bon scenario, un peu long a démarrer, mais un bon moMent de lecture.
Elle doit pardonner, mais elle n’y arrive pas. Elle ne peut pas lui pardonner parce qu’elle l’a vu ces dernières semaines se faire à l’idée qu’elle avait été violée avec bien plus de facilité qu’il n’avait accepté l’idée qu’elle avait eu une liaison. Bien sûr, il était bouleversé et en colère : il se sentait impuissant ; il n’avait pas été là pour la protéger.
Quand bien même la douleur sera atroce pour l’un comme pour l’autre, il doit savoir. Mais il n’est pas encore assez fort ; il faudra un moment avant qu’il ne soit prêt.
Ce sont les hommes qui se noient en sauvant les enfants et les chiens, pas les femmes. Les pères, pas les mères. Bizarre, mais elle n’arrive pas à se souvenir d’avoir entendu parler d’une femme qui aurait plongé pour soustraire un enfant à la noyade, alors qu’elle peut se rappeler maintes fois où des hommes ont péri dans des rivières mugissantes et des canaux dégoûtants, sans songer un instant à leur sécurité, éperonnés par un courage aveugle.
Si la chaleur émanait d’elle, la femme n’était pas chaleureuse pour autant. Son sang est trop froid pour qu’elle comprenne ce qu’on ressent quand un inconnu nous apprend que notre enfant est mort, quand on n’est pas auprès de lui au moment où il en a le plus besoin, où il nous appelle en pleurant. Et on ne peut pas l’aider, on ne peut pas le prendre dans nos bras, lui dire que tout ira bien, qu’on est là. Je n’étais pas là pour serrer Jonathan contre moi, lui caresser les cheveux, l’embrasser et lui dire que je l’aimais. On ne comprend cela que lorsque ça nous arrive.
Ah, nous sommes tous tellement doués pour faire semblant. Prétendre que tout va parfaitement bien.
Ce paradis sera de courte durée. Toutes les bonnes choses – les odeurs, les goûts, la chaleur – sont nuancées par la menace de leur précarité.
L’alcool devrait lui soulever le cœur, mais non. C’est sa femme qui lui donne la nausée. Ses mensonges – il ne veut pas en entendre davantage et il ignore ses appels ; il finit par éteindre son téléphone. Sa colère est intense et il s’y accroche, pour ne pas se désintégrer. La façon dont elle l’a manipulé le rend malade. Il aurait dû s’en douter. C’est son fonds de commerce, une chose qu’il a toujours admirée chez elle : sa capacité à convaincre les gens de faire ce qu’ils préféreraient éviter. Jamais il n’aurait soupçonné qu’elle se servirait de cette combine sur lui.
Il vaut mieux écrire que parler. Elle se méfie de ce qu’elle pourrait dire au téléphone. Il ne la croirait pas de toute façon – mieux vaut rédiger quelques mots et les lui faire parvenir.
Je suppose que le livre était tel un chien de chasse, mon roman Jack Russell qui la reniflerait et la débusquerait de sa cachette, la pourchasserait à découvert. Ses crocs pointus, acérés, l’exposeraient au grand jour, la dépouilleraient de ces visages contrefaits qu’elle avait fabriqués. Elle s’était bien dissimulée derrière son long mariage réussi, sa carrière encensée – tout en étant mère, ne l’oublions pas. Quel déguisement fort utile. Un peu d’honnêteté, que diable ! Montre ton vrai visage ! Voyons si tu te supportes après.