles nous effrayaient. Ce soir-là, je suis allé me coucher heureux, conscient que même si elle m’avait quitté, j’avais eu de la chance d’avoir Nancy dans ma vie. Nous nous étions ouverts l’un à l’autre. Nous avions tout partagé. Je croyais que nous savions tout l’un de l’autre.
Le fait d'avoir gardé le secret est encore pire que le secret lui même.
J'aimais lui monter son courrier, même s'il s'agissait de factures de gaz. J'aimais lire son nom et notre adresse commune écrits de manière officielle.
Elle relit une nouvelle fois la dernières phrase : ''Quel dommage qu'elle n'ait pas pris conscience que ne rien faire serait une négligence mortelle.''
Elle l'observe, posé à l'envers, encore ouvert tel qu'elle l'a laissé : ce livre auquel elle s'est fiée. Les premiers chapitres l'on amadouée et mise en confiance, ils lui ont procuré un sentiment de confort tout en lui laissant deviner le léger frisson à venir, le petit quelque chose qui l'incitait à poursuivre sa lecture, mais sans fournir aucun indice sur ce que le livre lui resservait. Il l'a appâtée, attirée dans ses pages, toujours plus loin, jusqu'à ce qu'elle était prise au piège. Alors les mots ont ricoché dans sa tète et claqué dans sa poitrine, les uns après les autres. Comme si toute une file de gens avait sauté devant un train et qu'elle , conductrice impuissante, était incapable d'éviter la collision fatale. Trop tard pour freiner. Impossible de faire machine arrière. Malgré elle. Catherine s'est retrouvée coincée dans les pages du livre.
La force que procure la colère est extraordinaire. J’ai littéralement retourné la maison, en quête d’autres secrets. Je me suis attaqué à notre nid familial comme s’il était l’ennemi. Je suis passé de pièce en pièce, j’ai déchiré, renversé, retourné, fichu une sacrée pagaille, mais je n’ai rien trouvé d’autre. Toute l’affaire m’a donné le sentiment d’être tombé dans une canalisation bouchée et de tâtonner dans des eaux usées pour tenter d’y voir plus clair. Sauf qu’il n’y avait rien de concret à quoi se raccrocher. Tout ce que je sentais, c’était une crasse molle, qui me rentrait par les pores et s’insinuait sous mes ongles, et sa puanteur m’emplissait les narines, s’accrochait à mes cheveux, s’imprégnait dans les petits vaisseaux sanguins et polluait mon corps tout entier.
Il fait jour à présent et elle est épuisée. Elle a les membres lourds , comme lestés, comme si tout le thé qu'elle a ingurgité s'était infiltré en eux , les remplissant et les alourdissant. Elle n'est plus qu'une petite éponge spongieuse , bouffie ramollie . Lorsqu'elle bouge , elle peut entendre le liquide s'agiter en elle . sa tête aussi est inondée, submergée d'images sur lesquelles elle n'a aucun contrôle et de souvenirs remontés du fond de sa mémoire et qui refusent d'en partir.
Il y a une brusque avancée quand le train arrive à quai et je me laisse porter derrière elle . je marche sur un nuage. Elle aussi se fait pousser , mais pas par moi. Je ne l'ai pas touchée. ...Nous ne sommes pas prêts encore , Nancy et moi. J'ai amené Nancy avec moi. Ses bras sont sur les miens , mon coeur se trouve où était le sien . Je me suis mis à porter son cardigan .
J'ai ouvert une bouteille de vin, mais n'en ai bu qu'un verre . je ne bois plus beaucoup ces temps-ci : je préfère garder le contrôle de mes pensées. Trop d'alcool les envoie voguer dans la mauvaise direction, comme des enfants en bas âge incontrôlables .
A l'époque , j'étais investi . Je m'impliquais. Mais c'était avant . Aujourd'hui, je n'enseigne plus. Je suis à la retraite . Je suis veuf.